En ce mois de juillet, l’économie de la santé domine l’actualité hospitalière avec deux contributions marquantes : l’étude ATIH sur la comparaison des coûts des soins et le rapport de la FHF sur les comptes des hôpitaux – A retenir également l’ouverture du site transparence.gouv.fr ainsi que des prises de position sur les limites des classements.
2 115 euros par jour pour l’hôpital, 1 204 euros pour la clinique
Les tarifs pratiqués dans le public se révèlent en moyenne presque deux fois plus élevés que dans le privé. Telle est la conclusion de l’étude sur la comparaison des coûts de prise en charge ; une analyse menée par l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) et rendue publique lundi 21 juillet. L’instance précise en introduction que seule la comparaison par Groupe Homogène de Malades identique a un sens (pas leur regroupement) et rappelle que les montants affichés correspondent aux ressources mobilisées par l’établissement et non au coût pour l’assurance-maladie.
Très intéressée par ces données, la presse a repris les exemples les plus emblématiques :
Dans le Quotidien du médecin, Anne Bayle-Iniguez retient que la chirurgie de la cataracte qui coûte 1 470 euros dans le public contre 1 147 euros dans le privé et l’extraction des dents de sagesse qui revient à 1 310 euros à l’hôpital et seulement 770 euros en clinique.
Le Figaro s’intéresse à la pose de prothèse de hanche simple qui coûte 16 % moins cher dans le privé et à l’intervention sur l’intestin grêle et le colon, 30 % plus légère en clinique. La différence est moindre pour les séances de chimiothérapies 922 euros en moyenne pour l’hôpital contre de 823 euros pour les cliniques.
Autre exemple cité : le retrait du ménisque qui coûte 1 406 euros à un hôpital et 811 euros dans une clinique.
Des différences importantes sont mises à l’index par La Tribune : l’ambulatoire revient en moyenne à 1.300 euros dans le public, contre 900 dans le privé. Quant aux séjours chirurgicaux pour interventions lourdes, ils atteignent 16 650 euros dans le public contre 8.000 euros dans le privé.
Enfin, la fourchette des tarifs est plus large dans le public que dans le privé de 575 euros, pour une dialyse ou une séance de chimiothérapie, à 4.564 euros pour une opération chirurgicale complexe à l’hôpital, contre 449 à 1 910 euros dans le privé.
Au vu de ces résultats, Guillaume Guichard du Figaro n’hésite pas à recommander à l’hôpital public de « prendre des leçons de productivité auprès des cliniques privées » dans l’édition du Figaro du 23 juillet.
Pour expliquer ces « fossés de productivité entre les frères ennemis du privé et du public », la Fédération hospitalière de France (FHF), interrogée par le Figaro argue que les hôpitaux soignent des patients en moyenne plus gravement atteints que ceux accueillis en clinique. Qu’ils sont de surcroît en situation plus précaire et doivent donc rester hospitalisés plus longtemps. Un propos pondéré par le commentaire d’un directeur d’hôpital qui avance d’autres raisons « les charges de personnel ainsi que le circuit de facturation qui grèvent les budgets » cite le quotidien. Pour le privé, la situation est très facile à décrypter : Le prix payé par l’Assurance-maladie aux cliniques est en moyenne 20 % à 22 % moins cher que dans les hôpitaux. « Cette contrainte économique nous invite à être plus efficients. Sinon nous sommes condamnés à mettre la clé sous la porte!» déclare pragmatiquement Thierry Béchu, secrétaire général de la FHP-MCO.
BFM dans un article du 23 juillet insiste sur « la faible évolution des tarifs depuis 2010. Le coût moyen est même "en très légère diminution par rapport à 2011", tant dans le privé que dans le public».
Dans un communiqué en date du 28 juillet, la Fédération Hospitalière de France s’interroge sur l’indépendance de l’ATIH, estimant la présentation de l’étude fortement partiale et tendancieuse. La FHF rappelle "que les missions et l’organisation des deux secteurs ne sont pas comparables : l’un sélectionne les patients, l’autre ne choisit pas." Elle souligne à nouveau que "les cas médicaux plus lourds ou les plus complexes, en sus des urgences, sont pris en charge à l’hôpital."
Quant aux composantes des coûts " Le secteur lucratif n’intègre pas, le plus souvent, celui de plateaux techniques et des examens externes (laboratoires, radiologie, explorations fonctionnelles, radiothérapie…). A l’inverse, l’hôpital public dispose de ces installations pour assurer sa mission d’intérêt général." Dénonçant des arguments tronqués, la FHF indique "qu’une étude plus complète aurait révélé un écart beaucoup plus faible entre les secteurs public et privé non lucratif, et le privé à but lucratif, voire parfois à la situation inverse : tel est le cas de l’HAD." La FHF n’accepte pas qu’un tel document "puisse servir à l’avenir d’argumentaire aux pouvoirs publics pour resserrer l’étau budgétaire déjà très contraignant pour les hôpitaux du service public."
Méthodologie adoptée par l’ATIH
Pour étudier le coût complet des soins dispensés, l’ATIH a pris en compte le coût des soins prodigués au lit du malade, les actes techniques (blocs opératoires, imagerie, échographie,…), les médicaments, le fonctionnement de l’établissement, le coût du personnel, les honoraires des médecins libéraux, et la différence entre les actes de chirurgie ambulatoire et classique. L’analyse a porté sur 14 Centres Hospitaliers Régionaux, 19 centres hospitaliers (CH), de 3 centres de lutte contre le cancer (CLCC), 10 établissements à but non lucratif (EBNL) et 24 cliniques.
Les hôpitaux dans le rouge
Localtis.info, le quotidien en ligne de la Caisse des dépôts revient sur les comptes des hôpitaux. D’après le bilan de la campagne budgétaire publié par la Fédération Hospitalière de France (FHF), le compte principal des hôpitaux (différence entre les recettes et les dépenses liées aux activités de soins) fait apparaître un déficit de 300 millions d’euros note Jean-Noël Escudié. Soit deux fois plus que celui observé en 2012 (142 millions d’euros). Plus grave encore précise la FHF, sans l’aide exceptionnelle accordée à certains établissements en fin d’exercice 2013 pour leur éviter une rupture de trésorerie, ce déficit serait en fait supérieur à 400 millions d’euros. Mauvaise nouvelle également concernant la capacité d’auto-financement des établissements publics qui a baissé en moyenne de 6,1% : -7,4% pour les CHU et de -10,7% pour les plus grands centres hospitaliers généraux. En 2013 les investissements hospitaliers ont d’ailleurs reculé de 20%. En cause selon la FHF "la politique tarifaire 2013, qui a favorisé les cliniques privées au détriment des hôpitaux du service public (tarifs en baisse de 0,84% pour le public et de 0,20% pour les cliniques)".
Des lectures différentes
Selon la direction générale de l’offre de soins (DGOS), "dans un contexte de ressources contraintes, les économies demandées aux hôpitaux ont été quasiment absorbées, le résultat global et la capacité d’autofinancement n’enregistrant qu’un léger recul par rapport à 2012". Quant au déficit total celui-ci est ramené à 70 millions dès lors que sont intégrés les résultats positifs des budgets annexes et la cession de certains actifs hospitaliers (immeubles, terrains…), « contre un excédent de 30 millions en 2013 (93 millions d’excédent en 2012 selon la FHF) » précise Jean-Noël Escudié. Enfin toute proportion gardée le déficit ne correspond qu’à 0,1% du total des budgets hospitaliers. Un taux modique qui permet de considérer "les comptes hospitaliers à l’équilibre". Le ministère estime également que "la CAF continue de couvrir largement le remboursement en capital des emprunts (environ deux milliards d’euros), ce qui explique que les hôpitaux ont eu un recours à la dette de moins d’un milliard d’euros, contre trois milliards en 2008". Dissonance donc dans l’analyse selon la source – FHF ou DGOS – mais les chiffres sont têtus « la tendance 2013 est à la dégradation – même limitée – des comptes. Et l’année 2014 ne présage rien de bon avec les économies programmées sur les dépenses d’assurance maladie. » prédit l’analyste.
Transparence, oui mais jusqu’à un certain point
Dans Le Monde du 26 juillet, Paul Benkimoun annonce l’ouverture officielle du site Transparence.gouv.fr, base de données publiques "dans laquelle chacun pourra chercher les conventions (activités de recherche, essais cliniques…) passées entre industriels et acteurs de la santé. Le site publiera les avantages (cadeaux, repas, voyages) d’une valeur supérieure à 10 euros consentis sans contrepartie. Cette initiative découle du décret d’application dit « Sunshine Act » du 21 mai 2013, mettant en œuvre la loi Bertrand du 29 décembre 2011". Les données sont fournies par les entreprises du secteur de la santé tenues à une obligation de déclaration, sous peine de sanction pénale.
La liste des bénéficiaires comprend l’ensemble des professionnels de santé (médecins, pharmaciens, dentistes, infirmières…), les étudiants se destinant à ces métiers, les établissements de santé, les fondations ou les entreprises de presse intervenant dans ce secteur.
L’enjeu de cette opération transparence : "reconquérir la confiance des Français érodée par les scandales de ces dernières années" explique le ministère.
Le spécialiste des questions de santé regrette que les conventions entre laboratoire et service hospitalier ne figurent pas sur le site et que la conservation des données se limite à 5 ans ; un délai selon lui trop court par rapport au temps judiciaire. Et le journaliste de conclure par cette remarque " (…) le site apporte donc de la lumière dans un monde obscur, mais nous n’en sommes pas encore au plein soleil."
Palmarès : les limites des classements
Bruxelles appelle à davantage de prudence quant à la publication des résultats des contrôles opérés dans les établissements hospitaliers « La Direction de la santé à Bruxelles a fait savoir jeudi à l’agence Belga qu’elle ne désirait pas entrer dans une politique de "commercialisation" des soins, considérant les bénéficiaires comme "des patients et non des consommateurs". "Nous procédons déjà à des inspections et des contrôles pour vérifier le respect des normes et nous prenons des mesures ou des sanctions en fonction des résultats. Nous ne sommes pas contre une publication de ceux-ci mais elle doit être envisagée de manière globale et non dans le but d’un classement (…) En cas de diffusion des résultats, la Direction de la santé redoute une pratique défensive de la médecine, une attitude anxiogène de la part des patients et que les médecins soient sanctionnés pour leurs prises de risque ».
Source : La Direction de la santé contre une logique commerciale entre les hôpitaux bruxellois – L’avenir – 26 juin 2014
« Classer publiquement les chercheurs, les universités, les hôpitaux, expose à la fraude et à l’embellissement injustifié des résultats, comme si les conséquences néfastes de la compétition utilisées pour la communication et la valorisation dans les écoles, les banques, les sports ne s’appliquaient pas à la médecine. » Pr Joël Ménard.
Source : Comprendre la recherche clinique et l’innovation à l’hôpital -Vincent Diebolt, Christophe Misse, Préface du Pr Joël Ménard, Editions Dunod, juin 2014, P16.
Marie-Georges Fayn
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