Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Addictologie : « dédiaboliser » la diététique

Drogues, alcool... Quand les substances psycho-actives deviennent des addictions, la dépendance génère de nombreux troubles sociaux, familiaux, professionnels, de santé et... alimentaires. Au CHU de Nancy, Delphine Chapon, diététicienne au Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA), intervient auprès des patients dépendants pour les conseiller et les aider à modifier leurs habitudes et comportements. Explications.

Drogues, alcool… Quand les substances psycho-actives deviennent des addictions, la dépendance génère de nombreux troubles sociaux, familiaux, professionnels, de santé et… alimentaires. Au CHU de Nancy, Delphine Chapon, diététicienne au Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA), intervient auprès des patients dépendants pour les conseiller et les aider à modifier leurs habitudes et comportements. Explications. 

Le CSAPA, dirigé par le Pr Raymund Schwan, est un lieu d’aide et de soin pour notamment les personnes toxicomanes  ou ayant des soucis avec la consommation d’alcool. Il est composé :
– de l’Unité Fonctionnelle d’Accueil et Traitement des Toxicomanies (UFATT) gérée par le Dr Vincent Laprevote
– du centre méthadone, où les patients reçoivent selon la prescription médicale, un traitement de substitution, qui leur permet de ne pas ressentir le manque
– du Centre de Cure Ambulatoire en Alcoologie (CCAA) où l’équipe du Dr Claudine Gillet organise la prise en charge des patients ayant une problématique alcool.
Durant son parcours de soins, le patient est amené à rencontrer divers membres de l’équipe pluridisciplinaire du centre et notamment Delphine Chapon, diététicienne au CSAPA.

Le rapport avec la nourriture est lié à la culture de son pays, aux habitudes familiales, ainsi qu’aux besoins et envies propres à chacun.
En France, l’alcool, notamment le vin, est fortement lié à la gastronomie, on lui reconnaît même certaines qualités. Associé à divers évènements festifs, il accompagne ou entre dans la composition de nombreux plats et se consomme à table régulièrement. La diététicienne aide les patients en traitement à gérer de telles situations : « En phase de sevrage quand ils ne consomment plus d’alcool, les patients doivent vivre différemment alors que les autres en consomment toujours. Nous essayons de leur ouvrir les yeux sur les difficultés qu’ils peuvent rencontrer. S’ils sont invités à un mariage par exemple, comment peuvent ils se comporter ? ». Des situations apparemment banales ou anodines, comme préparer une recette à base d’alcool, deviennent de potentiels risques de rechutes pour les personnes dépendantes.
Delphine Chapon intervient avant et après la phase de sevrage. Dans un premier temps, avant le sevrage, les patients peuvent subir une forte perte de poids ; ils sont dans ce cas, en relation presque exclusive avec le produit et s’alimentent peu. Dans un deuxième temps, pendant et après le sevrage, ils peuvent vivre une phase de compensation. Les patients sous méthadone ou en arrêt d’alcool cherchent à se faire plaisir en mangeant. Le sucre et certaines autres substances présentes dans les aliments vont stimuler, tout comme les drogues, les zones du plaisir et de la récompense au niveau du cerveau. De fait, certains vont prendre du poids. La diététicienne explique : « Quand un patient est dépendant, il est en recherche constante du produit, pour l’acheter et le consommer. Quand il est en phase de sevrage, il a plus de temps et dépense moins d’argent. Résultat : ses journées s’allongent, il peut s’ennuyer, regarder la télévision, rester devant l’ordinateur et… manger. »
Pour la professionnelle, pas de diététique restrictive ! Son rôle est de les aider à rééquilibrer leur alimentation, en prenant conscience de l’importance de leurs choix mais surtout sans privation. La diététique qu’elle préconise aide les patients toxicomanes ou alcooliques à prendre du plaisir avec les aliments. « Les gens peuvent manger ce qu’ils veulent, c’est une question d’équilibre, de fréquence et de quantité » précise-t-elle. « J’aborde également d’autres aspects lors de mes consultations. Parler d’alimentation renvoie rapidement aux côtés financier, familial, mais aussi professionnel : autant de contraintes auxquelles chacun, en fonction de sa vie, devra s’adapter. » L’alimentation, pourtant si controversée par les patients, favorise leur mieux-être et l’abstinence au produit, car être bien dans son corps peut renforcer l’estime de soi.
Cependant, l’image de la diététicienne n’est pas toujours bien perçue par les patients. « Parler de la diététique, c’est y associer haricots verts vapeur et tranche de jambon. Dit autrement, les gens pensent qu’ils vont sortir de table sans s’être fait plaisir et en ayant faim ! » constate Delphine Chapon qui souhaite casser ce mythe de la diététique restrictive. Force est de constater que de nombreux patients hésitent ou viennent à reculons à la première consultation.
C’est pourquoi la diététicienne a eu l’idée d’organiser au centre méthadone un buffet dégustation afin de dépasser cette représentation et de familiariser les patients au plaisir du goût. Agréablement surpris par l’initiative, ils sont venus nombreux à la rencontre de la jeune femme qui a pu diffuser des messages sur son travail. « Je veux changer l’image qu’ils ont de la diététique et en faire ressortir la valeur hédonique : le plaisir d’avoir quelque chose dans l’assiette qui plait à la tête et qui puisse faire du bien au corps ».

Commentaires

Il n’y a pas encore de commentaire pour cet article.

Sur le même sujet

Violences : fin de l’omerta à l’hôpital

La semaine dernière, la Conférence des Doyens de facultés de médecine a publié un communiqué de presse co-signé avec l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris (APHP), annonçant un engagement commun dans la lutte contre les violences au travail. Une déclaration qui fait suite aux récentes accusations de violences morales et sexuelles de Karine Lacombe à l’encontre du médecin urgentiste Patrick Pelloux.

L’ICI, nouveau temple de la cancérologie

Le CHU de Brest vient d’inaugurer son nouvel Institut de Cancérologie et d’Imagerie, surnommé ICI. Ce centre, promesse d’un hôpital centré sur l’humain et doté d’une technologie de pointe, est amené à devenir l’un des fers de lance européens dans le traitement du cancer, avec une capacité de 50 000 patients par an.

Dossier : La maladie de Parkinson 

Décrite pour la première fois dans An Essay on the Shaking Palsy (1817) par James Parkinson, un médecin anglais, la maladie de Parkinson, mentionnée souvent en abrégé « Parkinson », est une maladie neurodégénérative irréversible d’évolution lente. La maladie s’installe ainsi au cours d’une longue phase asymptomatique de plusieurs années. Les premiers symptômes ne se font en effet ressentir que lorsque 50 à 70% des neurones dopaminergiques du cerveau sont détruits. Ils se déclarent essentiellement progressivement sous la forme d’un tremblement de repos, d’un ralentissement des mouvements et d’une raideur musculaire. Néanmoins, de nombreux troubles moteurs et non moteurs peuvent s’ajouter à la liste, devenant de réels handicaps dans le quotidien de ceux qui la subissent.

Voici comment le CHU de Rennes agit pour contrer Parkinson

Ce jeudi 11 avril a lieu la Journée internationale de la maladie de Parkinson. L’occasion pour les CHU de valoriser leur implication sur ce sujet, notamment à travers les Centres Experts Parkinson (CEP) affiliés. Le Centre Hospitalier Universitaire de Rennes ne manque pas à l’appel, mettant en valeur des actions qui garantissent à la fois une offre diagnostique simplifiée et une prise en charge multidisciplinaire, adaptée au profil de chaque patient.

L’IHU toulousain dédié au vieillissement officiellement lancé

L’Institut Hospitalo-Universitaire HealthAge a officiellement été lancé le 2 avril à Toulouse. Porté par le CHU, l’Inserm et l’Université Toulouse III – Paul Sabatier, cet IHU, le seul exclusivement dédié au vieillissement en France, se donne pour ambition de contribuer au vieillissement en bonne santé des populations et de devenir le centre de référence européen en Géroscience.