Exemplaires et unis, les personnels font face à la catastrophe

5 mois après, l'explosion de l'usine AZF est encore dans tous les esprits. Au CHU, où les murs ont aussi tremblé, les équipes de secours se sont mobilisées pour accueillir la multitude des blessés. Chacun a donné le meilleur de lui même pour venir en aide à près de 1 700 victimes et à leur famille ; une mobilisation sans faille qui fut saluée par la France entière. Pour rendre hommage aux personnels, les féliciter de leur efficacité et de leur sang froid et les remercier pour la solidarité et l'humanité dont ils ont fait preuve, la Direction Générale a consacré le numéro d'octobre 2001 de son journal interne, Trait d'Union, à ce douloureux événement. La parole a été donnée aux acteurs « pour mieux partager l'émotion et garder la mémoire des heures et des journées d'exception » Ce travail d'écriture autour de souvenirs tragiques méritait d'être salué. Pour ses lecteurs, Réseau CHU a extrait quelques passages qui diront mieux qu'un long récit le courage exemplaire des hospitaliers et l'admiration unanime suscitée par leur engagement.

Le 21 septembre, Toulouse est ébranlée par une explosion d’une ampleur inouïe.

« …plusieurs dizaines de personnels du CHU ont été blessés, quelques-uns ont perdu des parents, des proches ou des amis dans la catastrophe (…) et pourtant sans délai, dans un magnifique élan de solidarité, vous avez mis votre professionnalisme au service des victimes (…) le CHU de Toulouse sort grandi de cette épreuve (…) »
Philippe Douste-Blazy, maire de Toulouse

« L’engagement professionnel et humain de chacun a donné toute son efficacité aux équipes (…) La chaîne entière – soins, services techniques, logistiques et administratifs – n’a pas failli, malgré les épreuves. Merci encore aux bénévoles et, parmi eux, à nos nombreux retraités qui sont venus spontanément nous rejoindre…Votre compétence et votre courage font l’honneur du service public hospitalier toulousain »
Daniel Moinard, Directeur Général

Vendredi 21 septembre 2001, 10h20, dans les minutes qui suivent l’explosion de l’usine AZF, les premiers blessés se présentent aux urgences de Purpan et de Rangueil. Puis ils arrivent en masse, la majorité sera soignée dans la journée peu après la catastrophe. Le lendemain, l’activité n’a pas baissé, un grand nombre de personnes se présentent au CHU pour trouver un soutien auprès de la cellule médico-psychologique mise en place dans le cadre du dispositif de catastrophe. Le CHU est resté en état d’alerte lundi et mardi pour parer à d’éventuels incidents liés à l’évacuation des produits chimiques de l’usine. Le Plan Blanc a donc été maintenu dans l’établissement et le personnel renforcé jusqu’au mardi 25 septembre. »
Marie-Claude Sudre, Déléguée à la communication

« L’acheminement des victimes commence par tous les moyens : à pied, dans des véhicules privés, en ambulance. Plusieurs blessés graves sont allongés sur la grande échelle des sapeurs pompiers !
Avec l’arrivée des renforts médicaux et logistiques du Samu 31, le Poste Médical Avancé s’organise, tri des victimes à l’entrée, qui seront dirigées vers un secteur d’urgences absolues pour les blessés les plus graves ou d’urgences relatives. Bientôt un secteur de consultations externes est installé pour effectuer les sutures, une cellule d’urgence médico-psychologique est ouverte. (…) Nous avons appliqué les principes de base de la médecine de catastrophe : regrouper, recenser, trier, mettre en condition, évacuer. Nous avons pu le faire correctement car nous étions formés. Les exercices répétés avaient permis à chacun de connaître les procédures et d’agir, le moment venu, dans le sens de la plus grande efficacité. »
Dr Marie-Cécile Barthet, Samu 31, responsable UF en médecine de catastrophe.

Pr Christian Virenque, Directeur médical du Samu 31 quitte d’urgence le congrès national d’anesthésie-réanimation à Paris et rentre à Toulouse à bord d’un Transal de l’armée en compagnie de Bernard Kouchner et de Daniel Vaillant. Dans l’avion, l’ambiance est lourde, les visages fermés, chacun pense au siens peut-être blessés ou en danger.
Arrivé à Francazal, c’est sous escorte de motard qu’il rejoindra Purpan « Désert et spectacle d’apocalypse sur notre trajet. Au pied de l’hôpital de Rangueil, c’est la guerre. Chacun rejoint son affectation(…) ».

« Vision de cauchemar : le couloir rempli de poussière, les malades en sang et le silence…palpable. Nous ne savons encore rien de la solidité de la structure ; par la fenêtre, nous voyons que l’hôpital est évacué. Notre peur est d’être ensevelis. Mais il faut s’occuper de tous ces blessés, savoir si du sang est disponible, faire le lien avec la cellule de crise(…) Rapidement le travail s’organise(…) Une IDE et une AS par box, deux personnes à la gestion du matériel, un agent à la sortie du service pour lister toutes les personnes orientées en aval. »
Anne-Marthe Ramondene, cadre infirmier au SAU, Rangueil

« C’étaient des blessures de guerre, je n’avais jamais vu ça. On a essayé de réimplanter le plus possible. On a retrouvé des morceaux de plâtre dans le cerveau. Le problème c’est que l’on a opéré vite, il y aura peut-être des reprises. Et des cicatrices. »
Interview de Bertrand Gardini publiée par Libération le 28/09/01

« Je ne me croyais pas capable de descendre cinq étages par les escaliers avec un malade sur une chaise roulante. L’urgence donne des ailes, avec un seul objectif en tête : sortir les malades de là.(…) Le plus utile, en la circonstance, est le fil à suture. De l’interne au chef de service, tout le monde s’y met. Une cinquantaine de membres du personnel ont été atteints parle souffle et les débris projetés. A l’identique de ce qu’à vécu la population toulousaine, le personnel est doublement choque : physiquement et psychologiquement » Propos recueillis par Gilbert Chapuis, chargé de communication.

« La fenêtre éclatée repose à quelques millimètres du lit. Eparpillés dans toute la chambre et sur le lit, les éclats de verre ont épargné son visage. Il faut sortir. Gênée par les débris qui jonchent le sol, je parviens difficilement à conduire le lit dans le couloir. Les soignantes du service arrivent à la rescousse. Elles sont là ! Indemnes. Physiquement. »
Marie-José Hennani, cadre de santé, consultation d’ophtalmologie, Rangueil.

« La violence de l’explosion, la brutalité de l’onde de choc ont causé à ce jour 30 morts et 2242 blessés. L’accueil des blessés a été effectué dans tous les établissements hospitaliers de la région privés et publics. Le CHU, avec le Samu en a assuré la part la plus grande en accueillant plus de 1 500 victimes (…) »
Pr Jacques Frexinos

« La catastrophe a relativement épargné la population pédiatrique puisque, à l’heure de l’explosion : 10h20, la majorité des enfants se trouvaient en cour de récréation. C’est une chance dont nous prenons toute la mesure à posteriori. L’Hôpital des enfants a accueilli 130 petites victimes, dont 85 au cours des deux premières heures, la plupart pour des blessures ne présentant pas un caractère vital : des plaies par coupure, des lésions ophtalmologiques, des traumatismes ORL »
Anne-Marie Dargent, Chef de bureau, Hôpital La Grave.

« Nombre des membres du personnel habite non loin de leur lieu de travail, c’est à dire dans la zone la plus proche de l’explosion. Certains ont eu leur domicile entièrement dévasté. Pas un n’en a tiré prétexte pour s’abstenir d’être à son poste bien au contraire. Personne n’a compté son temps, nous avons travaillé tout le week-end. »Christian Lalande

« Les brancardiers ont travaillé de 12 à 20h d’affilée. » J.F. Roualdes et Cathy Rivier, transport des malades, Purpan

« De ce drame, je retiens pour ma part deux points qui m’auront particulièrement marqué : la vision des urgences et l’angoisse de l’attente sans pouvoir communiquer avec sa famille »
Francis Cortès, chef d’exploitation affaires hôtelières à Purpan-Logisud.

« Puis les heures passant l’espoir s’amenuisait pour certains. Vers 20heures Michelle est parvenue à convaincre trois jeunes femmes qui cherchaient leur mari de rentrer chez elles (…) Quand je suis revenue le lendemain matin, j’ai vu les trois noms sur la liste des décès (…) »
Irma Feldman, cadre supérieur infirmier en neurologie et neurochirurgie à Rangueil.

A la chambre mortuaire de Purpan : « Notre façon d’être des professionnels consiste à ne jamais communiquer notre angoisse aux parents et aux proches des défunts. Pour nous il était étrange de voir nos collègues des services de soins pleurer avec les familles. »

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