Apanage des CHU, la recherche clinique, faite au lit du malade, constitue un des axes stratégiques de la politique de santé. Son financement est assuré par des crédits de l’assurance maladie à hauteur de 900 millions d’euros par an ce qui lui garantit une indépendance et une impartialité enviées par les autres pays. Stimulée par un dispositif d’accompagnement et confortée par l’excellence des équipes hospitalo-universitaires, la recherche biomédicale française se classe tout à fait honorablement : en 3ème position en Europe* et en 6ème position dans le monde. Cette exception française a d’ailleurs été saluée dans un récent article du Lancet signé par les Pr Volker Wenzel et Karl H. Lindner qui reconnaissent qu’en France, « le programme de soutien du gouvernement est un modèle qui permet le développement d’une importante recherche médicale non commerciale. »**. Les financements publics sont notifiés dans le cadre des missions d’enseignement, de recherche, de recours et d’innovations (MERRI) qui relèvent des missions d’intérêt général des établissements. Au sein de la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS), il existe un service chargé de l’observation, de la prospective et de la recherche clinique (OPRC). A sa tête, le Dr Jean-Pierre Duffet assure le recensement, la gestion, le suivi et l’appui des programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC) et des programmes de Soutien aux Techniques Innovantes Coûteuses (STIC). Le Dr Jean-Pierre Duffet a accepté de répondre aux questions de RESEAU CHU.
Que représente la part publique dans le montant de la recherche biomédicale ?
>Dr Jean-Pierre Duffet : Gages d’indépendance de la recherche, les financements publics sont très difficiles à chiffrer avec précision. Sur les 2 milliards d’euros de financements MERRI***, la part consacrées à la recherche biomédicale en crédits d’assurance maladie est évaluée autour de 900 millions d’euros. Sur cette somme, 100 millions d’euros (part variable) sont dédiés au financement des programmes PHRC et STIC, des programmes de recherche translationnelle en partenariat avec l’Inserm, ainsi qu’aux soutiens structurels aux DRCI (Délégation à la Recherche Clinique et à l’Innovation) et DIRC (Délégation Interrégionales à la Recherche Clinique), au fonctionnement des CIC (Centre d’Investigation Clinique).
Dans les autres pays, il est important de préciser que contrairement aux idées reçues, même aux USA les crédits publics (militaires souvent) représentent plus de 50% des crédits de recherche en sciences de la vie.
Les parts modulables et variables des missions d’enseignement, de recherche, de recours et d’innovations (MERRI) ont-elles évolué depuis 2000 ?
>Dr J-P Duffet : C’est la philosophie même des MERRI : les parts modulable (modulée par des indicateurs) et variables (appels à projets PHRC et STIC) sont appelées à augmenter progressivement et proportionnellement, au détriment de la part fixe. Les soutiens à la recherche passent aussi par le financement des structures d’encadrement ou des mesures d’accompagnement ciblées déterminés par les priorités de santé publique : plan Alzheimer, lutte contre obésité, prise en charge des AVC…
Quelles innovations emblématiques ont bénéficié du soutien des PHRC et les PSTIC ?
>Dr J-P Duffet : Entre 2000 et 2009, 4 851 projets du PHRC ont été déposés dans l’appel à projets national et 1 377 financés pour un montant total de 495 millions d’euros. 116 projets du programme STIC ont fait collaborer 1 960 équipes pour un montant annuel de 15 millions d’euros. Beaucoup d’innovations sont issues de la validation scientifique des recherches du PHRC. Certains des projets PHRC ou STIC ont été primés aux victoires de la médecine : les bébés bulles, les prothèses valvulaires aortiques percutanées, la stimulation cérébrale profonde dans le Parkinson, dans la dystonie de l’enfant et de l’adulte, l’implantation de coeurs artificiels avec retour au domicile.
Quels retours sur investissements attendez-vous ?
>Dr J-P DuffetIndépendamment de l’élévation du niveau des publications dans des : revues internationales à comité de lecture, ce dispositif contribue à améliorer les connaissances médicales et l’état de santé des populations, la qualité et de la sécurité des soins. Ces avancées alimentent également l’industrie française en Recherche et Développement.
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*Derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne
** The government support program in France for such studies is a role model which enables important non commercial medical research… » (Best pharmacological practice in prehospital intubation – Wenzel V, Lindner KH – Lancet. 2009 Jul 25;374(9686):293-300)
*** Le financement des missions d’enseignement, de recherche, de recours et d’innovations (MERRI) comprend 3 parties : un socle fixe, une part modulable et une part variable.
Le socle fixe garantit aux établissements les ressources nécessaires pour développer leurs missions de recherche, enseignement, référence et innovation. Il couvre les surcoûts de temps médical hospitalier affectés aux missions de recherche et d’enseignement ainsi que le recours plus fréquent au plateau technique dans le cadre de la recherche biomédicale.
La part modulable des MERRI – part la plus importante – est basée sur des indicateurs de moyens ou de résultats. En matière de recherche, l’évaluation s’appuie sur les publications (SIGAPS), les essais cliniques (SIGREC), valorisation (dépôts de brevets), étudiants.
La part variable des MERRI recouvre des crédits dédiés à certaines activités, qui sont soit labellisées comme les centres de référence pour maladies rares, soit mises en place contractuellement comme les centres d’investigation clinique, soit faisant directement l’objet d’appels à projets.