Entretien avec Valéria Milewski, biographe hospitalière qui animera la conférence "La biographie hospitalière fleurit en Normandie" le vendredi 22 mars, à 19h, amphithéâtre Œuf du Bâtiment Sud du CHU de Caen Normandie*.
Comment définiriez-vous la biographie hospitalière ?
Comme un accompagnement de personnes gravement malades prises en charge par une équipe soignante à l’hôpital ou à domicile. Ces personnes font récit de leur vie, de manière confidentielle et gratuite, à un biographe hospitalier, membre à part entière de l’équipe soignante. Ensuite, un à trois exemplaires offerts sont remis à la personne elle-même ou à des proches qu’elle désigne. Le livre peut aussi contenir des photos, des dessins, des poèmes, une trace manuscrite…. A la fin, nous insérons vingt pages blanches pour permettre à l’histoire de se poursuivre. Chaque livre est exceptionnel de par son contenu et son contenant, il est en effet relié par un artisan d’art.
Quel bénéfice en retirent les patients ?
Leur première intention peut être de laisser une trace. La notion de bilan, qui sous-tend souvent la volonté de se lancer dans cette aventure, est également importante. Ensuite les motivations varient. Pour certains, il s’agit avant tout de transmettre un art de vivre ou un métier. D’autres souhaitent prioritairement dire des choses à leur famille. Je pense par exemple à une jeune maman qui ne verra pas grandir son enfant et qui a envie que plus tard, il puisse mieux la connaitre. La vraie mort, c’est l’oubli. Le livre rend ces patients éternels, comme ils me le rappellent souvent.
Respectez-vous scrupuleusement le phrasé des patients ou vous autorisez-vous une forme de créativité et d’enrichissement des écrits ?
S’il est plus facile d’écrire sa propre musique que de se glisser dans les « chaussons » d’un autre, nous veillons à ce que les retranscriptions soient très fidèles. Lorsque le destinataire d’un ouvrage le découvre, il doit retrouver son proche avec son niveau de vocabulaire, sa syntaxe, ses expressions et même ses silences. Le biographe hospitalier doit s’effacer complètement. D’ailleurs, nos noms ne figurent jamais dans les livres.
Combien d’entretiens sont nécessaires à la réalisation d’un livre ?
C’est extrêmement variable. La moyenne est de sept ou huit entretiens d’une heure. Bien évidemment, le temps peut être plus court en cas de fatigabilité de la personne biographée. Et puis parfois cette personne décède après seulement un ou deux échanges….
Que se passe-t-il dans ce cas ?
Je remets le livre car qui suis-je pour prétendre qu’une heure d’entretien a moins de valeur que cinq ou six ?
Quels messages pourriez-vous adresser à des directeurs d’établissement qui n’ont pas encore mis en place ce type d’initiative ?
La présence de biographes hospitaliers met l’établissement en lumière. Elle illustre un engagement fort pour une médecine humaniste. Le patient a une fin de vie plus apaisée, moins médicalisée et donc aussi moins coûteuse et le deuil des proches est aussi moins traumatique. Les médecins considèrent la biographie hospitalière comme un soin. Au-delà de mon activité de formatrice, je réfléchis à la création d’un Diplôme universitaire et je prépare également une thèse sur le sujet. Toutes ces démarches visent à faire reconnaitre la biographie hospitalière comme un soin de support.
Quels sont les prérequis pour devenir biographe hospitalier ?
Il y en a deux : avoir déjà écrit des biographies et être soignant ou bénévole accompagnant. Je reçois près de 300 candidatures par an et je ne retiens qu’une dizaine de personnes en fonction de ces deux critères car ni l’écriture d’une biographie, ni l’accompagnement ne s’improvisent. Ensuite, il faut faire preuve de certaines qualités comme la simplicité, l’humilité, l’écoute, la bienveillance et la capacité de travailler en équipe. Nous avons également une charte éthique à respecter.
* L’entrée est libre et gratuite.
Propos recueillis par Hélène Delmotte.