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Fierté d’appartenir au service public hospitalier – Besoin de stabilité et de reconnaissance

Chargés d’apprécier l’état d’esprit des hospitaliers après le passage de la loi "Hôpital, patients, santé, territoire"* Frédéric Boiron, président de l'association des directeurs d'hôpitaux et directeur général du CHU de Saint-Etienne et le Dr Francis Fellinger, président de la Conférence des présidents de CME de Centres hospitaliers, coordonnant une équipe comportant 7 autres hospitaliers, ont remis leur rapport au Ministre de la Santé, le 18 avril 2012.

Chargés d’apprécier l’état d’esprit des hospitaliers après le passage de la loi "Hôpital, patients, santé, territoire"* Frédéric Boiron, président de l’association des directeurs d’hôpitaux et directeur général du CHU de Saint-Etienne et le Dr Francis Fellinger, président de la Conférence des présidents de CME de Centres hospitaliers, coordonnant une équipe comportant 7 autres hospitaliers, ont remis leur rapport au Ministre de la Santé, le 18 avril 2012.

Entre fierté d’appartenir à un « pivot majeur » d’un système de santé dont la qualité est reconnue au-delà des frontières et la difficulté de remplir une mission sans cesse revue et redéfinie par des textes parfois contradictoires, les hospitaliers expriment leur profond attachement à l’hôpital public, leur capacité d’adaptation, et aussi leurs déceptions face à un système où ils peinent parfois à trouver leurs marques. Retour sur une des plus importantes visites de terrain réalisée sur 47 sites hospitaliers par Frédéric Boiron…

Réseau CHU : Cette mission vous a conduit dans 24 régions où vous avez pu échanger avec plusieurs milliers de professionnels exerçant dans  27 CHR et CHU et 20 CH. Quelles impressions ramenez-vous de ce tour de France qui a duré une dizaine de mois, de juin 2011 à avril 2012 ?
Frédéric Boiron Que les réalisations de l’hôpital public gagnent à être connues et reconnues. Les membres de la mission ont rencontré plus de 2000 professionnels qui dessinent le visage d’un hôpital public actif et en mouvement, qui fait face aux défis de son époque. Malgré une organisation compliquée et des délais de prévenance parfois très courts, nous avons reçu un accueil chaleureux et constructif de la part des responsables médicaux, des directeurs, des cadres hospitaliers. Certains ont pu se montrer sceptiques quant à l’utilité de cette mission à ce moment-là du calendrier, mais le constat qui s’impose est que la parole hospitalière avait besoin d’un espace de dialogue à la fois libre, décloisonné, et hors cadre hiérarchique.
Pour résumer, les acteurs rencontrés font la preuve d’une gouvernance interne opérationnelle et globalement consensuelle, d’une acculturation très nette à la coopération territoriale, mais aussi d’une grande disparité dans leurs relations avec les ARS, parfois au détriment de l’autonomie de gestion. Et un leitmotiv unanime : faire une pause dans les réformes !
Dans votre rapport, il est question de valeurs fortes partagées par la communauté hospitalière et sous-tendues par la notion de « service public hospitalier » – à laquelle les français demeurent aussi très attachés. Pouvez-vous préciser quelles sont ces valeurs ? Leur effacement progressif menace-t-il l’hôpital dans ses  fondements ?
FB Tout le monde regrette, et les membres de la Mission aussi, que la notion de service public hospitalier ait disparu de la Loi : les mots ont du sens pour les professionnels de santé. Leur attachement profond à ce système n’a pas été démenti lors de nos rencontres avec eux. Il est cohérent que « les missions de service public » puissent, en fonction des situations de carences observées, être dévolues à d’autres acteurs, le secteur ESPIC ou, éventuellement, le secteur privé à but lucratif. Pour autant, ce n’est pas céder à l’hospitalocentrisme que de considérer que l’hôpital public constitue le centre de gravité de notre système sanitaire, qu’il est animé par des principes d’égalité d’accès et de continuité des soins, d’excellence mais aussi d’accueil sans condition de ressources, caractéristiques qui lui confèrent un rôle social sans comparaison avec aucun autre secteur.
Au vu des entretiens dans les régions, nous ne croyons pas que ces valeurs soient surannées. Elles n’empêchent pas le service public hospitalier de se moderniser et de s’adapter, bien au contraire. Les progrès accomplis au cours des dernières années, non seulement sur le plan des capacités médicales et techniques, mais aussi en matière de performance organisationnelle et médico-économique, démontrent la réactivité de nos organisations.
Mais dans le contexte économique et financier difficile que nous connaissons, il n’est pas vain de pouvoir s’appuyer sur des valeurs qui rappellent notre mission essentielle, celle de l’intérêt général. C’est une source de motivation et d’engagement majeurs pour les professionnels que nous avons rencontrés. C’est aussi pour cela notamment que nous avions choisi de dénommer la Mission « Hôpital public » : non pas parce que ces valeurs s’effacent mais au contraire parce qu’elles sont modernes et méritent d’être mieux promues.
A la lecture du document, il semblerait que la dernière chose dont les hospitaliers aient besoin soit une nouvelle réforme ; Est-ce un message au futur Président de la République ?
FB La cadence et l’ampleur des réformes engagées à l’hôpital ces 10 dernières années, en termes de gouvernance, de financement, d’organisation interne, de coopération, sont considérables. Ces réformes ont apporté des progrès mais ont aussi considérablement alourdi les process internes des établissements : le temps passé à conduire le changement et à appliquer les réformes ne doit pas entamer celui dévolu à la bonne gestion d’un hôpital, dont les contingences réglementaires et juridiques, pour ne citer qu’elles, sont déjà bien trop chronophages. Nous avons nettement constaté, sur le terrain, un essoufflement et parfois une perte de sens pour des professionnels dont la bonne volonté reste manifeste.
Par ailleurs, la Mission Hôpital Public est composée de professionnels qui s’adressent à d’autres professionnels : il n’y a donc pas d’agenda politique dans cette initiative, pas de message de nature politique, sans quoi la crédibilité de la démarche aurait été nulle. C’est bien ainsi que les choses ont été engagées avec le Ministre lors du lancement de la Mission. Il a d’ailleurs salué l’objectivité de notre démarche et du contenu du rapport de mission. Nous tenions à remettre un tableau fidèle aux propos entendus dans les régions. C’est aussi le respect que nous devons aux très nombreux hospitaliers qui nous ont reçus.
Les contempteurs de l’Hôpital et de sa prétendue mauvaise gestion sont légion – certains ont parfois l’oreille des pouvoirs publics, d’autres « font l’opinion », quelques-uns font de la mauvaise polémique pour servir d’autres intérêts. Ce n’était pas notre mission que d’aller sur ce terrain-là et nous l’avons rappelé à chaque ouverture de séance.
Naturellement, la période électorale est susceptible de renforcer l’écho de nos conclusions et c’est une bonne chose dans un pays démocratique. Pour nous, le besoin de stabilité des établissements publics de santé est une nécessité impérieuse qui doit être connue de nos concitoyens, des experts, et bien entendu également des élus et des gouvernants.
Vous dressez un bilan en demi-teinte de l’action des ARS. Vous pointez notamment le décalage entre leurs missions de régulation et d’impulsion alors que le cœur de leurs préoccupations se révèle essentiellement financier. Vous notez aussi un écart entre l’autonomie revendiquée par les établissements et le mode d’intervention des ARS qualifié d’intrusif et d’administratif. Quelles préconisations suggérez-vous pour rendre les relations ARS – Hôpitaux plus efficientes ?
FB Force est de constater au gré de nos visites que les relations entre établissements et ARS sont encore disparates, il n’y a pas de règle unique sur l’ensemble du territoire. Les choses semblent avoir tendance à s’apaiser, au-delà du caractère personne-dépendant de certaines situations de crise, réelles mais localisées. Pour le fonctionnement général, il apparaît que les agences, qui n’en sont toutefois qu’à leur deuxième année d’installation, n’ont pas toujours su échapper au risque de la technostructure et du centralisme. Soumises à des injonctions très fortes, à des pressions financières que chacun peut comprendre mais dont les effets sont parfois difficiles à accepter sur le terrain, les agences devraient maintenant faire évoluer leur management vers une culture de la co-opération, de la concertation avec les établissements.
Les ARH étaient de petites structures de proximité ; aujourd’hui les ARS, qui répondent à un besoin manifeste de pilotage régional et cohérent de l’offre de soins, ont absorbé différentes structures et il n’est pas toujours facile d’identifier le bon interlocuteur. Elles font face à des pressions financières considérables, aussi n’est-il pas illogique que des tensions hiérarchiques apparaissent dans certains territoires. Outre une meilleure communication régionale, cela plaide en faveur de la mise en place d’un conseil de coordination hospitalier auprès de certaines agences, permettant de mener des études d’impact, de consulter les directions et les responsables médicaux et soignants sur la mise en oeuvre des projets régionaux etc…Nous proposons également de définir en concertation entre établissements et ARS une charte relative à la mise en oeuvre des missions d’inspection, de contrôle ou de visites de conformité au sein des établissements. Une conférence annuelle locale ARS-Centres hospitaliers, en dehors des échéances réglementaires, contribuerait aussi à faciliter les relations.

Vous dénoncez aussi les contradictions entre la logique T2A qui encourage les comportements individualistes et l’inscription des établissements dans une nécessaire coopération. Comment peuvent-ils dépasser ces clivages ?

FB Notre diagnostic, c’est que la dynamique positive de la coopération peut être entravée par les effets de la T2A, qui ne tient pas compte des stratégies locales des établissements en matière d’activités et d’organisation des soins. Le découplage entre les coûts de production et les tarifs nationaux, soit par effet de seuil, soit en raison de coûts supplémentaires induits, peut pénaliser financièrement des établissements impliqués dans des partenariats territoriaux. Nous préconisons plus de transparence dans la corrélation tarifs/coûts, et une modulation de la T2A, qui pourrait être contractualisée avec les Agences,  lorsque les établissements se sont engagés dans des opérations ambitieuses et viables de coopération. La conjoncture actuelle, enfin, compromet la stabilité et la visibilité des campagnes de financement : les hôpitaux ne peuvent anticiper les crédits qui seront accordés dans le cadre des MIGAC et des MERRI.
Dans ce paysage hospitalier en pleine restructuration, quels rôles incombent désormais aux CHU en matière d’aménagement sanitaire du territoire et de développement économique des régions ?

FB Les CHU occupent incontestablement un positionnement moteur dans les territoires : la crainte d’une captation des ressources et des activités que peuvent nourrir des établissements de plus petite taille doit être conjurée par plus de coordination et la confirmation du rôle d’animateur de territoire des CHU. Les CHU doivent aussi consolider la cohérence de leur activité, en associant systématiquement la logique hospitalo-universitaire : nous le recommandons au niveau de chaque pôle et département. Prenons l’exemple de la recherche clinique, dans laquelle les CH peuvent désormais s’investir : c’est bien grâce à un partenariat construit avec le CHU de référence que les établissements peuvent obtenir des retombées en matière d’attractivité à l’échelle du territoire. Sous la coordination des CHU, une logique de répartition et de collaboration territoriale avec les CH contribue à la préservation d’une démographie médicale adéquate. C’est pourquoi avec les membres de la Mission nous soutenons la possibilité pour les CHU d’être membres des CHT.
Composition de la Mission Hôpital public
Co-pilotes : Frédéric Boiron, Directeur général du CHU de Saint-Etienne et le Dr Francis Fellinger, ex-Président de la CNPCME, Conseiller général des établissements de santé

Membres :Pr. Béatrice CRICKX (présidente de CCM à l’APHP), Nelly DELLE VERGINI (directrice des soins de CH), Christophe GAUTIER (directeur de centre hospitalier), Geneviève LEFEVRE (directrice générale adjointe de CHU), Marie-Claude LEFORT (directrice des soins de CHU), Dr. Pierre MARDEGAN (chef de pôle de centre hospitalier), Dr. Marie-Noelle PETIT (chef de pôle de centre hospitalier spécialisé).
La mission a organisé son travail et son calendrier lors d’un séminaire en juillet 2011, associant le Cabinet du Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, la DGOS, et l’ANAP. Elle a reçu l’appui logistique de l’ANAP, du Ministère, des ARS et des relais régionaux de la FHF, de la CNPCME et de l’ADH.

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