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Endofibrose artérielle du sportif de haut niveau : le savoir-faire chirurgical lyonnais

De jeunes sportifs de haut niveau, principalement des cyclistes ou des coureurs souffrent d’une lésion de l’artère iliaque externe appelée endofibrose artérielle. Cette affection, responsable de douleurs à l’effort, nécessite un traitement chirurgical dispensé dans des centres référents. Les procédures vasculaires proposées actuellement permettent d’obtenir de très bons résultats à long terme tout en autorisant la reprise puis la poursuite du sport à haut niveau à long terme. Chirurgien vasculaire aux Hospices Civils de Lyon, le Pr Patrick Feugier détaille les mécanismes de la lésion et les procédures proposées par son service, chef de file mondial dans ce domaine. Explications...

De jeunes sportifs de haut niveau, principalement des cyclistes ou des coureurs souffrent d’une lésion de l’artère iliaque externe appelée endofibrose artérielle. Cette affection, responsable de douleurs à l’effort, nécessite un traitement chirurgical dispensé dans des centres référents. Les procédures vasculaires proposées actuellement permettent d’obtenir de très bons résultats à long terme tout en autorisant la reprise puis la poursuite du sport à haut niveau à long terme. Chirurgien vasculaire aux Hospices Civils de Lyon, le Pr Patrick Feugier détaille les mécanismes de la lésion et les procédures proposées par son service, chef de file mondial dans ce domaine. Explications…

Anatomie et particularités de l’artère iliaque externe
L’artère iliaque externe née de la division dans le pelvis de l’artère iliaque commune. Elle a un diamètre moyen de 7mm. Elle mesure environ 8cm de longueur. Après avoir croisé l’uretère, elle longe le bord médial du muscle psoas en arrière de péritoine. Elle donnera au niveau de la région du pli de l’aine l’artère fémorale et ses branches. La veine iliaque externe chemine sur son bord médial. Elle ne donne que de petites branches collatérales participant à la vascularisation du muscle psoas.
L’artère iliaque externe a la particularité de franchir une zone mobile correspondant au pli de flexion inguinal. En effet, c’est au niveau de cette artère que l’on va observer la plicature lors du mouvement de flexion de la cuisse sur le bassin.

Thrombose iliaque chez un jeune cycliste – HCL

Mécanismes et origine de la lésion artérielle
Plusieurs mécanismes complémentaires expliquent l’apparition puis le développement de cette lésion qui réduit progressivement la lumière  de l’artère.
Les mouvements de pédalage induisent des plicatures itératives sur ce segment iliaque mobile. Par leurs importantes amplitudes, ils participent à la déformation et l’étirement répétés de la portion intermédiaire de l’artère. On note alors l’apparition d’un excès de longueur au niveau de l’artère iliaque externe qui se manifeste par des flexuosités artérielles. Elles contribuent à l’aggravation du mécanisme d’agression artérielle.
En effet, le jeune patient atteint de cette lésion, pratique le plus souvent de manière intensive un sport d’endurance, notamment le cyclisme. Cette activité sportive génère lors d’efforts parfois très intenses et pendant plusieurs minutes, des fréquences cardiaques et des débits artériels considérables.
C’est la conjonction de la déformation répétée de l’artère et d’une situation hémodynamique supra-normale, qui va générer une lésion de stress artérielle, aux caractéristiques spécifiques.

Conséquences cliniques
La lésion d’endofibrose réduit le calibre de la lumière artérielle sur une longueur variable. Le plus souvent, cette réduction ou sténose est peu importante (20 à 40%). Cependant, elle peut être plus sévère, conduisant même dans 3% des cas à la thrombose de l’artère.
Dans les cas de sténose, le jeune sportif présente de façon caractéristique et constante, une douleur musculaire à type de crampe au niveau de la cuisse. Il décrit cette symptomatologie uniquement à l’effort intense, lors de ses sorties cyclistes, comme une impression « de cuissard trop serré », alors qu’il est sans douleur au repos ou à la marche. Il est obligé de réduire son allure voire d’arrêter son effort. Sa symptomatologie est le plus souvent unilatérale. Mais les lésions peuvent être bilatérales.
Dans les cas de thrombose artérielle iliaque, le patient devient symptomatique à la marche. Une claudication surale chez un jeune sportif de haut niveau doit faire évoquer cette complication.

Profil sportif du patient
La moyenne d’âge des patients est de 27 ans. Ils pratiquent tous de manière intensive et régulièrement  soit en tant que professionnels, soit en tant qu’amateurs de haut niveau, un sport d’endurance. L’endofibrose apparait préférentiellement chez les cyclistes, mais d’autres sports ont été décrits (course ou marche de fond, avirons…).
La majorité des patients opérés sont des hommes dans notre expérience (93%). Cette incidence est très certainement biaisée par la forte proportion d’hommes pratiquant le cyclisme. En effet, le sexe ratio est proche de 50% pour les autres sports.

Les procédures chirurgicales
Prise en charge opératoire
La place des soins infirmiers dans la gestion d’un patient venant dans le service de Chirurgie Vasculaire pour une suspicion d’endofibrose artérielle, puis pour sa prise en charge chirurgicale est importante tout au long de son parcours médical.

Bilan pré-opératoire
Très souvent les patients jeunes découvrent pour la 1ère fois l’hôpital. Ils habitent souvent loin de la région lyonnaise. Ils sont parfois étrangers et ne parlent pas le français couramment. Nous sommes alors obligés de communiquer en anglais. Toute l’équipe paramédicale s’attache à les rassurer en leur donnant des explications sur le déroulement de leur hospitalisation, ainsi qu’en répondant à leurs questions diverses sur la pathologie.
Si leur bilan n’est pas suffisant pour établir un diagnostic précis, ils pourront bénéficier  d’une artériographie dynamique aorto-iliaque, qui nécessite 24h d’hospitalisation. Le plus souvent, un test d’effort sur vélo ergonomique ou sur tapis roulant couplé à un examen écho-doppler, puis un angio-scanner permettent de visualiser la lésion, d’en déterminer sa classification et son indication opératoire.
Par ailleurs, une prise de sang mesurant les valeurs classiques d’hémostase, des éléments figurés du sang, du métabolisme et permettant de déterminer le  groupe sanguin est organisé.

Préparation pré-opératoire
Le patient est hospitalisé la veille de l’intervention afin de préparer avec lui son intervention chirurgicale :
– Il bénéficie d’un écho-marquage de sa veine grande saphène la plus adaptée en diamètre et en qualité si un prélèvement est envisagé
– Il restera à jeun à partir de minuit. Aucune préparation digestive n’est requise, malgré l’abord chirurgical rétro-péritonéal.
– On demande au patient de prendre une douche corps entier avec une solution antiseptique hypoallergique la veille du bloc, renouvelée le jour du bloc. En même temps, la zone opératoire est tondue (pas de rasage afin d’éviter les coupures). Compte tenu de la zone opératoire et de la nécessite d’avoir toute la jambe dans le champ, la zone de rasage doit être large. Elle comprend la région pubienne entièrement ainsi que le membre inferieur (tonte en « short » avec membre inférieur). L’utilisation d’une crème dépilatoire est conseillée.
– il est vérifié l’absence de port de bijou, de piercing. Les prothèses ou lunettes sont laissées dans la chambre dans un endroit approprié.
– Une prémédication est administrée par voie orale. Elle a pour objectif de détendre le patient sans l’endormir.
Le patient est alors pris en charge par l’aide-soignant du bloc opératoire. Il l’amènera au bloc opératoire après avoir vérifié son identité, le type d’intervention ainsi que le coté à traiter. Une ultime vérification du dossier ainsi que des bilans pré-opératoire sera réalisée en salle d’induction par l’infirmière.

Les techniques opératoires
Hormis l’angioplastie endoluminale iliaque, l’ensemble des interventions proposées dans le cadre du traitement d’une endofibrose artérielle exige une anesthésie générale.
Dans le cadre du traitement d’une endofibrose iliaque, le patient est installé en décubitus dorsal. Le flanc est légèrement surélevé par un billot. Le membre inférieur est positionné dans le champ opératoire. La voie d’abord traditionnelle se fait par une incision iliaque d’environ 10cm. Elle sera complétée si besoin d’une incision transverse fémorale pour la gestion des examens complémentaires peropératoires (angioscopie, IVUS).
Le 1er temps opératoire est l’abord puis le contrôle de la bifurcation iliaque et de l’artère iliaque externe jusqu’à sa terminaison. Aucune section musculaire n’est pratiquée garantissant la solidité pariétale à la reprise des efforts sportifs. Lorsqu’il est nécessaire de repérer précisément la lésion d’endofibrose, une angioscopie de l’axe iliaque est réalisée à partir d’une introduction fémorale. A l’aide d’une échographie intra-artérielle couplée, la lésion est confirmée, parfaitement  localisée et caractérisée. En évaluant l’excès de longueur très souvent associé, le geste de réparation artérielle est poursuivi.
Lorsqu’une conservation de l’artère est retenue, l’artère iliaque externe est ouverte longitudinalement en regard de la plaque. Une endofibrosectomie est réalisée en même temps que la résection artérielle. Puis l’artère iliaque externe est fermée sur un patch d’élargissement qui peut être saphénien (prélèvement saphène à la cheville) ou artériel. L’ensemble de ces temps opératoires sont réalisés sous grossissement optique permettant de minimiser tout traumatisme artériel.
Dans les cas de lésion trop sévère, l’artère iliaque externe est remplacée. Un segment de veine saphène crurale écho-marquée est prélevé par voie cœlioscopie. Un greffon calibré au diamètre souhaité est confectionné puis anastomosé.
Aucune transfusion sanguine n’est réalisée habituellement.
Les différentes plaies opératoires sont fermées avec du matériel de suture résorbable rendant plus facile dans les suites la gestion des pansements.

Prise en charge post-opératoire
Surveillance

La surveillance post-opératoire est assurée dans notre unité d’hospitalisation. Outre les constantes vitales, une surveillance biologique sanguine est demandée une fois par jour pendant 3 jours.
Les paramètres hémodynamiques sont ici importants. Les pressions artérielles systoliques doivent se situer entre 100 et 140mmHg. En deca, le risque de thrombose aigue post-opératoire est possible. Au-delà, il existe un risque d’hémorragie au niveau des sutures.

Douleur
L’infirmière a un rôle fondamental sur l’évaluation et la prise en charge de la douleur post-opératoire. Un cathéter multiperforé permettant de diffuser un anesthésique local est systématiquement implanté au niveau de la voie iliaque retro-péritonéale. Un protocole d’antalgie est appliqué selon l’évaluation plusieurs fois par jour, de la douleur à partir d’une échelle EVA.

Drains et cicatrices
Le drainage est conserve pendant 24 à 48h. On y analysera sa nature ainsi que son volume.
Le cathéter de drainage silicone est retiré sans douleur lors du 1er pansement. Puis ceux-ci sont réalisés toutes les 48h selon un protocole antisepsie établi en 4 temps. L’infirmière pourra ainsi avoir un suivi visuel de l’évolutivité de la cicatrisation.
Aucune agrafe ou fil ne devra être retiré.

Réalimentation, reprise du transit
La réalimentation est proposée dès le soir de l’intervention.
Même s’il n’y a pas eu d’ouverture de la cavité péritonéale et de préparation digestive la veille de l’intervention, la reprise du transit pourra se faire avec un peu de retard compte tenu de la voie d’abord iliaque et de l’utilisation de morphiniques. Elle sera facilitée par une bonne hydratation ainsi qu’un lever précoce.

Reprise de la marche : 1er lever
Le patient est levé précocement aidé par un kinésithérapeute. La mise au fauteuil est importante. Elle est favorisée dès que les constantes cliniques sont normalisées.

Kinésithérapie
La prise en charge kinésithérapeutique est importante pour la récupération physique d’un sportif de haut niveau. Dans le cadre de l’hospitalisation, l’aide apportée aura pour objectifs de reprendre une activité de marche, de travailler les amplitudes articulaires ainsi que la tonicité abdominale.
Des conseils de protection cicatricielle sont réitérés : port d’une ceinture de contention pendant 1mois, contre-indication de porter des charges lourdes…
Elle aide également fortement à la reprise du transit digestif.

Contrôles post-opératoires
La vérification post-opératoire de la reconstruction artérielle est intéressante. Elle permet une imagerie de référence. L’évaluation artérielle se fait à partir d’une exploration écho-doppler iliaque et du membre inférieur et d’un angio-scanner. Par ailleurs, un dosage des acides aminés soufrés selon un protocole de stimulation digestive est proposé. Il permet de dépister l’existence d’une anomalie au niveau de la voie de l’homocystéïne. (dosage sanguin et urinaire à H+6)

Les médicaments
Outre les antalgiques classiques, il est nécessaire de protéger les sutures artérielles de toute anomalie de cicatrisation. Un traitement associant un antiagrégant plaquettaire (aspirine ou clopidogrel) et une statine (rosuvastatine) est débuté dès le lendemain de l’intervention. Il est maintenu pour une durée allant de 3 à 6 mois.
Une prophylaxie anti-thrombotique veineuse est également prescrite pour une durée de 10j afin de prévenir le risque de thrombophlébite post-opératoire.

Planification de la sortie
La durée d’hospitalisation varie entre 4 et 7 jours.

Un programme de reprise de l’entrainement adapté à chaque niveau sportif, est planifié. Toute activité sportive est contre-indiquée pendant une période de 6 semaines après l’intervention. Ensuite, des paliers d’activité permettent la récupération du niveau physique antérieur dans un délai moyen de 3 mois.
Un examen écho-doppler au repos permettra de valider la réparation artérielle au 2ème mois post-opératoire.
La surveillance artérielle sera ensuite planifiée annuellement. Elle se fera par l’intermédiaire d’examens écho-doppler au repos mais également à l’effort.

Auteur : Professeur Patrick Feugier

Références
1. Feugier P, Chevalier JM. Endofibrosis of the iliac arteries: an underestimated problem. Acta Chir Belg. 2004;104(6):635-40.
2. Takach TJ, Kane PN, Madjarov JM, Holleman JH, Nussbaum T, Robicsek F, et al. Arteriopathy in the high-performance athlete. Tex Heart Inst J. 2006;33(4):482-6.
3. Feugier P. Pathologie vasculaire du sportif. In: Monod H, Rochcongar P, editors. Manuel du Sport. 4ème ed. Paris: Elsevier Masson SAS; 2009. p. p. 347-61.
4. Willson TD, Revesz E, Podbielski FJ, Blecha MJ. External iliac artery dissection secondary to endofibrosis in a cyclist. J Vasc Surg. 2010 Jul;52(1):219-21.

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