Le cancer du canal anal métastatique est un cancer rare (environ 500 cas par an en France) mais son incidence est en constante augmentation et son issue est bien souvent fatale. Aucun traitement de référence n’avait fait ses preuves et les médecins se trouvaient démunis lorsque ces cancers étaient au stade métastatique ou résistaient à la radiochimiothérapie initiale. Cherchant à dépasser cette impasse thérapeutique, Besançon a mis sur pied un nouveau protocole de chimiothérapie associant une molécule appelée Docetaxel (D) aux molécules de chimiothérapies conventionnelles : Cisplatine (C) et Fluorouracil (F). Expérimentée sur 8 patients, cette combinaison donna des résultats « exceptionnels » avec un taux de rémission complète de longue durée de 50% contre 1% auparavant. Ce succès vient d’être confirmé par une étude nouvelle clinique conduite sur 66 patients.
Un succès en deux temps
Entre 2005 et 2008, sur 8 patients traités en Franche-Comté par la combinaison « DCF » 4 d’entre eux sont encore à ce jour en situation de rémission complète. Pour confirmer ces données, l’équipe de cancérologie a mis en place une étude clinique** coordonnée par le docteur Stefano Kim et le professeur Christophe Borg. Soixante-six patients ont ainsi été traités par cette nouvelle combinaison de chimiothérapies DCF dans 25 centres en France avec le soutien de groupes coopérateurs nationaux (GERCOR et FFCD). Les résultats de cette étude sont positifs et confirment l’observation initiale avec un taux de réponse complet de 44 %. A un an, 47 % des patients sont en survie sans progression de leur maladie (contre moins de 15% avec les thérapeutiques standard).
Les résultats probants de cette étude, publiés dans le « Lancet Oncology », entraînent dès aujourd’hui une modification des pratiques thérapeutiques. La combinaison DCF s’impose désormais comme le nouveau traitement de référence dans cette pathologie, avec des répercussions bénéfiques sur la santé des patients. Cette étude a également permis aux chercheurs de trouver de nouveaux marqueurs biologiques permettant de mieux comprendre la maladie et d’évaluer l’efficacité du traitement avec une simple prise du sang.
Les auteurs de cette avancée porteuse d’espoir sont les membres de l’équipe d’oncologie médicale exerçant au sein du CHU de Besançon et de l’Institut régional fédératif du cancer. Leur travaux ont été publiés dans la revue Lancet Oncology en juillet 2018***.
Pour réaliser cette étude, trois sources de financements ont été mobilisées : les fonds propres de l’équipe, l’appel à projet interne du CHU 2014 et la Ligue contre le cancer.
Pour aller plus loin
Les chercheurs ont constaté que dans plus de 90% des cas, les cancers du canal anal sont liés à une infection par le Papillomavirus humain (HPV). Les médecins oncologues souhaitent maintenant développer dans cette indication, une association combinant l’immunothérapie et la chimiothérapie DCF. L’étude clinique est d’ores et déjà en cours de réalisation et permettra de mieux comprendre les mécanismes d’action de ces thérapies dans les cancers liés au virus HPV.
* : Institut régional fédératif du cancer, Groupement de Coopération Sanitaire (GCS) composé par les établissements de santé publics et privés ayant une activité d’oncologie médicale et de radiothérapie en Franche-Comté.
** : Etude de phase multicentrique nationale II « Epitopes-HPV02 » (NCT01402842) promue par le CHU de Besançon et conduite avec le soutien du Groupe coopérateur multidisciplinaire en oncologie (GERCOR) et de la Fédération francophone de cancérologie digestive (FFCD).
***Publication : Kim S et al. Docetaxel, cisplatin, and fluorouracil chemotherapy for metastatic or unresectable locally recurrent anal squamous cell carcinoma (Epitopes-HPV02): a multicentre, single-arm, phase 2 study. Lancet Oncology July 2018.