Sélectionnés par un jury composé d’experts de la santé, de la recherche et de l’intelligence artificielle, dix projets vont bénéficier de l’accompagnement spécifique du Health data Hub. Parmi ceux-ci, Rexetris est porté par le Pr Pierre Marquet du CHU de Limoges, avec l’appui de l’Inserm et de la société Optim’Care. Entretien.
Sélectionnés par un jury composé d’experts de la santé, de la recherche et de l’intelligence artificielle, dix projets vont bénéficier de l’accompagnement spécifique du Health data Hub. Parmi ceux-ci, Rexetris est porté par le Pr Pierre Marquet du CHU de Limoges, avec l’appui de l’Inserm et de la société Optim’Care. Entretien.
Pouvez-vous nous présenter les grandes étapes de votre carrière ?
J’ai été recruté au CHU de Limoges très tôt dans ma carrière après avoir fait mes études de médecine dans cette ville où je suis également né. En 2007, nous avons créé la première unité Inserm de Limoges, consacrée à la pharmacologie de la transplantation. Au CHU, je dirige un service hospitalier de pharmacologie, toxicologie et pharmacovigilance où se retrouvent les différents aspects de cette discipline mixte : la pharmacologie clinique et la pharmacologie biologique. J’ai d’ailleurs eu la chance de présider tour à tour l’association internationale de pharmacologie-toxicologie biologique (IATDMCT) de 2009 à 2015, et maintenant l’association européenne de pharmacologie clinique et thérapeutique (EACPT) pour la période 2019-2025. En recherche, j’ai développé de nombreux travaux et réalisé nombre d’essais cliniques en transplantation et je suis également à l’origine de la création d’une spin-off – Optim’Care – qui a pour objectif de valoriser un certain nombre de nos développements et de nos brevets. Le projet Rexetris retenu dans le cadre du Health Data Hub est d’ailleurs porté conjointement par le CHU, l’Inserm et Optim’Care.
Pouvez-vous nous parler de la genèse du projet Rexetris ?
Notre équipe de pharmacologie clinique cherche à mieux connaitre l’effet des traitements immunosuppresseurs des patients greffés rénaux, et en particulier l’effet des concentrations sanguines sur l’efficacité de ces traitements. Nous avons mis en place des outils très perfectionnés pour ajuster les traitements sur la base de plusieurs concentrations sanguines. Par exemple, pour certains médicaments pour lesquels une dose fixe était proposée, nous avons démontré qu’une adaptation à chaque individu permettait d’améliorer le succès de la thérapeutique. Cette activité d’expertise pharmacologique, qui existe depuis une quinzaine d’années, a beaucoup de succès comme en témoigne la fréquentation du site internet que nous avons lancé en avril 2005. Par exemple, plus de la moitié des patients greffés d’un rein en France depuis 2005 en ont bénéficié. Mais ce site est ouvert aux médecins transplanteurs de tous organes et de tous pays et nous recevons de nombreuses sollicitations de pays européens, du Maghreb, d’Amérique du Nord, d’Amérique du Sud, d’Asie et même d’Australie.
Si des essais cliniques nous ont permis de démontrer l’efficacité à court terme, essentiellement lors de la première année suivant la transplantation, des procédés de médecine personnalisée que nous avons développés, nous souhaitons désormais savoir s’ils peuvent permettre d’améliorer la durée de vie du greffon. Des essais cliniques étant impossibles à réaliser sur une durée de dix ou quinze ans, pour des raisons financières et logistiques aisément compréhensibles, le seul moyen de poursuivre nos recherches consiste à travailler sur les données de santé de patients greffés recueillies sur le long terme.
Comment définiriez-vous concrètement l’apport du Health Data Hub ?
Nous avons constitué, au CHU de Limoges, la base de données ABIS concernant les concentrations sanguines des médicaments et les adaptations de dose réalisées chez les patients que nous avons fait bénéficier de notre expertise, mais nous ne possédons pas les données cliniques nous permettant de savoir quand ces mêmes patients sont retournés en dialyse, autrement dit à quelle date leur greffon a cessé de fonctionner. Ces éléments sont contenus dans la base de données Cristal que l’Agence de la biomédecine a mise en place depuis 1995. Grâce à cet outil, les centres de transplantation communiquent des informations à chaque date anniversaire d’une greffe. Tous les patients transplantés de France sont donc recensés dans cette base avec un suivi du greffon actualisé chaque année.
La conjonction des deux outils, Cristal et ABIS, qui va faire progresser considérablement la recherche, sera grandement facilitée par le Health Data Hub pour des raisons d’anonymisation des données, de sécurité et de capacité informatiques.
Le projet Rexetris va-t-il vous permettre d’envisager de nouvelles recherches, y compris à l’international ?
Nous menons déjà des recherches à l’international mais sous d’autres formes. Je suis par exemple partenaire d’un projet canadien qui vise à identifier les déterminants -pharmacologiques mais aussi immunologiques – de la perte de fonction des greffons. Je coordonne en qualité d’expert européen l’axe sur la pharmacologie et l’effet des médicaments. Pour ce qui est de Rexetris, nous avons d’autres idées de recherche pour utiliser cette base, mais permettez-moi de rester discret pour le moment.
Hélène Delmotte
Hélène Delmotte