Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes et Denis Morin, président de la 6ème chambre ont présenté, le 8 octobre 2020, devant la commission des Affaires sociales du Sénat le rapport annuel de la Cour des Comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que l’enquête réalisée sur les groupements hospitaliers de territoire.
L’objectif de l’audition du 8 octobre dernier relative aux Groupements hospitaliers de territoire (GHT) était d’évaluer s’ils étaient effectivement fondés sur un projet de santé d’une part et s’ils favorisaient une meilleure organisation de soins sur les territoires d’autre part. Après l’examen de la quasi-totalité des projets médicaux partagés dans 129 GHT et un dialogue approfondi avec plus de 500 acteurs (professionnels de santé, élus et usagers) dans 13 GHT regroupant 77 établissements, le Président de la 6ème chambre de la Cour des Comptes, a dressé un constat sévère : « Oui, les GHT se sont mis en place ; non, ils n’ont pas eu d’impact sur l’offre de soins ».
Hétérogénéité des GHT
La première critique porte sur l’hétérogénéité des organisations : sur les 136 GHT aujourd’hui effectifs, seuls 28 sont adossés à un CHU. « C’est un premier clivage majeur », a expliqué Denis Morin. Ensuite a-t-il poursuivi, « beaucoup de GHT sont structurés autour d’un établissement support particulièrement fragile ». Citant les exemples parmi d’autres de l’Yonne, de la Seine-et-Marne et de la Manche, il a attiré l’alerte des parlementaires sur le nombre de GHT infra-départementaux fonctionnant autour d’établissements hospitaliers « fragiles ne présentant pas la qualité de prise en charge que nos concitoyens sont en droit d’attente. Ces GHT ne contribuent pas à la réduction des inégalités de santé et ne répondent pas à la capacité à prendre en charge en moins de 30 minutes un certain nombre d’accidents de santé ». Parmi les chiffres cités : 38 GHT ne disposent d’aucun plateau d’angioplastie, 24 GHT n’ont pas d’unité neuro-vasculaire, 46% des GHT ne proposent pas d’hospitalisation à domicile et 10% d’entre eux n’ont aucune offre en obstétrique. Enfin, « défaillance majeure, 21% d’entre eux ne disposent pas de psychiatrie. Ce qui pose la question de la participation des établissements spécialisés à ces groupements », a poursuivi Denis Morin.
Une gouvernance complexe
La deuxième observation de la Cour des comptes tient à une gouvernance complexe et à l’absence de personnalité morale des Groupements. « Il faudra aller au-delà car cette absence est source de grandes difficultés de fonctionnement. Pour des décisions comme l’adaptation du projet médical partagé, certains GHT engagent un processus très long – entre 50 et 100 consultations – qui n’est pas de nature à accélérer la prise de décisions », a indiqué Denis Morin avant de mettre en lumière l’absence d’effet restructurant des Groupements. « La gradation des soins a rarement été mise en place, les inégalités de santé n’ont pas été corrigées, il y a eu peu de création de pôles inter-établissements – moins de 5% – et le nombre de salles d’intervention en chirurgie a simplement été stabilisé à environ 3300. Les GHT ont eu pour effet de figer l’offre sans dans quelques cas très marginaux. »
Quatre ans après
Selon la Cour des Comptes, plusieurs sujets restent en outre à approfondir comme l’organisation des transports sanitaires, l’évolution du régime des autorisations qui pourraient relever des GHT ou encore la mutualisation des personnels médicaux et non médicaux sur les territoires. « Nous concluons en soulignant que les GHT les efficaces sont les plus intégrés. Nous plaidons pour des directions communes », a souligné Denis Morin qui a également témoigné sa réticence à associer l’offre privée, à l’exception de la psychiatrie, aux GHT. « Le secteur privé non lucratif est très présent sur cette spécialité. Ne pas les associer à l’offre est peut-être un problème. »