L’éducation thérapeutique, aussi l’affaire des proches

En s’attaquant aux articulations, les rhumatismes inflammatoires déclenchent des douleurs aigues allant jusqu’à condamner les personnes à une immobilisation partielle voire totale, bouleversant leur équilibre familial et professionnel. Mais, concentrée sur l’organe malade, la médecine oublie souvent de considérer les conséquences des pathologies sur la vie quotidienne. Aujourd’hui, l’éducation thérapeutique intègre cet aspect primordial aux yeux du patient. Au CHR de Metz-Thionville, l’équipe de rhumatologie va encore plus loin. Depuis 2008, sous la houlette du Dr Didier Poivret

En s’attaquant aux articulations, les rhumatismes inflammatoires déclenchent des douleurs aigues allant jusqu’à condamner les personnes à une immobilisation partielle voire totale, bouleversant leur équilibre familial et professionnel. Mais, concentrée sur l’organe malade, la médecine oublie souvent de considérer les conséquences des pathologies sur la vie quotidienne. Aujourd’hui, l’éducation thérapeutique intègre cet aspect primordial aux yeux du patient. Durant les sessions, les soignants attentifs au vécu du malade, apprennent à saisir son point de vue et l’accompagnent dans la définition de la meilleure conduite à tenir en fonction de son projet de vie. En contrepartie, le patient accepte de ne plus sous-traiter entièrement les soins et d’en assurer au moins une partie, prix de son autonomie. Au CHR de Metz-Thionville, l’équipe de rhumatologie va encore plus loin.
Depuis 2008, sous la houlette du Dr Didier Poivret, les sessions d’éducation thérapeutique sont ouvertes aux proches du patient : « Nous sommes convaincus qu’un malade capable d’expliquer sa maladie à son entourage est un patient qui sort de sa solitude et renforce ses défenses en impliquant les alliés naturels que sont ses proches. En suivant nos sessions, le ou la conjoint(e) comprend mieux l’épreuve que travers son compagnon et il saura l’aider à gérer de manière éclairée les différents épisodes de sa maladie. »
 
Souvent une incompréhension dans le couple
Les rhumatismes inflammatoires déformants touchent des patients jeunes. Avec la survenue de la maladie, des gestes aussi simples qu’ouvrir un bocal, encore possibles hier ne le sont plus aujourd’hui mais le seront peut-être à nouveau dans trois mois. L’évolution parfois  cyclique de la maladie impose aux proches une capacité d’adaptation permanente. Réalité perturbante car elle suppose un rééquilibrage constant selon l’état du malade. Cet ajustement est loin d’être facile et des tensions naissent au sein du couple. « Or, l’expérience nous montre que quand le proche ne va pas bien, cela joue aussi sur le moral du patient et sur sa résistance à la maladie » constate le Dr Poivret. Le couple est donc un paramètre important de la qualité de vie du patient.
 
Et puis il faut aussi entendre le non dit du proche qui n’ose pas exprimer ses inquiétudes. « Sera-t-il ou sera-t-elle en chaise roulante un jour ?», « Pourrais-je assumer cette situation ? », « Comment notre couple finira-t-il ? ». L’équipe du Dr Poivret estime qu’elle doit aussi être à l’écoute de ces interrogations cruciales : rassurer d’une part car les patients atteints de rhumatismes inflammatoires ne se retrouvent pas en fauteuil, mais aussi leur faire comprendre l’intensité des douleurs, si fortes qu’elles empêchent de dormir. L’arthrite n’est pas l’arthrose. « Souvent, les gens ne s’imaginent pas la violence des souffrances. Quand nous l’expliquons et que les proches prennent le temps de discuter entre eux et de comparer leurs situations, souvent leur émotion et aussi la nôtre se fait  intense  car nous levons le voile de l’incompréhension qui s’était installée entre eux.» analyse le spécialiste.

L’enseignement porte aussi sur les précautions à prendre, draconiennes dans certains cas.
Donc mieux vaut être à plusieurs pour les respecter  : par exemple, une fièvre de 40° doit être traitée de manière urgente sinon le patient court un risque infectieux considérable. Il faut aussi apprendre le mode d’emploi des biothérapies qui représentent un progrès thérapeutique majeur  à tel point que les malades nous disent qu’ils revivent grâce à elles  –  mais pour qu’elles soient efficaces encore faut-il respecter les consignes de base –par exemple toujours les garder au frigo. Durant les sessions d’éducation thérapeutique, il nous arrive aussi de combattre certains tabous « Non les biothérapies ne sont pas cancérigènes » …
 
« Quand je parle à un médecin il m’entend. Quand je parle à un malade il me comprend » remarque une patiente.

L’autre aspect positif des séances d’éducation thérapeutique collective est la qualité des échanges entre malades et proches. Les participants viennent avec leur vécu, avec les stratégies qu’ils ont déployées pour vivre au mieux avec la maladie et qui sont autant de « savoir-faire » à transmettre aux autres.
L’équipe du Dr Poivret est désormais rompue à la dynamique de ces groupes. Avec amusement, le rhumatologue reconnaît qu’une fois ses explications techniques dispensées, il n’omet jamais de demander si quelqu’un a des questions à poser. Personne n’a le courage de lever la main pour montrer son ignorance devant LE spécialiste. Aussi stratégiquement, il s’éclipse laissant l’infirmière face à l’assemblée. Et une fois la porte fermée une cinquantaine de questions fusent aussitôt. Eduquer, c’est aussi savoir quel référent fera le mieux passer le message – pas forcément le plus expert, de préférence le plus proche !
 
L’éducation thérapeutique : une démarche gratifiante en soi

Parmi les nombreuses vertus de l’éducation thérapeutique : la valorisation des personnes formées. En effet, les patients et leurs proches apprécient les moyens déployés à leur attention et notamment le fait de pouvoir échanger avec des spécialistes qui sont là pour s’occuper exclusivement d’eux, les écouter et les renseigner en prenant le temps. 
Durant les sessions, un atelier est réservé aux partenaires pour qu’ils puissent confier leur désarroi et leurs questionnements et construire ensemble de nouvelles réponses.
 
Concrètement
Le programme d’éducation thérapeutique autour des rhumatismes inflammatoires s’organise en 4 journées (de 9h00 à 17h00 avec partage d’un repas) successives , étalées sur 4 ans ou plus en fonction des besoins de chacun .
Depuis 2008, au CHR de Metz-Thionville, 275 malades se sont inscrits dans la file active dont une vingtaine  accompagnés de  leur proche. La première session porte sur " Savoir ce qui nous arrive " et aborde les mécanismes de la maladie, les traitements. Des séances très pratiques portent sur les conduites à tenir en cas d’aggravation : " Que faire lors d’une poussée douloureuse un soir de week-end ?". La deuxième session s’intitule " vivre avec sa maladie ". Nous étudions les techniques de kinésithérapie, de rééducation mais aussi la relaxation et la sophrologie. La troisième journée a pour thème " S’adapter à sa maladie" et aborde la sexualité , le tai chi, l’hygiène quotidienne. La quatrième session est dédiée à la maitrise du risque cardio vasculaire et la reprise de l’activité physique . 
 
Et demain ?
Le Dr Poivret et son équipe cherchent à développer une véritable alliance thérapeutique avec les patients, en impliquant leurs associations et tous les experts susceptibles de les aider à concevoir des programmes d’éducation thérapeutique les plus en phase possible avec les attentes et les expériences des patients. Un projet de coopération avec des spécialistes des sciences humaines (anthropologue) est en cours d’élaboration. Objectif : mieux connaître les besoins des patients et de leurs proches, être attentif aux perturbations de leur vie de couple dues à la maladie, concevoir des messages adaptés à ces situations délicates tout en respectant l’intimité de chacun. Une compréhension qui enrichira la relation de soin pour que chaque patient bénéfice des progrès thérapeutiques et pédagogiques les plus avancés.
Marie-Georges Fayn

Commentaires

Il n’y a pas encore de commentaire pour cet article.

Sur le même sujet

Première greffe française de larynx : récit d’une performance lyonnaise

Pour la première fois en France, un larynx a été greffé sur une femme les 2 et 3 septembre dernier. Deux mois et demi après cette opération spectaculaire qui a mobilisé douze chirurgiens issus des Hospices Civils de Lyon et autres CHU français durant vingt-sept heures, le CHU lyonnais communique sur le sujet. Quant à la patiente âgée de 49 ans, elle pourrait retrouver durablement l’usage de la parole vingt ans après l’avoir perdue.

Etudes de Médecine : Romuald Blancard ou l’un des visages de l’ouverture du 2e cycle à la Réunion

Depuis septembre, il fait partie de la première promotion d’étudiants en médecine de quatrième année de La Réunion. Pour Réseau CHU, Romuald Blancard a accepté de nous parler de l’ouverture du deuxième cycle des études médicales sur son île, mais pas seulement. Son parcours atypique, son stage en psychiatrie, ses rêves jamais trop grands etc. ont été abordés dans les locaux du nouveau campus bioclimatique de Sainte-Terre. Sans langue de bois.

Le CHU de La Réunion a pris la vague rose

La seizième édition de la Run Odysséa Réunion s’est tenue les 4 et 5 novembre sur le site de l’Étang-salé, dans l’ouest de la Réunion, et ce malgré une météo capricieuse qui a bien failli compromettre l’opération. 275 000 euros ont été récoltés. Un succès auquel est associé le CHU de la Réunion, partenaire pour la première fois cette année, et dont le baptême de l’eau a été placé sous le signe de la prévention. Reportage.

A Nancy, l’Infiny au service des MICI

En juin 2021, l’Agence nationale de la recherche annonçait le financement de douze nouveaux Instituts hospitalo-universitaires, montant ainsi le nombre d’IHU à dix-neuf avec l’ambition de faire de la France la première nation souveraine en matière de santé à l’échelle européenne. Sur ces douze nouveaux établissements, deux d’entre eux ont obtenu, en raison de “intérêt de santé publique majeur” qu’ils présentaient, le label “IHU émergent ».” C’est notamment le cas de l’IHU INFINY du CHRU de Nancy, officiellement lancé le 7 septembre dernier, et spécialisé dans la prise en charge des MICI.