Les leçons de la conciliation

A l'heure où la loi du 4 mars 02 sur les droits des usagers et la qualité du système de santé conforte les missions de la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (ex commission de conciliation) (1), le Professeur Bost, chef du département de pédiatrie et nommé médecin conciliateur (2) au CHU de Grenoble depuis 2000 dresse un bilan de son activité. Dans un tiers des cas, une meilleure communication aurait évité l'intervention du médecin conciliateur.

Les interventions du médecin conciliateur

« En deux ans, j’ai été sollicité par le Directeur Général (3)sur 23 affaires analyse le Pr Bost : Pour près d’un tiers- 7-, j’ai exprimé un refus de donner suite, deux d’entre elles concernaient des plaintes déjà transmises au Conseil de l’Ordre des Médecins et à la justice ; trois plaintes relevaient de responsabilité administrative (organisation des plannings de kinésithérapie, perte de matériel) et l’une concernait une demande de réparation pour faute infirmière relevant de l’assurance de l’hôpital.

A cinq reprises, alors qu’un rendez-vous avec le médecin conciliateur avait été proposé, les plaignants n’ont pas donné suite ou refusaient de rencontre le médecin conciliateur : les plaintes concernaient trois fois les causes de décès, deux fois l’existence de séquelles post-opératoires ou post-accouchement. »

A l’origine des plaintes une incompréhension ou une absence de réponses claires

A quatre reprises la réclamation a été réglée rapidement par contact téléphonique avec le chef de service concerné ou le plaignant qui était un confrère médical : à deux reprises, il s’agissait d’une incompréhension sur les causes de décès et sur les modalités de prise en charge, à une reprise, un défaut de communication entre médecins d’établissements différents et enfin, la plainte de confrère concernait le comportement médical d’un personnel hospitalier. Les contacts téléphoniques et les réponses rapidement apportées par les chefs de service concernés ont permis de fournir tous les éléments de réponse aux interrogations des plaignants.

A sept reprises, patients ou proches ont été reçus. A quatre reprises, le motif était une erreur diagnostique ou dans la prise en charge thérapeutique, voire une véritable faute médicale, trois fois il s’agissait d’incompréhension sur les causes de décès ou de prise en charge, ainsi que le dysfonctionnement dans l’organisation du service.

Une démarche de conciliation réussie pour 8 demandes sur 11

Sur les 11 demandes examinées, le Pr. Bost estime que « la médiation a été potentiellement réussie dans 8 cas ; la démarche du patient ou des ses proches s’arrêtant après la conciliation. A trois reprises, une demande de réparation gracieuse ou juridictionnelle est en cours, dont deux paraissent tout à fait justifiées à mes yeux. »

La conciliation pour pallier les carences relationnelles
Selon le Pr Bost, le médecin conciliateur intervient quand il y a eu un échec dans la relation entre le patient, la famille ou ses proches et les équipes médicales, essentiellement par défaut de communication, souvent du fait d’un manque d’organisation de l’écoute du patient : disponibilité, temps consacré, lieu où la rencontre du patient se déroule, personnels concernés par cette communication nécessairement pluri-professionnelle.
En effet, les plaintes et réclamations concernent généralement plusieurs sujets : les raisons de la prise en charge médicale, les modalités de la prise en charge soignante, l’organisation du service, des transmissions inter-services, de la sortie du patient et les conditions hôtelières.
Enfin, l’ensemble de ces réclamations et plaintes montre que souvent il existe aussi des dysfonctionnements dans la relation entre médecins du même service, du même établissement et bien évidemment entre établissements et médecins traitants

A noter

La loi du 4 mars 02 modifie également la procédure de règlement amiable en cas d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes ou d’infections nosocomiales, la procédure d’expertise en matière d’accidents médicaux et celle d’indemnisation des victimes.
Se reporter au «Titre IV ? Réparation des conséquences des risques sanitaires »
Texte en libre accès sur le site de l’assemblée nationale : href= »http://www.assembleenationale.fr » target= »_blank »

(1)Article 16

« Dans chaque établissement de santé, une commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge a pour mission de veiller au respect des droits des usagers et de contribuer à l’amélioration de la qualité de l’accueil des personnes malades et de leurs proches et de la prise en charge. Cette commission facilite les démarches de ces personnes et veille à ce qu’elles puissent, le cas échéant, exprimer leurs griefs auprès des responsables de l’établissement, entendre les explications de ceux-ci et être informées des suites de leurs demandes.
« Elle est consultée sur la politique menée dans l’établissement en ce qui concerne l’accueil et la prise en charge, elle fait des propositions en ce domaine et elle est informée de l’ensemble des plaintes ou réclamations formées par les usagers de l’établissement ainsi que des suites qui leur sont données. A cette fin, elle peut avoir accès aux données médicales relatives à ces plaintes ou réclamations, sous réserve de l’obtention préalable de l’accord écrit de la personne concernée ou de ses ayants droit si elle est décédée. Les membres de la commission sont astreints au secret professionnel dans les conditions définies par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
« Le conseil d’administration des établissements publics de santé ou une instance habilitée à cet effet dans les établissements privés délibère au moins un fois par an sur la politique de l’établissement en ce qui concerne les droits des usagers et la qualité de l’accueil et de la prise en charge, sur la base d’un rapport présenté par la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge. Ce rapport et les conclusions du débat sont transmis à l’agence régionale de l’hospitalisation et au conseil régional de santé.
« La composition et les modalités de fonctionnement de la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge sont fixées par voie réglementaire. »

(2) Le médecin conciliateur joue un rôle de médiateur vis à vis des demandes et réclamations concernant l’activité médicale. Il rétablit une communication éventuellement insuffisante entre les patients et les équipes médicales. Depuis la loi du 4 mars 02, son accès aux données médicales est désormais soumis au consentement du patient.

(3)Le Directeur Général est responsable de la procédure général de gestion des plaintes et en assure notamment le caractère écrit, délivre un accusé de réception et tient un registre des demandes et des réponses. Il analyse et trie parmi les demandes et réclamations celles qui relèvent du recours gracieux ou juridictionnel et celles qui, sans constituer un recours, sont susceptibles de mettre en cause l’activité médicale, qu’il communique au médecin conciliateur. Enfin, il gère les recours gracieux ou juridictionnels en confiant le rôle de la négociation à l’assureur en matière de responsabilité civile.

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