BORDEAUX


Sécurité routière : une étude factorielle

Ref.: No14 - Bordeaux 01 - mai 2001


Fatigue, alcool et accidents impliquant des blessés sur le territoire français : Une étude factorielle


La France a un taux d'accidents de la route extrêmement élevé. Bien que la fatigue soit un élément d'accidentologie déjà connu, il s'avérait utile de mieux comprendre son rôle dans les accidents de voiture survenant sur le territoire français et de le comparer à celui de l'alcool.
L'étude conduite par le Dr Philip, Praticien hospitalier à la Clinique du sommeil du CHU de Bordeaux, fera de l'Aquitaine une région pilote au niveau international en matière de vigilance au volant et du CHU de Bordeaux un établissement moteur et de référence dans ce domaine.

Méthodes et Résultats

A partir de la base de données du Ministère des Transports, l'équipe du Dr Philip a obtenu des éléments précis sur les circonstances des 640 670 accidents de la route survenus entre 1994 et 1998 inclus et qui impliquaient au moins une personne blessée (dont la présence était confirmée par un intervenant médical) ou décédée. Les forces de police remplissaient un questionnaire ministériel standardisé comprenant des informations sur l'heure, le lieu, les conditions de la route et du climat, les véhicules impliqués, les défauts mécaniques, l'état de santé du conducteur et son niveau d'alcoolémie ainsi que des interviews résumant les probables causes de l'accident. Les accidents liés à la fatigue étant très difficiles à identifier, l'équipe a appliqué des critères déjà mis au point par Horne et Reyner pour éliminer la majorité des facteurs confondants.
Ils se sont attachés uniquement aux accidents à véhicule seul intervenant dans de bonnes conditions climatiques sans problème de revêtement et sur des routes non séparées par des carrefours.
Ils ont ainsi exclu la plupart des accidents en zone urbaine, les accidents impliquant des piétons et les accidents liés à la consommation de médicaments ou de drogues illicites.

Quatre catégories d'accidents ont été identifiées :

1. Les accidents liés à l'alcool uniquement (alcoolémie > 10 mg d'alcool / 100 ml de sang).
2. Les accidents liés à la fatigue seule. Le conducteur aurait pu éviter l'accident, mais aucune manœuvre n'a été faite dans ce sens et les niveaux d'alcool sont inférieurs à 10 mg/100 ml de sang.
3. Les accidents liés à l'alcool et à la fatigue : accidents liés à la fatigue avec des concentrations sanguines > 10 ml d'alcool / 100 ml de sang.
4. Les accidents non liés à l'alcool ou à la fatigue (pas de cause fatigue enregistrée et alcoolémie < 10 mg / 100 ml).

A peu près 10 % des accidents de la base initiale sont restés dans l'analyse soit 67671 accidents. Parmi ceux-là 10 % sont attribués à la fatigue et 23 % à l'alcool. Ces accidents sont ensuite subdivisés en trois périodes : le jour (07:00-19:59h), la soirée (20:00-23:59h), le petit matin (00:00-06:59h).


Les accidents liés à l'alcool avaient un taux de mortalité supérieur durant la soirée et au petit matin que le jour alors que les accidents liés à la fatigue avaient un taux de mortalité supérieur le jour qu'au petit matin.

Pour la période complète des 24 H et en comparaison avec les accidents non reliés à l'alcool, ceux reliés à la fatigue avaient un risque de mortalité, de 1.645
Pour les accidents impliquant des blessés graves, ce facteur de risque était de 1.
Les accidents liés à l'alcool avaient un risque de mortalité de 4.2
Les accidents induisant des blessures graves où l'alcool était impliqué avaient un facteur de risque de 1.9 .
Dans le cas des accidents où l'alcool et la fatigue étaient combinés, le risque de mortalité s'élevait à 6.8 et pour les accidents graves ce risque était de 2.6
Une analyse multi-variée a ensuite été réalisée sur les accidents survenant de jour où le fait d'observer un décès dans l'accident était considéré comme la variable dépendante et où la variable indépendante était la fatigue, le handicap physique du chauffeur, la distraction de ce dernier, et la période de la semaine (week-end comparé aux jours de semaine ). Pour les accidents où l'alcool n'est pas impliqué, le facteur significatif était tout d'abord la fatigue puis la distraction du conducteur et enfin les week-ends.
Pour les accidents liés à l'alcool, les facteurs significatifs de décès étaient toujours et uniquement la fatigue.

La fatigue, un facteur de risque sévère

En utilisant une méthode très stricte d'analyse, il a été constaté que la fatigue seule ou lorsque cette dernière est combinée à l'alcool représente un facteur de risque très sévère en matière de décès ou de blessures graves lors d'accidents de la circulation. Ce facteur a été pour l'instant largement méconnu en France et dans les autres pays industrialisés.
On constate également qu'il existe une forte relation entre la période du cycle des 24 H et la cause des accidents. En effet la majorité des accidents liés à l'alcool surviennent la nuit. Dans ce type d'accidents la fatigue est très largement méconnue alors que les données physiologiques confirment un pic d'hypovigilance nocturne clairement identifié. Il est probable qu'il existe à l'heure actuelle une sous-estimation de la prévalence de la fatigue rapportée par les forces de police, probablement à cause d'une attribution mono causale des accidents en particulier lorsque l'alcool est impliqué.

 
 


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