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Haïti, épidémie de choléra : l’ONU reconnait sa responsabilité… 6 ans après le rapport du Pr Piarroux (AP-HM)

Il aura fallu 6 ans de rapport, d’expertise et de contre-expertise, de publications scientifiques pour que l’ONU reconnaisse - officiellement le 18 août 2016 - sa responsabilité dans l'épidémie de choléra qui a fait plus de 10 000 morts en Haïti depuis 2010. Cette crise sanitaire est venue alourdir le bilan déjà terrible du séisme qui a causé le décès de plus de 300 000 personnes, dévasté l’île et fait un million et demi de sinistrés.
Il aura fallu 6 ans de rapport, d’expertise et de contre-expertise, de publications scientifiques pour que l’ONU reconnaisse – officiellement le 18 août 2016 – sa responsabilité dans l’épidémie de choléra qui a fait plus de 10 000 morts en Haïti depuis 2010. Cette crise sanitaire est venue alourdir le bilan déjà terrible du séisme qui a causé le décès de plus de 300 000 personnes, dévasté l’île et fait un million et demi de sinistrés.
L’aveu de l’ONU est tout sauf spontané. Cette déclaration est en fait l’aboutissement d’un long combat scientifique mené par des avocats défenseurs des droits de l’homme et par un épidémiologiste, le Pr Renaud Piarroux, chef du laboratoire de parasitologie de la Timone (AP-HM) qui avait conclu à la responsabilité des Casques bleus.  « Cette nouvelle apporte un espoir considérable » indique le Pr Renaud Piarroux, « En réponse à un rapport interne de l’ONU particulièrement virulent, le porte -parole du Secrétaire Général vient de reconnaitre la responsabilité de l’ONU dans cette catastrophe et promet une implication bien plus forte de l’organisation dans le financement de la lutte ». 
Jusqu’à présent et malgré les nombreuses preuves scientifiques, l’ONU avait toujours nié son implication. La vérité vient d’être rétablie. Un livre retrace d’ailleurs toute l’affaire : «  Deadly River » de Ralph Frerichs* paru en mai 2016 aux USA. 
Depuis trois ans une collaboration AP-HM – UNICEF a permis de déployer un plan de lutte 
Le Pr Piarroux est impliqué dans la tragédie que vivent les Haïtiens depuis que des Casques bleus ont introduit le choléra dans leur pays. « J’ai d’abord été commissionné pour investiguer l’épidémie, et ainsi, j’ai été amené à démontrer la responsabilité des Casques bleus. Ensuite, depuis trois ans, l’AP-HM a signé une série de conventions avec l’UNICEF, principal acteur de la lutte, pour que je puisse, avec le Dr Stanislas Rebaudet, guider les opérations sur le terrain en analysant la dynamique de l’épidémie et les déterminants de son implantation dans la population haïtienne ».
Malheureusement, après une première phase très positive, les financements nécessaires à la lutte ont été réduits car les bailleurs de fonds se lassaient de cet interminable combat contre la maladie. « Depuis deux ans, le choléra regagne de plus en plus de terrain », se désole Renaud Piarroux. « Officiellement, la maladie a atteint plus de 800.000 personnes et provoqué près de 10.000 décès. En réalité, c’est beaucoup plus, comme l’a montré une étude scientifique diligentée par MSF et Epicentre ».
Dans l’espoir de mettre un point final à cette tragédie, l’équipe du Pr Piarroux prépare un nouveau plan d’action. Il sera mis en œuvre jusqu’à la fin 2018 avec le soutien de l’UNICEF, de l’OMS et de leurs partenaires haïtiens.  
Les enseignements de cette catastrophe sanitaire serviront à établir un dispositif  prévention des récidives dont l’élaboration relève du département des opérations de maintien de la paix à l’ONU. 

Chronologie d’un combat pour la reconnaissance d’une faute avérée

10 janvier 2010 : séisme touchant l’agglomération de Port au Prince : selon les estimations, entre 100.000 et 300.000 décès.
Janvier-octobre 2010 : malgré les craintes de certains, aucune épidémie n’est décelée dans les camps de personnes déplacées (plus d’un million de déplacés)
Septembre 2010 : une épidémie se propage à Katmandou au Népal
9 octobre 2010 : un contingent de soldats népalais arrive en Haïti et s’installe dans un camp à proximité du village de Meye, au Sud de Mirebalais
18 octobre 2010 : des médecins cubains, appuyant l’hôpital de Mirebalais, alertent le ministère de la santé sur la survenue de plusieurs dizaines de cas de diarrhée aqueuse sévère à Meye puis à Mirebalais.
19-24 octobre 2010 : une mission épidémiologique haïtienne enquête sur place mais se voit interdire l’accès au camp militaire. Le rapport qui s’en suit sera tenu secret jusqu’à fin novembre, date où un exemplaire est remis au professeur Piarroux.
19-20 octobre 2010 : une épidémie d’ampleur exceptionnelle explose tout le long du cours du fleuve Artibonite, principal cours d’eau d’Haïti. On saura plus tard qu’elle succède au déversement d’une fosse septique du camp militaire dans un affluent de l’Artibonite.
Octobre-décembre 2010 : l’épidémie se propage en nappe sur tout le territoire haïtien et atteint la République Dominicaine.
7-27 novembre 2010 : le docteur Renaud Piarroux, chef de service à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille et professeur à Aix-Marseille université est mandaté pour investiguer l’épidémie, identifier sa source et ses modes de propagation.
8 décembre 2010, le rapport du professeur Piarroux est publié. Il indique que la source de l’épidémie est un camp de soldats népalais dans le village de Meye.
14 décembre 2010, le Secrétaire Général de l’ONU ordonne une contre-enquête.
Janvier-Mai 2011, un panel de scientifique est sélectionné par l’ONU pour se rendre sur le terrain et identifier l’origine de l’épidémie. Leur rapport confirme le lieu d’origine de l’épidémie (Meye), indique que les sanitaires du camp militaire et la gestion des fosses septiques ne permettent pas d’éviter la contamination de l’environnement, mais les auteurs se gardent d’attribuer la faute à l’ONU. Ils concluent que le choléra est dû à une conjonction de facteurs et n’est pas dû à la faute d’un individu ou d’un groupe d’individus
Juillet 2011, l’étude du professeur Piarroux est publiée dans Emerging Infectious Diseases, le journal des  Centers of Disease Control and prevention aux Etat-Unis.
Août 2011, une étude de chercheurs danois et américains indique que les souches isolées en Haïti sont strictement identiques à un clone qui circulait au Népal quelques semaines auparavant.
Automne 2011, une action en justice est lancée par des avocats haïtiens en lien avec des avocats américains. L’action, portée une première fois devant les tribunaux New-yorkais se solde par un échec, renouvelé en appel (décision notifiée le 18 août 2016) : l’ONU dispose d’une immunité qui l’empêche d’être poursuivie par une cour de justice nationale.
Au fil des années, les preuves scientifiques s’accumulent montrant l’implication des casques bleus dans l’épidémie et mettant en lumière les tentatives de l’ONU pour étouffer l’affaire. L’ensemble de ces éléments sont colligés dans un livre intitulé Deadly River-Cholera and Cover-up in Post EarthQuake Haiti écrit par Ralph R Frerichs, un professeur de santé publique de l’UCLA (Los Angeles), et publié par Cornell University Press en mai 2016. Le livre décrit le parcours du professeur Piarroux et son combat pour faire connaitre la vérité. 
18 août 2016, le professeur Philip Aslton, Rapporteur Spécial sur les Droits de l’Homme et l’Extrême Pauvreté, fait le point sur le dossier du choléra en Haïti et conseille fortement le secrétariat général de l’ONU de changer radicalement son approche à savoir : 1) reconnaître la faute de l’ONU, 2) présenter des excuses publiques, 3) s’engager beaucoup plus dans la lutte pour l’élimination du choléra et 4) assister les victimes. Dans ce rapport, Deadly River et le travail du Professeur Piarroux sont plusieurs fois mis en exergue et valorisés.  

*Frerichs, R. R. (2016). Deadly River: Cholera and Cover-up in Post-earthquake Haiti. Cornell University Press.

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