Urgences : les vérifications croisées entre médecins réduisent de 40% le risque d’erreurs

Il est possible de réduire de 40% le taux d’erreurs médicales aux urgences en instaurant trois vérifications croisées entre médecins de 10mn chacune. Cette recommandation émane des conclusions de l’étude française CHARMED (1) qui vient d'être publiée dans JAMA Internal Medicine. Promue par l’AP-HP et financée par le Programme hospitalier de recherche clinique national, la recherche a été menée dans 6 services d'urgences, 5 de l'Assistance Publique de Paris et 1 du CHU de Grenoble a porté sur 1 680 dossiers. Un travail pionnier ! Explications...

Il est possible de réduire de 40% le taux d’erreurs médicales aux urgences en instaurant trois vérifications croisées entre médecins de 10mn chacune. Cette recommandation émane des conclusions de l’étude française CHARMED (1) qui vient d’être publiée dans JAMA Internal Medicine. Promue par l’AP-HP et financée par le Programme hospitalier de recherche clinique national, la recherche a été menée dans 6 services d’urgences, 5 de l’Assistance Publique de Paris et 1 du CHU de Grenoble a porté sur 1 680 dossiers. Un travail pionnier ! Explications…
Les urgentistes sont souvent amenés à suivre plusieurs patients en même temps et à prendre rapidement des décisions à partir d’informations ou de résultats encore partiels. Ils sont donc particulièrement exposés au risque d’erreur médicale. Or il est possible d’en diminuer le nombre grâce à des vérifications croisées régulières et systématiques entre médecins. 
Une réduction du risque d’erreur médicale de 40% 
Coordonnée par le Dr Yonathan Freund, du service d’accueil des urgences de l’hôpital de Pitié-Salpêtrière AP-HP et de la faculté de médecine de Sorbonne université, cette nouvelle étude randomisée en cluster visait à apprécier l’impact des vérifications croisées régulières systématiques (ou « Cross-checking ») entre médecins sur le taux d’erreur médicale enregistré aux urgences. 
Sur la période de l’étude (décomposée en deux périodes de dix jours), 1 680 dossiers de patients pris en charge dans six services d’accueil d’urgence ont été tirés au sort et analysés afin de détecter d’éventuelles erreurs médicales ou événements indésirables. 
Le taux d’erreur médicale recensé était de 10,7% dans le groupe contrôle (soit 90 erreurs médicales recensées pour 840 dossiers de patients étudiés) contre 6,4% dans le groupe où des vérifications croisées régulières avaient été réalisées (soit 54 erreurs médicales relevées dans 840 dossiers de patient étudiés). Ces vérifications croisées ont consisté pour les médecins à se retrouver trois fois par jour, pendant une dizaine de minutes, deux par deux, afin d’échanger sur l’état de santé et la prise en charge de leurs patients. 
55% des erreurs médicales relevées étaient sans gravité pour les patients. Mais un peu plus des deux tiers des événements indésirables graves recensés ont entraîné des dommages temporaires ou ont nécessité une hospitalisation ou sa prolongation ; le tiers restant des EIG ont conduit à des dommages définitifs. 
On note une réduction relative de 40% des erreurs médicales (plus particulièrement une diminution de 47% des erreurs sans gravité et de 29% des événements indésirables graves) lorsque des vérifications croisées systématiques sont faites entre les médecins.  
L’AP-HP envisage d’étendre ces bonnes pratiques à l’ensemble de ses services d’urgence. 

Les erreurs médicales classées en fonction de leur gravité 

Il peut s’agir d’événement indésirable sans conséquence sur la santé du patient (ou « Near Miss ») ou bien d’événement indésirable grave (EIG) entraînant des dommages temporaires ou définitifs sur le patient (réaction transitoire, prolongation d’hospitalisation, séquelle définitive…). 
Ces erreurs peuvent avoir des origines diverses : erreur de diagnostic ou de posologie d’un traitement, retard de prise en charge, réalisation d’un examen complémentaire non indiqué… 
En 2013, une première étude avait évalué à 10% le taux d’erreur médicale aux urgences (2) et suggéré également que ce risque d’erreur diminuerait lorsque plus d’un médecin serait impliqué dans la prise en charge du patient, comme par exemple lors des transmissions médicales. 
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1 – Pour « Cross-checking to reduce adverse events resulting from medical errors in the emergency department ». L’étude CHARMED a été menée dans six services d’accueil des urgences, dont cinq de l’AP-HP (Avicenne, Lariboisière, Hôpital européen Georges-Pompidou, Saint-Antoine et Tenon) et le centre hospitalo-universitaire Grenoble-Alpes, avec l’aide de la plateforme de recherche clinique des Hôpitaux Universitaires de l’Est parisien AP-HP du Pr Tabassome Simon. Les résultats font l’objet d’une publication dans la revue JAMA Internal Medicine le 23 avril 2018 : Systematic Physician Cross-checking to Reduce Adverse Events in the Emergency Department.
2 – Freund Y, Goulet H, Bokobza J, et al. Factors associated with adverse events resulting from medical errors in the emergency department : two work better than one. J Emerg Med. 2013;45(2):157-162. doi:10.1136/bmj.i2139.

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