Les récents jeux olympiques d’hiver de Sotchi ont illustré un thème de recherche développé en Franche-Comté en médecine et en physiologie au CHRU de Besançon. Les spectateurs ont pu voir des exploits couronnés de médailles et de podiums et des performances très inférieures à ce que le « niveau » de l’athlète laisser espérer. Il y eut aussi la survenue de « malaises vagaux », symptômes probables du dépassement des possibilités d’adaptation cardiovasculaires.
Dans les maladies ischémiques cardiaques comme dans l’insuffisance cardiaque, le réglage de l’activité cardiaque est très sensiblement altéré, et son amélioration quantitative et qualitative est un bon indicateur d’amélioration pronostique. Chez des athlètes, les performances sportives de haut niveau ne sont possibles qu’avec une très grande précision du réglage de l’activité cardiaque. Cette grande précision est sans cesse modulée par les facteurs physiologiques et psychologiques qui peuvent agir sur la performance sportive et influencer également l’activité nerveuse qui ajuste continuellement et très rapidement le travail cardiaque.
Pour les sportifs de haut-niveau, il est important d’ajuster les entraînements et d’amener les athlètes à la meilleure condition possible au moment des compétitions. Ensemble, les chercheurs du pôle Performance, Expertise et Recherche (PER) du Centre national de ski nordique à Prémanon, dans le Jura, des équipes du CHRU de Besançon et de plusieurs universités cherchent à caractériser les modifications d’activité cardiaque qui reflètent les états de fatigue « recherchée » (nécessaire à l’entraînement et à l’amélioration des performances) et celles qui sont associées aux fatigues « malvenues » (épisode infectieux, entraînement poussé trop loin…) qui peuvent diminuer les performances sportives en altérant les capacités d’adaptation physiologique (malaise…) parfois de façon durable.
La grande quantité de données recueillies dans le suivi des skieurs nordiques de haut niveau au sein du pôle PER du centre national de ski nordique à Prémanon est analysée avec l’aide du centre de méthodologie clinique hospitalo-universitaire et des physiologistes. Une publication récente* a mis en évidence les modifications d’organisation de la variabilité de la fréquence cardiaque lorsque ces athlètes sont « fatigués » (Schmitt et al. 2013). L’étude a porté sur quatre années d’enregistrements de la variabilité de la fréquence cardiaque au cours d’un test particulier (épreuve d’orthostatisme actif standardisée), chez plus de cinquante athlètes femmes et hommes des équipes nationales de ski nordique.
Lorsqu’un état de « fatigue » est caractérisé, la variabilité de fréquence cardiaque (donc son ajustement fin) est diminuée et elle se fait souvent de façon moins rapide (moins de « hautes fréquences »), ce qui semble refléter des réglages neurovégétatifs décalés, appauvris ou incomplètement effectués. Il en résulte une moins bonne capacité d’adaptation du système cardio vasculaire.
D’autres travaux de recherche sont actuellement conduits pour caractériser des états de fatigue différents en fonction des profils de modification de la variabilité de fréquence cardiaque. Peut-on définir objectivement des profils ou « types » de « fatigue » ? Peut-on relier la succession de ces « profils » avec des périodes d’aggravation ou de diminution de la fatigue des sportifs ? Les réponses à ces questions donneront aux entraîneurs des repères pour adapter les entrainements en fonction de l’état des athlètes. En retour, ce qui sera appris des fatigues des sportifs de haut niveau et des évolutions de ces états de fatigue pourra, à terme, mieux guider les procédures de réhabilitation dans des pathologies où le réglage de l’activité cardiaque est altéré ainsi que dans certaines formes de « malaises ».
*Schmitt L, Regnard J, Desmarets M, Mauny F, Mourot L, Fouillot JP, Coulmy N, Millet G. Fatigue shifts and scatters heart rate variability in elite athletes. PLoS One, 2013 12;8(8):e71588. PMID: 23951198