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L’art contre l’oubli

En juillet, Delphine et Emilie, la trentaine, ont pris leur quartier d’été "au Parc" à Metz-Borny (57). Une villégiature ? Non une résidence d’artiste en Établissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes EHPAD où la moyenne d’âge est de 70 ans. Là, elles rencontrent 12 habitants du lieu et nouent avec chacun d'eux une histoire particulière lors des visites quotidiennes qu’elles leur rendent. Convoquant leur sensibilité, elles leur proposent de choisir des petits objets...

En juillet, Delphine et Emilie, la trentaine, ont pris leur quartier d’été "au Parc" à Metz-Borny (57). Une villégiature ? Non une résidence d’artiste en Établissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes EHPAD du CHR de Metz-Thionville où la moyenne d’âge est de 70 ans. Là, elles rencontrent 12 habitants du lieu et nouent avec chacun d’eux une histoire particulière lors des visites quotidiennes qu’elles leur rendent. Convoquant leur sensibilité, elles leur proposent de choisir des petits objets, photographies, tissus, couleurs, sélectionnés pour leur potentiel évocateur de souvenirs et leur effet déclencheur d’implication potentielle. Chaque matière est présentée sous forme de série afin que le résident puisse choisir celle qui le touche particulièrement. Les réactions, si infimes soient-elles, sont observées avec soin.
De  ces échanges naît une collection-évocation du passé que les résidents enrichissent au fur et à mesure. Ces petites parcelles d’histoire qui ont refait surface par le miracle de la réminiscence sont soigneusement rangées dans un écrin ; précieux coffret où les objets côtoient les notes, les enregistrements audio et les images.

Ce qui frappe dans cette initiative ce n’est ni l’originalité du thème "la petite mémoire" qui caractérise « la mémoire affective, un savoir quotidien […] Cette petite mémoire qui forme (…) notre singularité est extrêmement fragile et elle disparait avec la mort *».  Ce n’est pas non plus la production finale pourtant superbe, la réalisation d’un ouvrage en couleurs tiré en 200 exemplaires et distribué aux résidents, familles et personnels…. Ce que l’on retient surtout de cette initiative, c’est l’attention qui a été nécessaire pour qu’adviennent les textes et les compositions. On imagine le temps passé à expliquer ce projet présenté comme un temps de récréation dans la routine d’un long séjour en EPHAD. On pense aux arguments avancés pour amener la personne âgée à prendre part à l’exercice des mythologies individuelles, ces portraits imaginaires composés à partir de fragments de vie. On voit presque le résident se piquer au jeu, s’amuser à rassembler les infimes indices et les ranger dans leur cachette comme autant de trésors revenus de l’enfance. « Instantanés de rencontres estivales, c’est dans la relation que nous avons composé l’objet final qu’est le livre » se souvient Emilie Salquèbre.
Cette démarche qui se veut artistique est avant tout empreinte de bientraitance et de passion. Bientraitance intergénérationnelle quand une jeune improvisatrice se rend disponible pour des personnes âgées. Passion communicative qui a permis à la création de prendre racine dans une maison de retraite.
 
Avec le recul, les bienfaits du travail artistique ont été ressentis par les résidents comme par les soignants. Les discussions ont sollicité la mémoire des personnes, mémoire parfois en suspens. "Désorientés ou prisonniers de leur corps défaillants, les résidents ont montré qu’ils étaient toujours sensibles au présent. Des liens "différents" ont pu être tissés avec les professionnels, les familles, les proches. On ne voyait plus une personne âgée mais une histoire et des témoignages de vie d’exception. L’image même de la vieillesse a été revisitée à l’aune de la co-création artistique la beauté "elle est devenue une transmission vivante, vibrante, un morceau de patrimoine intergénérationnel". explique Nora Celeski, Chargée Culturelle
 
« Sensibles aux choses, infimes, intimes, qui font l’essence même d’une vie, Delphine et Emilie ont pris le temps d’écouter ce que de vielles mains leur ont confié. Elles ont peint des couleurs sur des photo sépia et saisit des regards qui en disait longs. Au travers des rencontres bien vaillantes, elles ont su réveiller doucement des petites mémoires endormies. Ces trop-pleins d’humanité qui jouent à cache-cache mais qui ne demandent qu’à éclore pour bouger au présent. La perception de l’artiste singulière, décalée, nous rappelle une évidence trop souvent mal menée. Celle qui veut que la vieillesse l’ultime étape de la vie, soit aussi encore, un temps de vie. Un temps à vivre en toute dignité, ou le plaisir, le rêve, l’émotion, l’envie de faire et de partager son toujours de mise. Menée avec tact, intelligence et tallant auprès de résidents avec la complicité des familles et du personnel, leur démarche fait ainsi écho à l’ambition de l’EHPAD d’être avant tout un authentique lieu de vie pour les personnes accueillies. Le temps si particulier de la création artistique, en dehors de contraintes du quotidien, est peut être le plus a même à souligner cette ambition. Qui plus est, ici, d’une si belle manière. Un grand merci. » Véronique Berger, Cadre de Santé EHPAD Le Parc
 
« La culture est une source de stimulation intellectuelle, un support d’échanges avec autrui (collègues, patients, résidents, citoyen, etc.), qui illustre ainsi les liens d’humanité entre les personnes les équipes et les artistes. Elle contribue par sa dynamique de projet, et sa capacité à susciter des questions et de l’intérêt à souder les équipes, et à renforcer le sentiment d’appartenance à la communauté hospitalière, à l’identité commune. Elle est proposée au résident dans l’idée que tout citoyen doit disposer d’un libre accès à l’Art et à la Culture. » Nora Céleski
 
 
En savoir plus sur les artistes  investis dans la promotion de l’accessibilité de l’art
 

Delphine Berthod est improvisatrice vocale et graphiste autant qu’artiste. Entre théâtre, musique et arts graphiques, le parcours de Delphine Berthod a toujours vu le sens, le son & l’image des mots se côtoyer, s’embrasser ou se battre, se désavouer, se conquérir. Au fil des expériences, des rencontres une voix/e se dessine, faite des entrelacs de corps de chair, corps de mots, corps de chants. Et l’on retrouve  toujours cette urgence : entretenir l’instinct, l’énergie brute, cette forme de transe faite des accumulations de matières sonores & picturales qui cheminent en elle. Elle est à l’initiative du projet Petites Mémoires et est coordinatrice de "L’Atelier des Traverses", association qu’elle a impulsé en 2010
 
Emilie Salquèbre, photographe indépendante, développe des échanges multiples avec d’autres artistes, chorégraphes, musiciens, performeurs et intervient au sein de différentes structures afin d’enseigner la photographie.
Son travail prend la forme d’installations vidéos, d’éditions, d’expositions photographiques où se proposent des fictions dont la narration semble rester voilée. Trou & tas sont des éléments récurrents d’une poétique de l’espace qu’elle tend à mettre en jeu, l’important étant ce qu’il se passe dans l’entre-deux, la relation du visible au non visible. L’étrange, l’absurde & la fragilité du monde perceptible sont conviés au sein de ses mises en scène.
 
Renseignements pratiques
La résidence d’artiste s’est déroulée du 1er au 26 juillet 2013 à Metz-Borny (57) au sein de l’Établissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes EHPAD «Le Parc», auprès de 12 résidents.  Elle a bénéficié de l’accompagnement et du soutien de l’ensemble des professionnels travaillant au sein de l’EHPAD et des familles des participants. La réalisation de l‘ouvrage, édité fin 2014 a reçu le soutien financier du Conseil régional de Lorrain. L’impression des ouvrages a été assurée par le service reprographie du CHR Metz Thionville.

Date de l’intervention :
juillet 2013
Coût de l’initiative
: résidence d’artistes 13 000 €
Edition d’ouvrage : reprographie CHR Metz-Thionville
 
*Source Christian Boltanski. Petite mémoire de l’oubli – Edition Gaëlle Périot-Bled

Cette intervention artistique a été sélectionnée dans le cadre de l’opération Fenêtre sur l’art

Une fois par mois, RESEAU CHU ouvre une fenêtre sur une initiative artistique en territoire de santé. Chacune témoigne de l’impact positif des projets culturels dans les soins apportés aux personnes en souffrance/usagers/patients. Ces fenêtres éclairent la notion partagée et citoyenne du "prendre soin" menée par les établissements de santé. 
Fenêtre sur l’Art est le fruit d’un partenariat culturel 2015-2016 conclu entre Réseau CHU et la Commission culture des CHU et CHS présidée par Yann Bubien, directeur général du CHU d’Angers.
Pour retenir 12 projets parmi les 37 reçus de 21 établissements en réponse à l’appel à candidatures envoyé le 10 octobre 2014, un jury s’est réuni le 10 janvier 2015 et a établi une sélection rigoureuse en fonction des critères suivants :
 
– Le professionnalisme des intervenants artistiques et culturels
– la notion partenariale des projets
– la contextualisation des actions culturelles
– la dimension innovante des projets
 
Le jury présidé par Yann Bubien était composé de 
– Marie-Georges Fayn, éditrice de Réseau CHU
– Xavier Collal, chargé de mission du programme culture-santé, ministère de la santé et des affaires sociales
– Gilbert Labelle, chargé de mission culture-santé, ministère de la culture et de la communication
 
et du groupe Communication de la Commission Culture
– Sophie Bellon-Christofol, attachée culturelle de l’APHM.
– Karine Fraysse, déléguée aux affaires culturelles du CHRU de Lille;
– Maud Piontek, responsable de la culture et de la communication à l’EPSM de l’agglomération lilloise
– Céline Le Nay, directrice déléguée aux affaires générales du CHU d’Angers
– Delphine Belet, attachée culturelle du CHU d’Angers
– Denis Lucas, attaché culturel du CHU-Hôpitaux de Rouen

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