L’hôpital comme une chrysalide

« Ma mission est enthousiasmante. Avec mon équipe et les artistes qui participent au projet « Culture à l’hôpital », nous intervenons sur l’humain, sur le sensible. Nous encourageons l’accès au beau. Avec l’art pour levier, l’idée est de révéler la verticalité des êtres. Mon objectif est de construire des passerelles entre l’intime, l’enfoui et le plaisir esthétique … ». Ainsi s’exprime Denis Lucas, responsable culturel et ambassadeur de la création au CHU Hôpitaux de Rouen. Sous son impulsion, artistes et virtuoses s’emparent d’un nouvel espace public et renversent les stéréotypes qui réduisent l’hôpital à l'image inquiétante d'un bâtiment clos et aseptisé

« Ma mission est enthousiasmante. Avec mon équipe et les artistes qui participent au projet « Culture à l’hôpital », nous intervenons  sur l’humain, sur  le sensible.  Nous encourageons l’accès au beau. Avec l’art pour levier, l’idée est de révéler  la verticalité des êtres. Mon objectif est de construire  des passerelles entre l’intime, l’enfoui et le plaisir esthétique … ». Ainsi s’exprime Denis Lucas, responsable culturel  et ambassadeur de la création au CHU Hôpitaux de Rouen. Sous son impulsion, artistes et virtuoses s’emparent d’un nouvel espace public et renversent les stéréotypes qui réduisent l’hôpital à l’image inquiétante d’un bâtiment clos et aseptisé, lieu d’angoisse où les fonctions sont organisées autour d’un couloir central et de portes latérales ouvrant sur des chambres blanches de solitude et d’ennui. Avec le projet culturel, l’hôpital, miroir inversé de la société, devient le théâtre où se joue la métamorphose d’un malade dépendant en un être sensible, accessible aux émotions artistiques. Au cours de cette transformation quasi spirituelle, le malade abandonne les représentations sociales. Confronté à sa propre fragilité, à sa propre sensibilité, il se rend disponible à la création artistique.
Selon ce promoteur d’interventions sublimantes, un hôpital contemporain doit investir un espace de liberté pour interroger ses pratiques, sa représentation du soin, ses références à la norme, questionner son traitement de la vieillesse et son rapport à la mort. Une réflexion stimulée par les artistes du vivant intervenant en résidence dans les différentes unités. Et de citer le célèbre danseur contemporain Sylvain Groud qui s’immerge dans les services de soins palliatifs adultes ou dans les maisons de retraite ; unités improbables qu’en temps normal, le visiteur esquive volontiers. Avec ses cavalières nonagénaires, le chorégraphe fait quelques pas de côté pour les détacher de leur quotidien, il met en scène un corps dansant dans un lieu de lentes déambulations. «Pendant qu’il évoluait devant moi, le danseur a pris ma souffrance» témoigne une dame.

Quand les artistes interviennent les gens ont l’impression d’être des privilégiés, d’assister aux différents temps du processus artistique, il souffle un vent de liberté. Courant d’air salutaire dans l’univers médical où tout est codifié. Pour peu qu’on ait du temps et les malades hospitalisés en long séjour n’en manquent pas, l’artiste leur offre des  moments extra-ordinaires, il  transporte poétiquement la personne, ailleurs, dans l’impalpable d’une relation nouée autour de la musique, du chant, de la peinture…  Pour mieux écouter l’orchestre de l’Opéra de Rouen, un monsieur alité trouve l’énergie de se lever pour se mettre au fauteuil. Il adopte à nouveau une position droite et revêt  le statut de mélomane.
Les médecins observent des choses étonnantes : les personnes âgées souffrant de la maladie d’Alzheimer charmées par la reprise de chansons de leur enfance retrouvent étonnement la mémoire.
L’émotion est aussi forte sur le grand anneau central du CHU quand les rouennais viennent assister à un concert programmé dans le cadre du festival des Transeuropéennes  dans ce théâtre improvisé où se compose une nouvelle mixité. Au brassage social et culturel s’ajoute la rencontre entre valides et malades, entre  jeunes bien portants et plus âgés moins en forme. « L’action culturelle participe pleinement à l’ouverture de l’hôpital sur la ville et permet d’imaginer des circulations originales» se réjouit Denis Lucas.
Malgré La richesse de cette démarche, les financements sont difficiles à trouver. Sans ligne budgétaire, Denis Lucas est obligé de mouiller sa chemise pour trouver les subventions qui couvriront les interventions artistiques. Citons quelques exemples : pour un projet artistique en pédo-psychiatrie comprenant la résidence de photographes, la Matmut alloue 7500 € pa an, la Poste sponsorise la résidence de plasticiens en gériatrie à hauteur de 5 000 €, le Crédit Agricole verse une dotation de 15 000 euros par an pour les actions artistiques en pédiatrie… La liste des généreux donateurs s’allonge avec la Fondation Orange, le Fonds de dotation Inpact. A ces apports s’ajoutent les subventions des organismes publics : le programme culture/santé Drac et Ars et des collectivités territoriales, conseil général, Ville de Rouen.  En interne, seul le poste de Denis Lucas est financé. Mais la reconnaissance est là. D’ailleurs  le projet d’établissement 2013-2018 du CHU de Rouen réserve un chapitre au projet culturel. Un affichage qui traduit un changement en profondeur du CHU qui explore les nouvelles dimensions de l’espace culturel alternatif.
Au-delà du service artistique rendu aux patients, aux personnels et à la population, la création peut devenir un facteur déterminant dans une stratégie d’attractivité. A Rouen, la maison de retraite médicalisée Boucicaut se distingue des autres structures par son offre culturelle originale. Ainsi, les projets menés avec le Musée de Rouen autour des arts de la table ont  motivé de nouvelles inscriptions en séduisant les enfants en quête de la meilleure structure pour leurs parents. Le studio de création de l’EHPAD est un atout qui distingue l’offre de soins du CHU.

Marie-Georges Fayn

Calendrier de la programmation 2013
Résidence du sculpteur Cécile Raynal en pédopsychiatrie
Projet de sensibilisation à l’image en hémato-oncologie pédiatrique par le Pôle Image régional
Projet « Vox Félicita » en néonatalogie, présence d’une musicienne chanteuse.
Commande artistique « Pères et Fils » en maternité par le photographe Grégoire Korganof
Danse contemporaine avec la Compagnie Sylvain Groud en pédiatrie et unités de soins palliatifs
Résidence de plasticiens et musiciens «  Les vibrants défricheurs » dans le service de Néphrologie
Commande artistique dans le service de consultation d’Ophtalmologie
Concerts au chevet par l’Opéra de Rouen en ORL

Commentaires

Il n’y a pas encore de commentaire pour cet article.

Sur le même sujet

A Lyon, l’IA prédit désormais des résultats d’essais cliniques

Le 11 septembre dernier, le groupe pharmaceutique AstraZeneca a publié les résultats d’un essai clinique sur un traitement pour soigner le cancer du poumon. Jusqu’ici, tout paraît à peu près normal. Ce qui l’est moins : trois jours avant cette publication, une intelligence artificielle a permis de prédire avec justesse les résultats de ce même essai. Une grande première au niveau mondial.

Dossier : l’Accident Vasculaire Cérébral (AVC)

L’Accident Vasculaire Cérébral touche 150 000 personnes par an. Responsable de 110 000 hospitalisations selon le ministère de la santé, cet arrêt soudain de la circulation sanguin à l’intérieur du cerveau représente la troisième cause de décès chez l’homme et deuxième chez la femme, soit au total 30 000 décès par an. En France, plus de 500 000 Français vivent avec des séquelles suite à un AVC.

AVC : la promesse d’une prise en charge en moins de dix minutes

Les conséquences d’un Accident Cardiovasculaire (AVC) peuvent être lourdes, voire fatales. Première cause de dépendance et troisième cause de mortalité en France, cette pathologie due à une mauvaise irrigation du cerveau fait de plus en plus de victimes. Face à cette réalité alarmante, le CHU de Montpellier a annoncé fin août la mise en place d’un nouveau plateau technique offrant aux patients un parcours de soins optimisé. Et de promettre désormais une “prise en charge en neuf minutes”.

Coup d’oeil sur le métier d’infirmière formatrice

Isabelle Teurlay-Nicot est infirmière formatrice auprès des aides-soignants à l’IMS (Institut des Métiers de la Santé) du CHU de Bordeaux. Un métier qui ne se limite pas seulement à la notion d’apprentissage. En juillet dernier, elle a accepté de revenir sur cette profession ou se mêlent expertise médicale et pédagogie.

Hépatite C : à Strasbourg, Frédéric Chaffraix dirige le service qui l’a soigné

C’est tout près de l’hôpital Civil (Hôpitaux Universitaires de Strasbourg) que nous avons croisé la route de Frédéric Chaffraix, Responsable du Service Expert de Lutte contre les Hépatites Virales en Alsace (SELHVA). Ce service, l’homme de 42 ans le connaît bien. Car avant d’en prendre la tête – lui qui n’est pas médecin -, Frédéric l’a côtoyé en tant que patient, après avoir vécu vingt-trois ans, et sans le savoir, avec le virus de l’hépatite C. Rencontre.