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Juin 2012 : Le classement sur la situation financière des hôpitaux fait polémique

Endettement atteignant des sommets, baisse des dotations, activité libérale … en juin l’économie a une fois de plus dominé l’actualité des CHU. Annoncé la veille par des titres tonitruants "Situation financière des hôpitaux "désastreuse" dans le JDD, "Hôpitaux : dette de 23,6 mds € " du Figaro, ou encore "Les hôpitaux publics au bord du naufrage financier ? sur My TF1’’, « le scandale des hôpitaux » selon la manchette du Point du 14 juin révèle leur délicate situation financière...

Endettement atteignant des sommets, baisse des dotations, activité libérale … en juin l’économie a une fois de plus dominé l’actualité des CHU. Annoncé la veille par des titres tonitruants "Situation financière des hôpitaux "désastreuse" dans le JDD, "Hôpitaux : dette de 23,6 mds € " du Figaro, ou encore "Les hôpitaux publics au bord du naufrage financier ? sur My TF1’’, « le scandale des hôpitaux » selon la manchette du Point du 14 juin révèle leur délicate situation financière…
Après avoir obtenu « de haute lutte » l’autorisation de sonder la base Hospi Diag de l’Agence nationale d’appui à la performance (ANAP) et ses 68 indicateurs médico-économiques portant sur l’activité, la qualité des soins, l’organisation, les ressources humaines et financières, François Malye et Jérôme Vincent ont décortiqué les rapports de la Cour des comptes sur 85 hôpitaux publics. Résultat, l’endettement des 1 266 établissements de court séjour culmine à 23,6 milliards d’euros en 2010 ; « Sur 603 hôpitaux, 43 % (262) affichaient des comptes négatifs »  Plus grave, le tiers d’entre eux (210), depuis un décret publié en décembre 2011 relatif aux limites et réserves du recours à l’emprunt ne peut plus s’adresser à une banque sans autorisation de l’ARS’’. Il est question de « quasi-insovabilité, de situation financière désastreuse».
Le Point qui publie le tableau des 100 hôpitaux les plus endettés, s’interroge " Pourquoi le couperet ne tombe-t-il pas  ?" Plusieurs explications sont avancées : les enveloppes financières versées pour adoucir le passage du budget global à la tarification à l’activité, le fait que l’hôpital se croit intouchable, et la pression des élus soucieux de préserver le 1er employeur local. En cause aussi le plan hôpital 2007 « qui a lancé les hôpitaux dans des investissements indispensables sans avoir les moyens de les financer ». D’où l’endettement.    
Selon Le Point, les établissements doivent se réformer de toute urgence pour traiter des maux précisément diagnostiqués, tableaux à l’appui, à savoir les dépenses de personnel trop élevées, une gestion administrative trop lourde, la sous-activité notamment en chirurgie, le délai de recouvrement des créances auprès des mutuelles ou des patients. Et pour prendre le problème à bras le corps ils recommandent de sortir de l’autisme politique, de dire la vérité, de mutualiser davantage… 
La réponse de la Fédération Hospitalière de France (FHF) n’a pas tardé. Le lendemain son Président et son Délégué général, Frédéric Valletoux et Gérard Vincent ont  rappelé dans un communiqué que seule une approche combinant plusieurs indicateurs permettait de juger de l’activité d’un établissement. Ainsi, la sous-utilisation d’un bloc opératoire résulte de l’obligation de permanence des soins dans certaines zones géographiques. De la même manière, on ne peut pas comparer un bloc dédié à une activité programmée et un bloc adossé aux urgences. Pour la FHF, « les hôpitaux publics ne sont pas trop endettés », bien au contraire, il était nécessaire de relancer l’investissement pour qu’ils puissent se moderniser. L’instance dénonce au passage des contrevérités : « Non, les hôpitaux ne creusent pas leurs déficits d’exploitation. Les déficits de gestion ont été divisés par trois depuis 2007, se limitant à 180 millions d’euros en 2010, soit moins de 0,3% du budget des hôpitaux. Seul un tiers des hôpitaux présente un déficit, alors que c’est le cas pour la moitié des cliniques. Non, les responsables hospitaliers ne refusent pas de faire évoluer leurs organisations. Ils ont engagé de profondes transformations pour moderniser l’offre de soins, pour tenir compte des avancées thérapeutiques et des possibilités ouvertes par les nouvelles modalités de prise en charge. La plate-forme de la FHF élaborée à l’occasion du débat présidentiel est là pour le démontrer ». Une mise au point reprise par le Quotidien du médecin le 18 juin.
Ardents défenseurs de la transparence des comptes, les responsables de la FHF soulignent qu’on ne peut cependant livrer une interprétation tronquée des données brutes fournies par les établissements.
La fin d’une polémique ? Toujours dans ce dossier, le Point apporte une contribution détermiante au débat qui oppose le public au privé. Statistiques à l’appui, le rôle spécifique des hôpitaux dans la prise en charge des malades les plus lourds est clairement démontré : sur le 1,2 milliard de patients les plus graves hospitalisés en 2010, 84 % ont été traités dans le public (dont 28.3% en CHU et 48.7% en CH)* . 
Enfin le Point fait un détour par le CHU de Nancy et relate l’« opération sauvetage » menée par le redresseur  Philippe Vigouroux  et son adjointe Geneviève Lefebvre qui visent le retour à l’équilibre. « Quand il arrive en 2008, tous les voyants sont au rouge » commentent les journalistes « 32 millions d’euros de déficit d’exploitation  la mauvaise gestion côtoyait la malhonnêteté ». En cause « la fuite en avant, une dispersion des moyens  alors que le contexte indiquait une baisse inévitable de la fréquentation du CHU» et donc des recettes, le CHU était de plus pénalisé par une « mauvaise organisation et une surcapacité ». Le traitement appliqué fut peu original : fermeture de sites et de lits, suppression de 400 postes, réorganisation tous azimuts faisant passer le nombre de salles d’intervention de 77 à 43… augmentation du tarif des chambres – mais efficace : le déficit d’exploitation a été divisé par quasi trois soit 12 millions d’euros en 2011. Reste la dette qui a gonflé  de 218 millions en 2008, elle est passée à 300 millions en 2011.

Dans ce contexte la dépêche de l’AFP du 8 juin apporte un peu de baume sur les tensions budgétaires.  L’AP-HP prévoit pour 2012 une réduction de son déficit 73,7 millions d’euros sur son compte principal contre 90 millions en 2011 (130 millions initialement annoncés). Le retour à l’équilibre est prévu pour 2013.
Le 4 juin Vincent Collen revient dans les Echos sur la motion adressée par Gérard Collomb, président du Conseil de surveillance des Hospices Civils de Lyon à Marisol Touraine dans laquelle il dénonce la baisse des dotations de l’état – décision qui menace l’accès aux financements bancaires et remet en question la modernisation de l’hôpital Edouard-Herriot.
Pour le chroniqueur, la crise lyonnaise est révélatrice d’un vrai malaise qui touche l’hôpital public. Bien que réduit, le déficit du deuxième CHU de France frôle encore les 30 millions d’euros. Et ce malgré les efforts menés  à savoir l’enchaînement des réorganisations, la réduction amorcée des effectifs…»  A qui la faute alors ? Le système de financement est mis en accusation.  « La tarification à l’activité ne réduit pas les ressources allouées à l’hôpital. explique Vincent Collen Celles-ci progressent, en moyenne, de 3 % par an mais les redistribue selon l’activité éliminant les rentes de de situation. (…) en sept ans, 1,3 milliard d’euros de ressources ont été transférées des hôpitaux perdants vers les gagnants. Pour les premiers, les conséquences ont été lourdes : réduction des coûts, restructurations, baisse des effectifs parfois ; Mais la T2A n’est pas la panacée. Les hospitaliers lui reprochent d’être inflationniste, d’inciter les établissements à multiplier les actes, de ne pas prendre en compte la spécificité des personnes âgées, d’encourager la sélection des patients, certains cas étant plus «rentables» que d’autres, même si la déontologie des professionnels de santé limite cette dérive. Les médecins se plaignent du temps qu’ils consacrent à coder les actes. « L’équivalent de six semaines de travail par an et par médecin dans mon service ! », soutient Francis Fellinger, chef de la cardiologie à l’hôpital de Haguenau,dans le Bas-Rhin. Pour la FHF les tarifs ne devraient pas compter pour plus de la moitié des budgets, l’instance demande aussi que certaines activités soient sorties de la T2A comme les soins palliatifs et la néonatologie ou les services assurés par les petits hôpitaux, structurellement déficitaires mais à maintenir dans certaines zones rurales.
Encore un peu d’économie de la santé. Le 12 juin, Stéphanie Benz répond dans l’Expansion  à la question cruciale « Les économies à l’hôpital nuisent-elles à la qualité des soins ? Réponse : Non au contraire elles l’améliorent de même que les conditions de travail selon les  experts de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap).
« Entre les économies réalisées et les recettes dégagées par une meilleure organisation, les comptes des 25 établissements concernés par les missions de l’ANAP devraient se redresser au total de… 300 millions d’euros » Les solutions : limitation du nombre d’examens, meilleure organisation des blocs, gestion optimisée des lits, regroupement des achats, suivi rigoureux de la facturation. Ainsi un lien vertueux entre résultat financier et qualité des soins existerait bel et bien.
Toujours sur le même sujet, l’article Benjamin Masse-Stamberger paru dans L’Express du 27 juin sous le titre " Comment vivre sans Dexia ?" qui décrypte la complexité du recours à l’emprunt pour les collectivités et les hôpitaux.
A retenir aussi l’interview de référence accordée par Marisol Touraine à Libération et parue le 28 juin. Sous la plume d’Eric Favereau, la ministre des affaires sociales et de la santé expose sa conception de l’hôpital public et de ses spécificités. L’hôpital public est unique. « Il soigne, accueille tout le monde, et prend en charge toutes les pathologies, vingt- quatre heures sur vingt-quatre. Il ne se contente pas de soigner, il forme, il fait de la recherche. Bref, il est normal qu’à ce grand service public corresponde un financement particulier, mais aussi une reconnaissance particulière. (…)Ce qui fait la différence (avec le privé ndlr), c’est que l’hôpital est le seul à prendre en charge l’ensemble des missions. Il est sur tous les fronts, et cela pour tous les malades.  »
La ministre a aussi confirmé sa volonté de mettre un terme à la convergence avec le privé, de faire évoluer la T2A par une meilleure identification et prise en compte des missions du service public,  reconnaissant que les « pathologies traitées à l’hôpital ne sont pas les mêmes que dans le secteur public ». Interrogée par Eric Favereau sur la  question des dépassements d’honoraires,  la ministre estime qu’il y a des abus scandaleux qui ne doivent plus perdurer. Elle plaide pour une régulation au sein de l’hôpital public. Enfin, évoquant la démocratie sanitaire, la ministre annonce une nouvelle étape concernant les droits collectifs.

Côté médecins et pour faire suite aux polémiques sur l’activité libérale à l’hôpital public, Eric Favreau avait aussi repris dans Libération du 6 juin des extraits d’un débat qui s’est tenu sur le sujet, à l’initiative du Pr André Grimaldi**. Les médecins hospitaliers expliquent leurs motivations avec franchise : « Le privé a été instauré pour offrir un complément de revenu aux médecins hospitaliers et pour rendre les carrières hospitalières attractives : il joue toujours ce rôle et ce serait donc une erreur de le supprimer ou de trop le réduire, sauf à vouloir dégrader un peu plus l’hôpital public, où un nombre grandissant de postes ne sont pas pourvus. Les abus ne doivent pas être un prétexte pour porter le discrédit sur ceux qui n’en commettent pas.» témoigne le Pr Bernard Granger
«Je fais du privé, ce dont je n’ai nulle honte. J’y vois une clientèle différente. Je travaille le vendredi de 14 h 30 à 21 heures, des heures où l’hôpital se désertifie. Mes honoraires sont en principe de 145 euros, je les modère à la baisse, ou souvent au tarif de remboursement de la Sécu, à la grande surprise des patients s’il s’agit de gens simples. Je ne fais pas concurrence à mes collègues de ville, qui éventuellement m’adressent leurs malades pour avis. » reconnait pour sa part Jean-Louis Wemeau, chef du service d’endocrinologie du CHRU de Lille
Autre point  de vue, celui de Jacques Belghiti, chef du service de chirurgie hépatique à l’hôpital Beaujon «Je mesure avec soulagement que ceux qui tentaient de s’imposer, en nous disant "n’ayez pas honte de gagner de l’argent, vous le valez bien et les malades en redemandent" se font plus discrets. J’espère que le contrôle de ces pratiques inacceptables va enfin aboutir et que nos tutelles ne vont plus se laisser impressionner.»
*Source Thomas More . mars 2012 d’après  les données d’Eurostat, OCDE,OMS 2009
 ** « Sauvons l’hôpital pour que demain il nous sauve», association, site internet et campagne fondés par le patient dialysé et gréffé du rein Olivier Dahan et qui soutient le Mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP) présidé par le Pr André Grimaldi.

Marie-Georges Fayn


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