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COVID 19 : « Les personnes qui auront reçu notre vaccin par spray nasal seront protégées et ne seront plus en capacité de contaminer ceux qui les entourent »

A la tête de l’équipe tourangelle BioMap de l’Inrae-Université de Tours, composée de huit chercheurs, Isabelle Dimier-Poisson travaille sur un projet de vaccin nasal contre le Covid-19. Dans la liste des partenaires viendra prochainement s’ajouter le CHRU de Tours via le Centre d’Investigation Clinique. Porteur d’espoir, ce vaccin serait capable de bloquer la transmission du virus et montrerait une efficacité contre tous les variants. De quoi mettre fin à la pandémie qui secoue le monde depuis deux ans ? Entretien.

A la tête de l’équipe tourangelle BioMap de l’Inrae-Université de Tours, composée de huit chercheurs, Isabelle Dimier-Poisson travaille sur un projet de vaccin nasal contre le Covid-19. Dans la liste des partenaires viendra prochainement s’ajouter le CHRU de Tours via le Centre d’Investigation Clinique. Porteur d’espoir, ce vaccin serait capable de bloquer la transmission du virus et montrerait une efficacité contre tous les variants. De quoi mettre fin à la pandémie qui secoue le monde depuis deux ans ? Entretien. 

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
J’ai une thèse en immunité anti-infectieuse, plus orientée sur les réponses immunitaires muqueuses. Depuis plusieurs années, je suis directrice d’une équipe de recherche qui s’appelle BioMAP [composée de huit personnes dont Mathieu Epardaud et Nicolas Aubrey], sous la tutelle de l’université de Tours et de l’INRAE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement) ; c’est dans ce cadre-là qu’avec mon équipe de recherche, nous avons développé ce candidat vaccin contre le Covid-19 à administration par voie nasale.

Quel est le principe de ce vaccin ?
Ce vaccin à base de protéines est ce qu’on appelle un vaccin sous-unitaire ou recombinant. Notre vaccin a différentes plus-values. La première vient de son principe d’administration par voie nasale. Il va, comme les vaccins actuels à administration par voie intramusculaire, induire une réponse immunitaire dite générale, circulante ou systémique qui se traduit, notamment, par des anticorps qui ont la capacité de neutraliser le virus dans le sang ou dans les tissus. Avec l’administration par voie nasale, cette même réponse immunitaire systémique est induite mais, en plus, une réponse immunitaire au niveau de la cavité nasale est développée et va non seulement protéger des formes graves mais également arrêter très précocement le virus. Les personnes qui auront donc reçu notre vaccin seront protégées et ne seront plus en capacité de contaminer les personnes qui les entourent, ce qui n’est malheureusement pas le cas pour les vaccins actuels. On le voit bien, même vaccinés, nous sommes toujours en capacité de contaminer les gens qui nous entourent, même si, encore une fois, nous sommes protégés des formes graves. Ce qui impose de continuer à respecter les gestes barrières dont le port du masque.

Crédit Photo : INRAE / Bertrand NICOLAS 

Vous dîtes que ce vaccin stopperait précocement le virus. On a vu depuis deux ans que ce dernier avait beaucoup muté. Qu’en est-il des variants actuels ou à venir ?
L’arrêt de la contagiosité et de la transmission empêcherait l’apparition de nouveaux variants, et participerait à l’arrêt de la pandémie. Une des plus-values de notre vaccin, c’est sa composition. Comme vous le savez, tous les vaccins utilisés aujourd’hui sont à base de la protéine Spike, mais c’est la Spike issue de la souche originelle de Wuhan. Or cette souche  a muté. Cela explique pourquoi les vaccins ont plus de mal à combattre les versions circulantes. Dans notre vaccin protéique, la protéine Spike a été intégrée mais aussi d’autres protéines qui ne sont pas soumises à mutation, quel que soit le type de variant.

On connaît le vaccin par injection et on a tous utilisé un spray nasal au moins une fois dans notre vue. Dans le cas de ce nouveau vaccin, comment serait-il inoculé ?
Je pense que tout le monde à en tête les sprays que l’on peut acheter, à l’image des sérums physiologiques. Pour ces types de spray, on injecte plus ou moins de solution en fonction de la pression effectuée. En ce qui nous concerne, on parle bien d’un vaccin car le principe est d’appliquer la même dose à chaque fois afin d’administrer une quantité précise de vaccin.  Le système d’instillation va napper les fosses nasales de micro-gouttelettes pour que le vaccin rentre en contact avec les cellules immunitaires. Il est facile d’utilisation, indolore et non-invasif, car il reste à la porte d’entrée des narines. Néanmoins, on parle d’un dispositif médical, sous la responsabilité d’un professionnel de santé.

S’adresse-t-il aux gens qui ne sont pas encore vaccinés [la couverture vaccinale en France est actuellement de 78,9% de la population] ou à tout le monde ?
Je dirais qu’il va s’adresser à tout le monde. C’est-à-dire aux populations qui sont déjà vaccinées et qui continueront à se vacciner. Mais il s’adressera aussi à toutes les populations qui, dans un an et demi, deux ans, ne seront toujours pas vaccinées, ou présenteront un schéma vaccinal incomplet.  Il s’adressera aussi aux personnes immunodéficientes comme aux populations pédiatriques. Plus généralement, on a aujourd’hui une personne sur deux de vaccinée dans le monde, certains n’ont pas accès aux vaccins, notamment sur le continent africain. Et, malheureusement, peut-être que cela ne changera pas dans les mois qui viennent. De plus, comme c’est un vaccin protéique, il se conservera à des températures positives, à l’inverse des vaccins ARN qui se conservent à des températures négatives, ce qui rendra la logistique plus simple sur pas mal d’aspects. Dernier avantage, ce vaccin à fonctionnement par spray peut séduire des personnes réfractaires à l’injection qui préféreront la voie nasale.

Où en sont les recherches ? Les essais cliniques débuteront ils bien au deuxième semestre de 2022, comme cela a été annoncé lors d’une conférence de presse au mois de janvier ?
On espère que les essais démarrent fin 2022. L’ANRS Maladies infectieuses émergentes [agence autonome de l’Inserm créée en 2021] est le promoteur de ces futurs essais cliniques.
On est en réflexion d’une phase 1 voire même d’une phase 1-2 pour accélérer la mise en production du vaccin. Déjà le CHRU Bretonneau de Tours – via le Centre d’Investigation Clinique – s’est positionné en termes d’investigateur. L’idée est d’identifier ensuite d’autres centres hospitaliers qui participeront à cet essai de phase 1-2.

 
Crédit Photo : INRAE / Bertrand NICOLAS 

Certains scientifiques de l’OMS parlent d’une potentielle fin prochaine de l’épidémie. Vous n’avez pas peur d’arriver trop tard avec un vaccin sur le marché en 2023-2024 ?
Je dirais que je n’ai pas peur non, parce que si on arrivait trop tard, cela serait une bonne nouvelle pour l’humanité. Après, je pense qu’aujourd’hui, à mon petit niveau, il est difficile de présager de quoi que ce soit. Je pense qu’aucune pandémie virale ne s’est éteinte, le virus continue de circuler, et on a vu encore récemment ses fortes capacités à muter. Il faut donc rester extrêmement prudent sur ces projections qu’on espère tous. Personne n’avait anticipé l’arrivée du variant Delta, Omicron, et même du BA2. Il faut donc anticiper et développer ce vaccin le rapidement possible, car je pense qu’on restera toujours sur des rappels.

En dehors du CHU et de votre équipe de recherche, y a-t-il d’autres acteurs impliqués ?
Alors il y a bien sûr mes tutelles, donc l’université de Tours et l’INRAE. On est très soutenu par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, qui nous a ouvert une enveloppe d’un million et demi euros, l’ANRS a également participé à hauteur de neuf cent mille euros. La région Centre-Val de Loire est aussi actrice. Bien sûr, on aimerait aller plus vite avec plus d’argent, mais toutes ces subventions levées, et notamment par l’État, montre qu’il y’a un intérêt à ce qu’il y ait un vaccin français avec des plus-values par rapport aux vaccins actuels. Sur la partie développement,  a été créée une start-up, LoValtech, labellisée « deeptech » et soutenue par la Banque Public d’Investissement, qui va prendre le relai pour le développement du vaccin, des phases de toxicité réglementaire jusqu’à la libération des lots cliniques pour conduire les essais chez l’homme. Si nous avons déjà levé 2.4 millions d’euros [sur les 5.5 millions nécessaires pour arriver aux essais cliniques et boucler le budget de l’année ; ce sont au total 30 à 35 millions qui devront être trouvés pour les essais de phase 1 et 2]. On aimerait que ce soit un vaccin 100 % français, du design jusqu’à la production.

D’autres pays ont-ils montré un intérêt pour cette recherche qui est une première dans le monde ? Avez-vous eu des propositions de partenariats ?
[rires] Vous êtes le seul à m’avoir posé cette question ! On a eu de fortes sollicitations pour aller sur un autre continent. C’était un pont d’or mais on y a répondu négativement. On est une équipe française, portée par des tutelles, des partenaires et des collaborateurs français. 

Hier soir, un article indiquant qu’un traitement par spray nasal contre le COVID (fabriqué en Inde par la société pharmaceutique Glenmark) « avait reçu l’autorisation de fabrication et de mise sur le marché », a été publié sur le site de CNEWS. Faut-il un produit concurrent ?*
J’ai lu le même article que vous. C’est juste le système d’administration qui est le même, mais à l’intérieur, cela n’a rien à voir avec ce que l’on fait. C’est un spray nasal pour traiter et non un vaccin. Il faut l’instiller plusieurs fois par jour. Donc là, on est vraiment sur du traitement pour éviter que les personnes s’infectent, comme il peut y avoir des traitements par voie intramusculaire ou ce genre de chose. On n’est pas du tout dans la même stratégie.
Propos recueillis par Romain Pillet
* Nous sommes tombés sur l’article de CNEWS après l’interview. Nous avons rappelé Mme Dimier-Poisson le lendemain pour avoir sa réaction.

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