Les températures très basses font bondir la durée de sommeil et la somnolence diurne. C’est ce que vient de démontrer le Docteur Christian Bourbon, Praticien attaché des Hôpitaux, Spécialiste de Médecine du Sommeil et de Médecine du Sport au CHU de Toulouse*. Profitant de l’expérience d’hivernage en arctique (d’octobre 2002 à avril 2003) de l’explorateur Stéphane Lévin, il a mis en place un protocole de recherche clinique déterminant l’influence de la température ambiante froide extrême sur le comportement vigile de l’être humain. Cinq ans de travaux ont été nécessaires pour trier, analyser et valider les données recueillies pour un résultat édifiant : la découverte chez l’homme de la présence d’un processus primitif, archaïque, que l’on croyait disparu, l’hibernation. Ces travaux ont fait l’objet d’une thèse intitulée « étude de l’influence de la température ambiante (froid extrême) sur le comportement vigile de l’être humain » qui a été soutenue le 10 novembre dernier à la Faculté de Médecine de Toulouse.
La température ambiante : un facteur de vigilance
L’exposition prolongée à des températures basses extrêmes augmente de 50% la durée totale de sommeil et de 75% la somnolence diurne. Cette hypersomnie physiologique de survie permet ainsi à l’homme de s’adapter à ces nouvelles conditions. Cette étude expérimentale souligne le rôle fondamental de l’approche chrono biologique de l’être humain. Le système veille-sommeil est donc non seulement régulé par l’activité de l’homme, mais également par des facteurs solaires tels que la lumière (déjà connue et identifiée) et la température ambiante. Cette dernière pourrait intervenir comme synchroniseur quotidien de cette rythmicité et comme un facteur de synchronisation saisonnier. Elle permet également d’expliquer certains symptômes de la dépression hivernale. Les travaux du Prix Nobel de Médecine 2009 permettent la compréhension de cette découverte Si Elisabeth Blackburn, Prix Nobel de Médecine 2009, n’avait pas découvert les télomérases, toutes les données recueillies durant l’expérimentation de l’explorateur n’auraient été que des constatations cliniques. En effet, les télomérases sont de véritables « capuchons » protecteurs des chromosomes et « gardiens » de la mémoire des processus ancestraux de l’humanité dont l’un d’entre eux est l’hibernation. La confrontation des données recueillies à la lumière des télomérases a permis de découvrir que l’homme hiberne encore au XXIème siècle !
Perspectives d’avenir : la mise en évidence d’un tel processus physiologique est d’autant plus importante que la responsabilité des facteurs humains, et en particulier les troubles de la vigilance, sont à l’origine des plus grandes catastrophes du XXème siècle (notamment Tchernobyl). Mieux comprendre la régulation des cycles veille-sommeil et l’évolution de la somnolence diurne sont donc essentiels pour optimiser des programmes chrono biologiques personnalisés et diminuer les risques d’accident par hypersomnolence. La majoration de cette dernière pendant la période hivernale est actuellement largement sous-évaluée. Jusqu’à maintenant, seule l’équipe d’André Malan (Unité de Neurobiologie des rythmes – CNRS – Université Louis Pasteur de Strasbourg) travaillait sur l’hibernation mais uniquement chez l’animal (la marmotte) dans le but d’appliquer ses découvertes pour la réalisation de vols spatiaux habités de très longues durées. La découverte du Docteur Christian Bourbon est une grande avancée qui ne manquera pas d’intéresser toutes les équipes de recherche (nationales et internationales) qui travaillent sur le comportement vigile de l’être humain.
* Service de Médecine du Sport – Pr Daniel Rivière – Hôpital Larrey