L’hôpital public mérite mieux que de la désespérance

A contre-courant des jugements hâtifs et simplificateurs sur l’hôpital qui occupent le devant de la scène, l’Association nationale des directrices et directeurs d’hôpital (ADH) propose une autre vision de l’hôpital, ce bien commun, bâti sur la solidarité et accessible à tous qu’il faut savoir à la fois préserver et faire évoluer. Ces idées sont développées dans un communiqué co-signé par Frédéric Boiron, directeur général du CHU de Lille et président de l’ADH, Jean-Luc Chassaniol, directeur du Centre Hospitalier Sainte-Anne et ancien président de l'association, par son bureau national, ses élus et l’ensemble de ses membres.

A contre-courant des jugements hâtifs et simplificateurs sur l’hôpital qui occupent le devant de la scène, l’Association nationale des directrices et directeurs d’hôpital (ADH) propose une autre vision de l’hôpital, "ce bien commun, bâti sur la solidarité et accessible à tous " qu’il faut savoir préserver et faire évoluer. Ces idées sont développées dans un communiqué co-signé par Frédéric Boiron, directeur général du CHU de Lille et président de l’ADH, Jean-Luc Chassaniol, directeur du Centre Hospitalier Sainte-Anne et ancien président de l’association, par son bureau national, ses élus et l’ensemble de ses membres.
Ils ne nient pas les difficultés « des personnels épuisés, des médecins démotivés, des directeurs aussi, sous les injonctions paradoxales permanentes d’une demande de soins croissante, d’une contrainte budgétaire forte et de marges de négociation internes pour ainsi dire inexistantes. » mais malgré cette ambiance lourde, l’hôpital public ne démérite pas (…) « Ce n’est pas un hospice au rabais mais un hôpital de haut niveau, systématiquement reconnu par nos concitoyens comme le service public auquel ils sont le plus attachés ».
Promoteurs d’une communauté hospitalière solidaire, ils pourfendent les oppositions dépassées entre catégories professionnelles, entre directions et soignants. « Comme le médecin, le directeur fait des arbitrages, nécessairement complexes et contingents, sans renoncer aux valeurs qui lui ont fait choisir l’hôpital public. L’un comme l’autre mesure en permanence la difficulté de prendre la bonne décision, qu’elle soit managériale ou thérapeutique. En réalité, managers et médecins hospitaliers se rapprochent et se complètent bien plus qu’ils ne s’opposent. Leur ambition est de bien agir, par l’écoute et le dialogue et non par l’arbitraire, antichambre de l’échec. »
Ils rappellent au passage que le « système ploie sous un flot continu de réformes, de normes, de règlementations, parfois contradictoires » et pour sortir de la crise, ils invitent l’hôpital à relever trois grands défis « modifier les règles de financement, poursuivre l’organisation territoriale, renouveler le dialogue sous toutes ses formes ».
Force est de reconnaître que « le financement parfait n’existe pas, ni prix de journée, ni T2A » mais des actes et des forfaits « Nous avons besoin d’un financement associant plusieurs logiques, la T2A pour une partie des actes et des séjours, des forfaits pour d’autres. Un système qui finance spécifiquement l’innovation, mais aussi les soins d’accompagnement, le soutien social, le temps passé auprès des patients. Un financement plus adaptable, plus qualitatif, ce qui n’est pas contradictoire avec la volonté légitime des gouvernants de maîtriser les dépenses dans un pays qui consacre environ 11% de sa richesse à la santé. »
Ils plaident aussi pour une accélération de la réorganisation du tissu hospitalier. « Depuis les années 1970, on demande à l’hôpital d’être un acteur économique et social, tout autant que médical. Gros employeur, gage d’attractivité pour une agglomération, il ne peut pourtant y avoir un établissement dans chaque commune : aujourd’hui la médecine spécialisée, l’obstétrique, la chirurgie, demandent des ressources plus techniques et coûteuses qu’il y a trente ans. Combien de petites maternités, de blocs opératoires, sont en grande difficulté par manque d’activité et de moyens ou tout simplement de praticiens spécialisés ? Combien s’épuisent à tenter de survivre à grands renforts d’intérim coûteux ou d’entorses aux règles de sécurité ? ».
Leurs missions doivent être repensées pour répondre aux nouveaux besoins d’accompagnement des personnes âgées, des malades chroniques, des personnes handicapés, des patients au parcours complexe. « Adapter les établissements de proximité, regrouper les activités les plus techniques, multiplier les liens entre acteurs médicaux et sociaux de ville permettraient de mieux répartir les moyens tout en renforçant la qualité des prises en charge » envisagent-ils
Enfin, en interne comme en externe de nouvelles formes de dialogue sont à réinventer, pour ouvrir un dialogue nouveau sur l’organisation du tissu hospitalier. Ils demandent à sortir des carcans et de la rigidité des espaces de négociation officiels trop réglementés et figés et à laisser des marges pour mener des expériences de concertation différentes, au sein d’instances moins nombreuses avec des interlocuteurs désireux de faire « bouger les lignes ».
Au-delà des murs, l’hôpital est le maillon d’une vaste chaine (médecins de ville, associations d’usagers, acteurs paramédicaux, structures médico-sociales…). Là aussi il convient de repenser les modalités de gouvernance de ce qu’il est d’usage de nommer les réseaux de soins.
Refusant le fatalisme et le découragement, l’ADH veut miser sur l’intelligence hospitalière « l’hôpital public mérite mieux que de la désespérance. Et l’association insiste sur les valeurs partagées « ceux qui y travaillent le font par choix. Pas pour l’argent : on gagne souvent mieux sa vie dans le secteur privé. Pas pour la gloire : il suffit de lire la presse pour s’en convaincre. Souvent par goût de servir les autres et toujours par attachement aux valeurs républicaines, sociales et humanistes qui fondent le système public de santé français. »
Et de conclure « Rien de mieux que l’intelligence collective au service du patient pour perpétuer les qualités de l’hôpital public qui nous est si cher, pour l’accompagner dans toutes ses nécessaires évolutions, dans l’intérêt de tous ».

En savoir plus sur

L’Association Nationale des directrices et directeurs d’hôpital
Fondée en 1961, l’Association s’est donnée pour mission de renforcer les liens de camaraderie et de solidarité interprofessionnels, de défendre et promouvoir les intérêts de la fonction de direction tout en garantissant une neutralité politique, religieuse, culturelle et syndicale. L’ADH détient une forte représentativité socio-professionnelle et géographique : Directeurs d’hôpital adhérents 34% sont chefs d’établissement (directeurs, directeurs généraux de CHU, directeurs d’ARH), 60% sont adjoints 6% en cours de formation (élèves directeurs d’hôpital EDH). A l’actif de cette association des enquêtes inédites sur la procédure d’évaluation ; la vision du métier ; la « fusion des corps » ; l’égalité femmes-hommes, la perception des membres des conseils de surveillance.

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