Le sang conservé de même qualité que le sang frais. La démonstration vient d’être faite par l’étude « ABLE* », dont les résultats ont été publiés le 17 mars 2015 dans le prestigieux New England Journal of Medicine. Cette avancée remet en cause d’autres recherches qui suggéraient qu’une conservation prolongée des globules rouges avant transfusion a des effets négatifs sur l’efficacité clinique.
Des millions de patients potentiellement concernés
Environ un tiers des malades hospitalisés dans un service de réanimation reçoivent une transfusion sanguine au cours de leur séjour. Les globules rouges sont transfusés pour compenser les pertes en hémoglobine et ainsi préserver l’apport en oxygène aux organes vitaux et limiter le risque d’ischémie myocardique.
La prise en charge actuelle consiste à transfuser du sang dont la durée de conservation est inférieure à 42 jours. Les chercheurs ont entrepris l’étude ABLE, un essai clinique randomisé en double insu, afin de comparer la mortalité 90 jours après la première transfusion, chez des patients hospitalisés en réanimation et transfusés avec du sang conservé en moyenne six jours ou du sang conservé en moyenne 22 jours.
Au total, 2 430 adultes ont participé à l’étude pilotée par le Canada, soit 1 211 patients dans le groupe « 6 jours » et 1 219 patients dans le groupe « 22 jours ».
Les résultats sont sans équivoque : « Il n’y a eu aucune différence de mortalité ou de dysfonctions d’organes entre les deux groupes, ce qui signifie que le sang prélevé depuis peu n’est pas plus bénéfique que le sang prélevé depuis 2 semaines », résume Paul Hébert, chercheur au Centre de recherche du CHUM qui présentait l’étude le 17 mars à Bruxelles dans le cadre du 35e Symposium International sur les soins intensifs et la médecine d’urgence.
« La recherche clinique menée dans le cadre de l’étude ABLE est essentielle : elle permet de vérifier la qualité des produits sanguins transfusés à nos patients. Ces résultats confortent les pratiques actuelles de mises à disposition des concentrés de globules rouges. C’est une satisfaction pour les transfuseurs et cliniciens en charge de ces malades gravement atteints » expliquent Gilles Capellier et Pierre Tiberghien.
Cette vaste étude clinique apporte en effet des preuves rassurantes concernant la sécurité du sang transfusé aux patients gravement malades. Soutenus par le Groupe canadien de recherche en soins intensifs, de nombreuses infirmières, des technologues de banques de sang, des médecins experts en transfusions et en soins critiques, les Drs Jacques Lacroix, (Centre de recherche du CHU Sainte-Justine), Dean Ferguson (Hôpital d’Ottawa), Alan Tinmouth, (Hôpital d’Ottawa) et Paul Hébert (Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal) ont mené une équipe d’une douzaine de chercheurs de 64 centres hospitaliers au Canada et en Europe.
La même équipe de chercheurs mène actuellement un essai clinique auprès des enfants. « Cette nouvelle étude devrait permettre de vérifier si les jeunes réagissent aux transfusions de sang fraîchement prélevé et de sang plus âgé de la même manière que les adultes », conclut le Dr Jacques Lacroix, du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine et professeur à l’Université de Montréal.
À propos de l’étude
L’étude «ABLE», publiée en ligne dans le New England Journal of Medicine le 17 mars 2015, est promue par le Centre de recherche du CHUM (Dr Paul Hébert) conjointement avec le Centre de recherche du CHU Sainte-Justine (Professeur Jacques Lacroix) et l’Institut de recherche de L’Hôpital d’Ottawa (Professeurs Dean Fergusson et Alan Tinmouth). En France, l’étude est coordonnée par le CHRU de Besançon et associe 21 services de réanimation (Clermont-Ferrand, Dijon, Lille, Nancy, Nîmes, Paris Saint-Antoine, Paris-Bichat, Strasbourg, Reims) ainsi que l’Etablissement français du sang et 10 de ses établissements régionaux (EFS Bourgogne-Franche-Comté, EFS Nord de France, EFS Alsace, EFS Lorraine-Champagne, EFS Ile de France, EFS Auvergne- Loire, EFS Pyrénées-Méditerranée).
« ABLE » a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, Fonds de recherche du Québec – Santé, NETSCC Health Technology Assesment (HTA) Program of the British National Institute for Health Research, Ministère français des Affaires sociales et de la Santé (PHRC 2011), le CHRU de Besançon et l’EFS.
* Age of blood evaluation trial in the resuscitation of critically ill patients / Evaluation de l’impact de l’âge des concentrés de globules rouges sur la survie des patients hospitalisés en réanimation