La prise en charge psychologique des sinistrés des inondations de la Somme par la cellule d »urgence médico-psychologique du département (CUMP 80) a débuté en avril 2001, à la demande de la DDASS et du SAMU et se poursuit à ce jour. Une fois les réseaux mis en place, les infirmiers ont commencé à accompagner les pompiers chez des habitants d’Abbeville présentant une souffrance psychique extrême en rapport avec ce qu’ils vivaient.
Les inondations : une situation traumatique particulièrement angoissante
Phénomène particulier sur le plan traumatique, les inondations diffèrent des autres catastrophes par leur durée. La montée des eaux a quelque chose de stressant, de pervers, dans le sens où s’installe une angoisse permanente rendant difficile toute activité autre que la surveillance de la montée des eaux. Si on peut éteindre le feu, il est difficile d’empêcher l’eau de s’infiltrer. Ce stress permanent dans lequel les sinistrés ont vécu durant ce mois d’avril a été épuisant, sur le plan physique, mais aussi moral. Angoisses, hyperactivité parfois stérile, affects dépressifs et troubles du comportement à type d’agressivité en sont les conséquences immédiates.
Et par la suite à quoi peut on s’attendre ?
Passé cette première période d’hyperactivité, les sinistrés rentrent dans une période de résignation quelquefois de défaitisme face à l’ampleur que prend la catastrophe et à sa durée. Des sinistrés qui avaient résisté dans un premier temps aux injonctions de départ de leur logement dans les premières semaines ont dû se résigner à faire leur deuil de leur habitation. Ils ressentent alors un sentiment d’échec face aux éléments naturels.
On peut tout à fait faire le parallèle avec une situation de deuil, de perte d’un conjoint. La première période est une période d’activité liée aux résolutions de problèmes matériels, administratifs, la période qui suit est souvent celle où l’endeuillé se retrouve seul, confronté à sa solitude affective et le vide laissé par l’autre. C’est dans ce contexte que s’installent les affects dépressifs.
Le traumatisme des inondations favorise l’installation de ce que l’on nomme névrose traumatique ou état de stress post traumatique (ESPT). Ce tableau d’évolution chronique est comme l’eau qui monte, pernicieux et rongeant les fondations de l’individu. Le sommeil devient perturbé, les cauchemars en rapport au traumatisme le rendent angoissant, des troubles anxieux s’installent dans la journée et les conduites addictives (aux médicaments type benzodiazépines et à l’alcool) apparaissent dans la vie des sujets ou s’aggravent. Les états dépressifs dans cet épuisement psychique et physique, dans ce film d’horreur vécu quotidiennement deviennent le seul refuge du sujet. Mais à quel prix et avec quel risque ? Celui de vouloir mettre un terme à sa souffrance par un passage à l’acte désespéré quelquefois ?
Alors, comment peut-on aider les sinistrés des inondations ?
Il n’est pas bien sûr utile de basculer dans l’assistanat mais d’offrir à des patients potentiels une accessibilité à des soins, éventuellement spécifiques. Les notions de debriefing et d’intervention précoce sont certainement les éléments centraux de cette prise en charge à visée :
– préventive, éviter la survenue d’ESPT,
– curative, par un traitement adapté à cet afflux de stress qui noie le sujet. Et cela demande disponibilité et moyens en rapport.
Organiser la prévention de santé mentale et physique secondaire
Prises en charge en centres médico-psychologiques, groupes de parole, éventuellement visite à domicile sont les différents moyens thérapeutiques proposés et utilisés. Encore faut-il faire passer le message auprès des intéressés. A ce titre une information grand public a été réalisée. Une enquête épidémiologique est en cours. Pour la mener à bien, l’équipe du CUMP s’est rapprochée de ses collègues québécois qui ont vécu en 1996 des inondations dans la région de Saguenay.
D’après un texte du Docteur Cyrille Guillaumont – Psychiatre référent de la cellule d’urgence médico-psychologique départementale de la Somme (CUMP 80)