Fatigue, alcool et accidents impliquant des blessés
sur le territoire français : Une étude factorielle
La France a un taux d'accidents de la route extrêmement
élevé. Bien que la fatigue soit un élément
d'accidentologie déjà connu, il s'avérait
utile de mieux comprendre son rôle dans les accidents
de voiture survenant sur le territoire français et
de le comparer à celui de l'alcool.
L'étude conduite par le Dr Philip, Praticien hospitalier
à la Clinique du sommeil du CHU de Bordeaux, fera de
l'Aquitaine une région pilote au niveau international
en matière de vigilance au volant et du CHU de Bordeaux
un établissement moteur et de référence
dans ce domaine.
Méthodes et Résultats
A partir de la base de données du Ministère
des Transports, l'équipe du Dr Philip a obtenu des
éléments précis sur les circonstances
des 640 670 accidents de la route survenus entre 1994 et 1998
inclus et qui impliquaient au moins une personne blessée
(dont la présence était confirmée par
un intervenant médical) ou décédée.
Les forces de police remplissaient un questionnaire ministériel
standardisé comprenant des informations sur l'heure,
le lieu, les conditions de la route et du climat, les véhicules
impliqués, les défauts mécaniques, l'état
de santé du conducteur et son niveau d'alcoolémie
ainsi que des interviews résumant les probables causes
de l'accident. Les accidents liés à la fatigue
étant très difficiles à identifier, l'équipe
a appliqué des critères déjà mis
au point par Horne et Reyner pour éliminer la majorité
des facteurs confondants.
Ils se sont attachés uniquement aux accidents à
véhicule seul intervenant dans de bonnes conditions
climatiques sans problème de revêtement et sur
des routes non séparées par des carrefours.
Ils ont ainsi exclu la plupart des accidents en zone urbaine,
les accidents impliquant des piétons et les accidents
liés à la consommation de médicaments
ou de drogues illicites.
Quatre catégories d'accidents ont été
identifiées :
1. Les accidents liés à l'alcool
uniquement (alcoolémie > 10 mg d'alcool / 100 ml
de sang).
2. Les accidents liés à la fatigue seule. Le
conducteur aurait pu éviter l'accident, mais aucune
manuvre n'a été faite dans ce sens et
les niveaux d'alcool sont inférieurs à 10 mg/100
ml de sang.
3. Les accidents liés à l'alcool et à
la fatigue : accidents liés à la fatigue avec
des concentrations sanguines > 10 ml d'alcool / 100 ml
de sang.
4. Les accidents non liés à l'alcool ou à
la fatigue (pas de cause fatigue enregistrée et alcoolémie
< 10 mg / 100 ml).
A peu près 10 % des accidents de la
base initiale sont restés dans l'analyse soit 67671
accidents. Parmi ceux-là 10 % sont attribués
à la fatigue et 23 % à l'alcool. Ces accidents
sont ensuite subdivisés en trois périodes :
le jour (07:00-19:59h), la soirée (20:00-23:59h), le
petit matin (00:00-06:59h).
Les accidents liés à l'alcool avaient un taux
de mortalité supérieur durant la soirée
et au petit matin que le jour alors que les accidents liés
à la fatigue avaient un taux de mortalité supérieur
le jour qu'au petit matin.
Pour la période complète des
24 H et en comparaison avec les accidents non reliés
à l'alcool, ceux reliés à la fatigue
avaient un risque de mortalité, de 1.645
Pour les accidents impliquant des blessés graves, ce
facteur de risque était de 1.
Les accidents liés à l'alcool avaient un risque
de mortalité de 4.2
Les accidents induisant des blessures graves où l'alcool
était impliqué avaient un facteur de risque
de 1.9 .
Dans le cas des accidents où l'alcool et la fatigue
étaient combinés, le risque de mortalité
s'élevait à 6.8 et pour les accidents graves
ce risque était de 2.6
Une analyse multi-variée a ensuite été
réalisée sur les accidents survenant de jour
où le fait d'observer un décès dans l'accident
était considéré comme la variable dépendante
et où la variable indépendante était
la fatigue, le handicap physique du chauffeur, la distraction
de ce dernier, et la période de la semaine (week-end
comparé aux jours de semaine ). Pour les accidents
où l'alcool n'est pas impliqué, le facteur significatif
était tout d'abord la fatigue puis la distraction du
conducteur et enfin les week-ends.
Pour les accidents liés à l'alcool, les facteurs
significatifs de décès étaient toujours
et uniquement la fatigue.
La fatigue, un facteur de risque sévère
En utilisant une méthode très
stricte d'analyse, il a été constaté
que la fatigue seule ou lorsque cette dernière est
combinée à l'alcool représente un facteur
de risque très sévère en matière
de décès ou de blessures graves lors d'accidents
de la circulation. Ce facteur a été pour l'instant
largement méconnu en France et dans les autres pays
industrialisés.
On constate également qu'il existe une forte relation
entre la période du cycle des 24 H et la cause des
accidents. En effet la majorité des accidents liés
à l'alcool surviennent la nuit. Dans ce type d'accidents
la fatigue est très largement méconnue alors
que les données physiologiques confirment un pic d'hypovigilance
nocturne clairement identifié. Il est probable qu'il
existe à l'heure actuelle une sous-estimation de la
prévalence de la fatigue rapportée par les forces
de police, probablement à cause d'une attribution mono
causale des accidents en particulier lorsque l'alcool est
impliqué.
Pour
plus d'information contacter :
Hélène Quancard-Miel - Responsable de la
Communication
CHU de Bordeaux - 12 rue Dubernat - 33404 Talence Cedex
Tél : 05.56.79.60.97. - Fax :05.56.79.48.85.
Mel :
helene.quancard-miel@chu-bordeaux.fr
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