Eclats d’art : une éclosion de projets culturels au sein des services

Pionnier, le Centre Hospitalier psychiatrique Le Vinatier a toujours une longueur d’avance en matière de politique culturelle intégrée. Dès 1997, il ouvre sur son site la Ferme du Vinatier, un lieu de création et de diffusion artistique et noue des partenariats prestigieux avec les instances culturelles locales et régionales mettant sur pied une programmation artistique audacieuse :

Pionnier, le Centre Hospitalier psychiatrique Le Vinatier a toujours une longueur d’avance en matière de politique culturelle intégrée. Dès 1997, il ouvre sur son site la Ferme du Vinatier, un lieu de création et de diffusion artistique et noue des partenariats prestigieux avec les instances culturelles locales et régionales mettant sur pied une programmation artistique audacieuse : parcours de sculptures lumineuses dans le parc à l’occasion de la Fête des Lumières de Lyon, expositions de société en lien avec la santé mentale, résidences d’auteurs et d’illustrateurs sur le site de l’hôpital aboutissant à un objet éditorial d’une rare sensibilité*, projets partagés avec le Québec ou le Mali … Patients, personnels hospitaliers et artistes sont associés à l’aventure. Mais l’engagement culturel du Vinatier ne s’arrête pas là.

 D’interpellations artistiques en réflexions identitaires, l’hôpital finit par pousser très loin l’analyse qui devient réflexive et porte sur la nature même des soins psychiatriques et sur la vocation institutionnelle du site. Pour conduire cette introspection, l’établissement convoque l’histoire, la mémoire, mène des recherches sur les représentations de la psychiatrie et expérimente de nouveaux dispositifs culturels associés aux soins. « Fenêtre sur l’art » a retenu « Eclats d’Art », un réseau des projets artistiques portés par les unités de soin. L’implication directe des équipes de soins fait toute la différence. Au Vinatier, les soignants s’approprient l’intervention artistique au point d’en devenir les maîtres d’œuvre. Chaque unité peut candidater à un appel à projets interne annuel, déclinaison du programme « Culture et santé ». Les lauréats ne sont donc pas des artistes mais les services qui portent l’initiative culturelle, la conçoivent et la pilotent.
En 2014-2015, cinq services ont été retenus. Fresque géante, exposition photographique, spectacles musicaux, saynètes théâtrales, univers du cirque… Eclats d’Art montre la diversité des pratiques sélectionnées par les soignants au bénéfice des patients qui ont toute leur place dans ce processus de création original.
Et surprise, l’art révèle ce que justement les soignants ne voient pas forcément, les possibilités, les capacités, « le talent des personnes malades que nous ne soupçonnions pas.» reconnaissent les professionnels. Quant au public extérieur, il découvre des citoyens à part entière et voit leurs créations comme des œuvres répondant à des critères artistiques exigeants.
Les patients apprécient l’exercice : « C’est positif, cela nous oblige à faire des choses que l’on n’aurait pas imaginé faire, avec un bon encadrement. Pour moi, c’est un bon moyen pour apprendre à contrôler le stress ». « Cela me permet de me dépasser. J’ai un peu de mal à garder ma vigilance pour le texte. Vaincre la timidité par l’absurde. On peut se laisser aller ».
Inscrits dans la cité grâce à de multiples collaborations, ces projets sont autant de liens tissés entre l’hôpital et le monde. Veillant sur la dynamique créative, la Ferme** apporte une assistance de maîtrise d’ouvrage, de la conception à la diffusion en passant par la réalisation. La médiation fait vivre les œuvres dans et en-dehors des services de soin. Elle multiplie les passerelles et occasions de rencontres avec l’environnement : Fresque graff de Mr CHAT réalisée sur un immeuble de Villeurbanne, valorisant le projet avec les ados en soin à l’échelle de tout un quartier, création théâtrale associant un groupe d’adultes de l’hôpital sur la grande scène du Théâtre de la Croix-Rousse, réalisation d’une BD intitulée « L’éclipse d’un ange » à la fois esthétique et pédagogique sur les psychoses débutantes. L’ouvrage est distribué dans tous les CMP de Lyon et au-delà…etc
En savoir plus sur
« Eclats d’Art »
Les candidatures des services sont étudiées au regard d’un cahier des charges. Les projets retenus doivent comporter de véritables partenariats entre les unités de soin et les équipements culturels et équipes artistiques professionnelles de leur territoire. Cette dimension de partenariat est importante, il ne s’agit pas ici de financer des prestations de services. Les partenariats peuvent s’établir dans toutes les disciplines artistiques et les équipements patrimoniaux doivent être choisis en fonction de la nature du projet.
Seules des équipes artistiques professionnelles sont retenues, garantissant une exigence artistique.
Les ateliers d’art thérapie et les projets d’animation internes à l’établissement relèvent des budgets des services. Malgré leur intérêt, ils ne rentrent pas dans la programmation d’ « Eclats d’Art ».
La question du public étant indissociable de l’existence du projet culturel, les candidats doivent aussi développer une réflexion sur la diffusion auprès des publics des réalisations des patients issues de l’intervention des artistes à l’hôpital.
Le budget annuel alloué au dispositif Eclats d’Art est de 30.000 euros : 15.000 euros issus de la contractualisation Culture et Santé (DRAC, ARS, Région Rhône-Alpes) et 15.000 euros issus de la dotation non affectée de l’hôpital, ce qui atteste l’importance de l’engagement de l’établissement hospitalier. Un budget suffisamment conséquent pour être souligné car peu d’hôpitaux soutiennent les initiatives culturelles à cette hauteur.
Des recherches de financements complémentaires de type mécénat peuvent également être menées par les services porteurs de projet, à la condition de ne pas solliciter les laboratoires pharmaceutiques, comme le prévoit une des clauses du cahier des charge du dispositif.
Exemple de projet soutenu dans le cadre du dispositif Eclats d’Art
Le Revizor de Nicolas Gogol

La pièce choisie, à la fois burlesque et porteuse d’un message politique et moral, raille les travers mesquins des habitants de Saint-Pétersbourg, prompts à une obséquiosité sans bornes face aux figures du pouvoir, réel ou supposé.
Le Service Universitaire de Réhabilitation (Lyon 6ème) a imaginé un projet associant le comédien Francisco Cabello de la Cie E il piano va et des musiciens de l’association Les Amateurs ! Sur les tréteaux, les acteurs, des personnes suivies en psychiatrie, sont accompagnées par des pianistes de haut niveau. La mise en scène réglée par les participants donne à voir des représentations sous forme de saynètes en alternance avec des propositions musicales puisées notamment dans le répertoire russe pour piano.
Sous la houlette de Francisco Cabello – les acteurs amateurs ont appris à maîtriser leur corps, à appréhender un espace scénique, à apprivoiser le regard de l’autre : toutes choses qui constituent une découverte pour la plupart des participants.
Les interprètes sont des invités réguliers du festival international Les Amateurs! virtuoses et viendront pour l’occasion partager leur passion de la musique avec les acteurs et le public.
L’ensemble constitue un spectacle d’environ une heure, proposé dans le cadre intimiste du Théâtre du Gai Savoir, au coeur de Lyon – un moment de détente placé sous le signe d’une haute exigence artistique." Julien Kurtz, Directeur artistique de l’association « Pianestival »
Le festival international « Les Amateurs ! »  
L’association «Pianestival » est née en 2007, sous l’impulsion de Julien Kurz, son actuel directeur artistique et de Dominique Xardel, son président. Cette association rassemble chaque année, dans le cadre du festival « Les Amateurs ! » des pianistes lauréats des plus grands concours internationaux d’amateurs. Elle vise leur promotion en leur offrant des opportunités de concerts dans des salles prestigieuses à travers le monde.
Aujourd’hui, « Les Amateurs ! » est devenu un événement majeur au sein de la communauté des amateurs de piano et bien au-delà. Le festival s’est développé. Désormais biennal, et international, l’événement qui voyage de pays en pays : Brésil, Chine, Hongrie, Russie… Dans un contexte d’essor des pratiques amateurs, le festival connaît un dynamisme exceptionnel et est désormais accueilli chaque année au Théâtre du Châtelet à Paris, pendant une semaine au mois de juin. Par sa philosophie, sa convivialité et les tarifs très bas de tous les concerts proposés, « Les Amateurs ! » a également vocation à élargir l’accès de la musique classique à des publics de tous horizons, notamment parmi les personnes pour lesquelles cet accès est rendu difficile par un contexte social, familial ou économique peu favorable. « Les Amateurs ! » associe notamment son action à celle de l’association VSArt, qui organise des concerts et des  manifestations culturelles en faveur d’enfants hospitalisés et de personnes de milieux défavorisés. En marge du festival, des pianistes de « Les Amateurs ! » offrent tout au long de l’année des concerts supplémentaires.
Pour plus d’information : site : http://www.pianestival.org/
Page facebook : www.facebook.com/lesamateurs.lefestival
Le Centre Hospitalier Le Vinatier
Né de la loi d’assistance aux aliénés de 1838 et inspiré des thèses architecturales d’Esquirol, « l’Asile d’aliénés de Bron » ouvre ses portes en 1876. Sa construction se veut pavillonnaire et la chapelle marque la séparation des quartiers hommes et femmes. Pour chaque sexe sont prévus neuf «quartiers de classements», attribués aux différentes catégories de malades : tranquilles et semitranquilles, épileptiques, agitables, etc. Au-delà des bâtiments habités, s’étendent des terres cultivées, une ferme, des ateliers, granges et porcherie, où peuvent travailler certains malades. L’asile peut ainsi développer une intense activité agricole et vivre en autarcie. « L’Asile d’aliénés de Bron » devient en 1937 l’Hôpital psychiatrique départemental du Vinatier. Conçu au départ pour 600 aliénés, des agrandissements s’avèrent rapidement nécessaires. La question de la surpopulation perdure jusque dans la deuxième moitié du XXème siècle, atteignant un paroxysme à la veille de la seconde guerre mondiale. Pendant cette période l’hôpital subit un rationnement alimentaire insuffisant et fait les frais d’une indifférence générale : les malades meurent de faim et de froid, l’asile est plus que jamais retranché derrière ses murs hauts murs et sa misère. Au lendemain de la guerre, un vent d’humanisation souffle sur les hôpitaux psychiatriques, le Vinatier connaît alors de profondes transformations, tant dans le confort et la modernisation des services, que dans sa vocation médicale, avec notamment l’arrivée des neuroleptiques dans les années 50, le développement des sociothérapies, psychothérapies et la professionnalisation des soignants. Puis c’est la prise en charge de la maladie mentale qui connaît une grande mutation avec la mise en place du secteur, organisant les soins selon l’appartenance géographique et donnant des alternatives à l’hospitalisation, avec notamment l’ouverture progressive en ville de structures de type dispensaires.
Aujourd’hui le Centre Hospitalier Le Vinatier s’étend sur 74 hectares. Sa vocation psychiatrique s’est développée bien au-delà des murs d’enceinte, au plus près des malades et de leur environnement, en concertation avec des partenaires politiques et sociaux, en réunissant plus de soixante structures extra-muros rattachées aux services de secteur. L’établissement assure trois missions, à la fois différentes et complémentaires : les soins, l’enseignement et la recherche. L’hôpital réunit 2800 agents, toutes catégories professionnelles confondues. Sa capacité est de 770 lits, la durée moyenne d’hospitalisation est de huit semaines. La file active de consultations s’élève à plus de 27 000 patients.
www.ch-le-vinatier.fr/

*Les Inconfiants de Tatiana Arfel et Julien Cordier, ed. Le Bec en l’air, 2015

** Le Conseil d’Orientation Culturelle de la Ferme du Vinatier est constitué du directeur de l’hôpital, de représentants du corps médical, soignant, des usagers et de partenaires culturels.

Cette intervention artistique a été sélectionnée dans le cadre de l’opération Fenêtre sur l’art

Une fois par mois, RESEAU CHU ouvre une fenêtre sur une initiative artistique en territoire de santé. Chacune témoigne de l’impact positif des projets culturels dans les soins apportés aux personnes en souffrance/usagers/patients. Ces fenêtres éclairent la notion partagée et citoyenne du "prendre soin" menée par les établissements de santé. 
Fenêtre sur l’Art est le fruit d’un partenariat culturel 2015-2016 conclu entre Réseau CHU et la Commission culture des CHU et CHS présidée par Yann Bubien, directeur général du CHU d’Angers.
Pour retenir 12 projets parmi les 37 reçus de 21 établissements en réponse à l’appel à candidatures envoyé le 10 octobre 2014, un jury s’est réuni le 10 janvier 2015 et a établi une sélection rigoureuse en fonction des critères suivants :
 
– Le professionnalisme des intervenants artistiques et culturels
– la notion partenariale des projets
– la contextualisation des actions culturelles
– la dimension innovante des projets
 
Le jury présidé par Yann Bubien était composé de 
– Marie-Georges Fayn, éditrice de Réseau CHU
– Xavier Collal, chargé de mission du programme culture-santé, ministère de la santé et des affaires sociales
– Gilbert Labelle, chargé de mission culture-santé, ministère de la culture et de la communication
 
et du groupe Communication de la Commission Culture
– Sophie Bellon-Christofol, attachée culturelle de l’APHM.
– Karine Fraysse, déléguée aux affaires culturelles du CHRU de Lille;
– Maud Piontek, responsable de la culture et de la communication à l’EPSM de l’agglomération lilloise
– Céline Le Nay, directrice déléguée aux affaires générales du CHU d’Angers
– Delphine Belet, attachée culturelle du CHU d’Angers
– Denis Lucas, attaché culturel du CHU-Hôpitaux de Rouen

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