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Mai 2015 : les 35 heures sur la sellette

En ce mois de mai 2015, le monde hospitalier, économique et politique et la presse ont les yeux rivés sur le chantier de la réorganisation du temps de travail lancé par Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP. L’avenir de la réforme emblématique de Martine Aubry se joue peut-être sein du plus grand hôpital d’Europe, dans une confrontation d'ampleur avec les syndicats. Retour sur un mois d’intenses mobilisations.

En ce mois de mai 2015, le monde hospitalier, économique et politique et la presse ont les yeux rivés sur le chantier de la réorganisation du temps de travail lancé par Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP. L’avenir de la réforme emblématique de Martine Aubry se joue peut-être sein du plus grand hôpital d’Europe, dans une confrontation d’ampleur avec les syndicats. Retour sur un mois d’intenses mobilisations.
Acte 1 : Martin Hirsch annonce que «l’accord 35 heures signé en 2002 n’est plus adapté» et il entend le renégocier afin d’économiser 20 à 25 millions d’euros. Ces propos recueillis par Etienne Lefebvre et Solveig Godeluck sur les Echos ont été publiés le 19 mars 2015. L’entretien fit grand bruit et fut repris le jour même par l’AFP et la presse quotidienne, professionnelle "Faut-il se débarrasser des 35 heures ?" titre Europe1 alors que le Figaro préfère la formule moins polémique "Martin Hirsch veut assouplir les 35 h à l’AP-HP". Le nœud du problème : la maîtrise des comptes. Dans le cadre du pacte d’austérité, l’AP-HP (7 milliards d’euros de budget) vise un retour à l’équilibre en 2016. L’institution qui a ramené son déficit à moins de 50 millions en 2014 grâce à un effort de 125 millions d’euros en 2014 doit trouver encore 150 millions de gains d’efficience en 2015. Si rien ne change dans une organisation où la masse salariale représente 60% du budget,  « il faudrait supprimer plusieurs milliers d’emplois pour tenir nos engagements budgétaires" prévient le directeur général qui pointe des problèmes d’organisation, de "concordance des temps", d’attentes pénalisantes pour les équipes et les malades là où au contraire il faudrait fluidifier les échanges, de RTT accumulées qui se chiffrent en milliers de jours à rattraper.
Suivent les propositions de la direction dont notamment le passage à la journée de travail à 7 h 30, ce qui permettrait de supprimer cinq jours de RTT, pour les ramener à 15. Concernant le fonctionnement des services, il s’agit de  "coller " davantage au cycle de soins du patient, de mieux utiliser les blocs opératoires. "A l’arrivée, il y aura certes moins de jours à récupérer, mais plus de prévisibilité, et l’on pourra répondre aux demandes non satisfaites, en matière de formation professionnelle notamment. Et on soignera mieux les patients !" prévoit il. L’enjeu : rester maître de son destin, ne pas être obligé de renoncer à des milliers d’emplois comme l’imposerait le plan de maîtrise des dépenses voté au Parlement.
Les médecins seront aussi mis à contribution. Les performances des services sont évaluées au regard des critères de soins et de recherche et des moyens médicaux impartis. "Si l’AP-HP veut avoir la force du premier CHU d’Europe, et pas la faiblesse d’une collection de mini-CHU, il faudra que les services s’alignent sur les plus performants ou se regroupent. C’est ce que nous avons déjà décidé avec l’ophtalmologie qui sera regroupée dans un grand centre disposant enfin des équipements les plus modernes." détaille Martin Hirch
Dans  un souci de dialogue social, un état des lieux « partagé » de l’existant avait été planifié par la direction qui prévoyait quatre demi-journées de rencontres d’ici au 28 mai, date prévue d’entrée en négociations.
Acte 2 : Le 30 avril, l’intersyndicale CGT-SUD-FO lançait un appel à la grève pour le 21 mai "contre le plan stratégique de l’établissement et la future réforme du temps de travail". « Une poussée de fièvre » annoncée sur tous les supports qui contraint Martin Hirsch à marteler qu’il ne veut pas « remettre en cause les 35 mais réorganiser le temps de travail » des 75.000 personnels (hors médecins) des 38 établissements de l’AP-HP. Un sujet hautement sensible pour toute la fonction publique hospitalière.
Interrogé le 4 mai par l’AFP, Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France précisait " Jusqu’à présent, la moitié des hôpitaux ont renégocié leurs accords RTT, plus ou moins dans la douleur. Cela s’est traduit "par un retour à l’équilibre budgétaire, par le dégagement d’un bénéfice ou par la réduction du déficit". Selon ce haut responsable "Renégocier les 35 heures est l’une des solutions pour "tenir budgétairement" au moment où "les contraintes sont fortes". Sur ce dossier, l’AP-HP fait figure de laboratoire pour l’ensemble de la fonction publique. D’où l’écho donné à l’affaire. BFM Business n’hésitant pas à titrer "La fin des 35 heures dans les hôpitaux de Paris ?", la question est reprise à la TV, dans la presse régionale. France TV se fend d’une accroche unique "Hôpitaux parisiens : les 35 heures sur le billard"
Acte 3 : Le 6 mai, à l’issue de la première rencontre avec les syndicats, Rose-May Rousseau (CGT) déclare à Liaisons sociales « La réorganisation proposée n’est ni négociable ni amendable. Nous réclamons un retrait du projet et la mise en place d’une vraie réduction du temps de travail, qui permette aux agents de prendre effectivement leurs jours de congés. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ». Le journal précise que « En cas d’échec de cette négociation, le directeur général prendra une décision précisant définitivement la nouvelle organisation du temps de travail pour l’ensemble de l’institution », comme le stipule le document d’orientation (en page 9 sur 58) qui leur a été transmis aux responsables syndicaux
Le Parisien du 12 mai annonce que les syndicats ont décidé de boycotter les rencontres.
Le 13 mai, la FHF apporte officiellement son soutien à Martin Hirsch, mentionnant à cette occasion qu’elle réclame « depuis des mois un débat national sur les 35 heures à l’hôpital », expiquait Frédéric Valletoux lors d’une conférence de presse. « On soutient le débat (…) parce que Martin Hirsch pose le problème sur la table, parce qu’il le fait dans le cadre du dialogue social» a-t-il ajouté. 
Acte 4 : Le 21 mai, la mobilisation unitaire (CFDT, CGT, SUD, FO  CFE-CGC, la CFTC et l’Unsadu) marque "la première grève d’envergure pour Martin Hirsch". Les organisations syndicales, unanimes dans leur rejet du projet, qualifient cette journée d’« historique », avec des taux de mobilisation « exceptionnels, supérieurs à 50 % » note le Monde dans un article signé de François Béguin sorti le jour même; 
Interrogé sur RTL, Martin Hirsch insiste «Ce n’est pas la fin des 35 heures, c’est les 35 heures organisées autrement et ce n’est pas la fin des RTT». Il indique aussi être «bien sûr» soutenu par le gouvernement. Les rédactions reprennent le message. 
Le 22 mai, les médias font écho à l’ampleur de la mobilisation. Des milliers d’agents, 6 000 à 8 000, se sont rassemblés à 11h devant le siège de l’AP-HP. En réaction, le directeur général Martin Hirsch va changer de stratégie. Souhaitant "renouer le dialogue social", ce dernier organisera une réunion avec chaque organisation syndicale le 26 mai, du 28 mai prévu initialement. Le but étant de proposer "une nouvelle base de travail mettant au centre des discussions les améliorations des conditions de travail, et de l’organisation du travail". Des négociations qui s’ouvrent avant la nouvelle mobilisation du 28 juin prochain, annoncée par l’Union syndicale CGT.
Le même jour l’AFP citait la ministre de la Santé Marisol Touraine qui déclarait avoir "confiance" en Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. 
Le 24 mai, Jean-Marie Le Guen confirmait sur France 5 qu’il n’aurait pas de remise en cause des 35 h à l’hôpital et sur le JDD, Gérard Larcher, Président du Sénat apportait son soutien à Martin Hirsh sur la renégociation des 35 heures à l’hôpital.
Le 26 mai nouvel appel à la grève pour le 28 mai. Cette 2ème journée de mobilisation fut un peu moins suivie que la précédente, 4 500 à 8 000 et moins d’un quart du personnel était en grève contre 34%, le 22 mai.

La direction générale annonce qu’elle allait transmettre de nouvelles propositions concernant notamment l’embauche de CDD, le maintien des effectifs au lit du malade, le meilleur accès au logement… pour qu’il y ait une nouvelle base de discussion. Tandis que la CGT campe sur ses positions : le retrait d texte. « Les syndicats redoutent la suppression des RTT, mais aussi celle de jours exceptionnels octroyés pour événements familiaux ou l’ancienneté, ainsi qu’un accroissement de la charge de travail, quand nombre d’agents font déjà des dépassements d’horaires. » commente la Gazette des communes le 29 mai.
Les Echos évoquent la situation délicate de Marisol Touraine « autopiégée » par son soutien à Martin Hirsch avec qui les syndicats ne veulent plus dialoguer. Le conflit semble dans l’impasse. France Inter explique « Pourquoi la réforme ne passe pas ». Les manifestants réclament la démission de Martin Hirsch.

Le 29 après-midi, la presse reprenait l’incident qui s’est déroulé le matin sur  le plateau de France Inter installé à l’Hôpital Pompidou où l’entretien de Martin Hirsch conduit Patrick Cohen a tourné court. En cause les huées du personnel « Climat houleux pour la matinale de France Inter à l’hôpital Pompidou » titrait Libération quand le Figaro parlait de chahut :" La matinale de France Inter chahutée par les grévistes de l’AP-HP".
Et l’intersyndicale fait savoir dans un communiqué qu’elle programme de nouveaux mouvements : le 2 juin actions locales dans tous les établissements de l’AP-HP, et le 11 juin devant l’avenue Victoria.
Un calendrier qui annonce un mois de juin socialement chaud.
Marie-Georges Fayn   

 


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