A l’heure d’une hypermédiatisation de la santé, l’hôpital public se doit de communiquer plus que jamais pour exprimer ses valeurs, promouvoir son image et faire face en cas de crise. Via quelle stratégie de communication et avec quels outils ? Les réponses d’Olivier Moch, expert «social media», co-auteur de l’ouvrage collectif «Communication» aux éditions Vuibert.
Quels sont aujourd’hui les principaux enjeux de la communication hospitalière?
Plus que jamais, les hôpitaux français doivent communiquer vers leurs publics : patients, collectivités, autorités locales, fournisseurs mais aussi leur public interne et le grand public. Les Français aiment leur hôpital et ils lui font confiance. Pour conserver cette relation privilégiée, l’hôpital doit répondre à des exigences de qualité de soins, d’attractivité, d’humanisation et d’excellence de la prise en charge tout en restant performant. Plus que jamais la communication de l’hôpital a pour mission de renforcer l’image de l’institution aux yeux de ses différents publics, d’affirmer l’institution dans le paysage socio-économique territorial, de promouvoir sa recherche et ses potentiels.
Comment selon vous les CHU s’acquittent-ils de cette mission?
Les CHU français sont largement en avance dans leur communication. Parlons par exemple des réseaux sociaux et des récents classements* sur les hôpitaux les plus suivis. Dans le top 10 sur Twitter et sur Facebook, il y a neufs hôpitaux universitaires. Ce n’est pas un hasard, c’est le fruit d’un réel travail de fond de la part de leur service de Communication. Un travail qu’il faut saluer et qui inspire tous les hôpitaux. Pour un hôpital, le social media est un canal de communication important, facilement accessible mais exigeant. S’assurer d’une visibilité optimale et efficace est une tâche chronophage et quotidienne qui s’ajoute bien souvent aux autres missions de la communication.
La relation soignant/soigné a dans ce contexte profondément évolué. Comment la communication hospitalière intègre-t-elle cette donnée?
Le patient est un individu de plus en plus connecté et informé. Les outils de vulgarisation médicale en ligne le concernent de très près. L’intérêt pour sa santé et cette facilité à s’informer le conduisent à participer de plus en plus au processus de soins. Une réelle autonomisation – certains parlent d’empowerment – du patient s’est développée, liée en grande partie aux développements numériques et aux partages de connaissances. Désormais, on consomme la santé comme n’importe quel autre bien ou service. En comparant, en se renseignant, en s’informant. Les réseaux sociaux sont un ‘’naturel’’ à la fois pour poser ses questions, relater son expérience et pour se retrouver en communautés partageant les mêmes préoccupations .
Pour l’hôpital, les réseaux sociaux représentent un outil exceptionnel de communication vers les publics. Ce sont des «owned-media» sur lesquels l’hôpital à totalement la main, tant sur les contenus diffusés que sur la fréquence ou les moments de communication. En outre, les réseaux sociaux offrent une véritable plateforme de communication transversale. Bien utilisé, Facebook –le plus populaire de tous– est un outil fabuleux pour la promotion de l’hôpital mais aussi pour dialoguer avec les groupes cibles : patients, associations de patients, partenaires, grand public (qui représente une masse de patients potentiels)…
Facebook, par exemple, a implémenté depuis plusieurs mois une fonction qui permet de solliciter des recommandations. On s’aperçoit que de plus en plus de socionautes utilisent cette possibilité pour des recommandations liées aux soins… Une présence active de l’hôpital est attendue sur ces plateformes médiatiques qui, gérées dans une dynamique quotidienne, offrent une véritable « vitrine » de ses expertises, de ses atouts, de ses particularités et créent une nouvelle proximité entre patients et institution.
Quels devraient-être dans ce paysage les nouveaux leviers de la communication hospitalière?
Il faut tenir compte d’une réalité: d’ici 2020 les natifs numériques représenteront 60% de la population avec leurs comportements liés aux technologies. L’hôpital est un lieu d’innovation technologique par excellence et le patient est de plus en plus connecté, en permanence grâce à son smartphone. Il faut donc multiplier les opportunités de rencontres, d’interactions.
Aujourd’hui, être présent sur les médias sociaux ne consiste pas seulement à publier une information mais bien à fédérer des publics, susciter de l’engagement, créer de la visibilité et faire des membres de la communauté des ambassadeurs de l’institution. Avec à la clé un retour important en termes de visibilité et de positionnement de l’hôpital.
Le social media est en passe de devenir LE levier de la communication hospitalière actuelle, il comprend les réseaux sociaux mais aussi des plateformes de diffusion de vidéos comme YouTube ou encore des blogs qui permettent de diffuser de l’information à forte valeur ajoutée notamment en matière de prévention ou d’éducation.
Enfin, un autre outil de communication est en train de s’imposer : l’application mobile. 86% du temps passé sur un téléphone mobile le sont sur des applications. Selon Annie App, spécialiste de l’analyse des données mobiles, chaque Français utilise 30 applications sur son smartphone, chaque mois (chiffre de 2017). Pour ses opérations bancaires, pour des horaires de transports en commun, pour jouer, pour mesurer ses performances sportives, mais aussi pour sa santé… On dénombre pas moins de 250.000 applis santé dans le monde*. Il y a là un vaste champ de possibilités pour les institutions de soins.
Vous mentionnez le CHU de Toulouse comme un pionnier de la communication hospitalière «mobile» avec le lancement en 2014 d’une application pour smartphone ? En quoi cette initiative a-t-elle été emblématique?
Les CHU de Toulouse, le CHR de Valenciennes ou Nantes, sont de vraies références. Dés 2014 Toulouse a réalisé l’importance de la communication mobile avec leurs patients et leurs publics à travers les TIC. Le geste d’interroger son téléphone intelligent est devenu banal y compris pour se rendre à l’hôpital, pour trouver des informations ou pour prendre un rendez-vous. En proposant une mine d’informations pratiques accessibles via son smartphone, le CHU de Toulouse devançait une tendance qui se met désormais en place. Depuis les applis se sont multipliées dans les CHU en voici quelques exemples (NDLR)
L’appli de première nécessité à Toulouse
Guia : l’appli qui guide les patients au CHU de Saint-Etienne
Trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité : une appli d’aide aux devoirs à Nantes
Diabète : « Mon Glucocompteur » l’appli qui calcule ma dose à Toulouse
Une appli sport pour ado et jeunes adultes atteints d’un cancer à Grenoble
24h dans la peau d’une personne atteinte d’une maladie de Crohn à Nice
Propos recueillis par Betty Mamane
A lire pour en savoir plus : Communication: L’ouvrage de toutes les communications, Thierry Libaert – Editions Vuibert, mai 2018
* édités par le CHR de Valenciennes
**rapport annuel de Berlin-based consultancy Research2Guidance (R2G)2018
Première greffe française de larynx : récit d’une performance lyonnaise
Pour la première fois en France, un larynx a été greffé sur une femme les 2 et 3 septembre dernier. Deux mois et demi après cette opération spectaculaire qui a mobilisé douze chirurgiens issus des Hospices Civils de Lyon et autres CHU français durant vingt-sept heures, le CHU lyonnais communique sur le sujet. Quant à la patiente âgée de 49 ans, elle pourrait retrouver durablement l’usage de la parole vingt ans après l’avoir perdue.