Maladie de Creutzfeld-Jakob : Le Pr Serge Bakchine fait le point sur l’épidémie

Maladie de Creutzfeld-Jakob Le Pr Serge Bakchine, chef du service de Neurologie, fait le point sur l'épidémie, sur le mode de transmission et sur les pistes de recherche.

Une définition encore incomplète

La maladie de Creutzfeld-Jakob est rarissime puisqu’on ne recense que 1,2 cas pour un million de personnes. Cette maladie incurable est contractée par des sujets plutôt âgés, 67 ans en moyenne.
La durée d’incubation est particulièrement longue : 20 ans approximativement. Cette maladie touche directement le cerveau, elle se traduit par une perte d’autonomie et une altération des capacités intellectuelles. Son évolution est fatale : 6 à 9 mois après sa déclaration.

Ce qui reste à déterminer

On connaît son origine : une forme mutée du prion mais on ignore son processus de transmission. On sait qu’en devenant insoluble, cette protéine provoque des amas toxiques pour les cellules du cerveau. Mais personne ne peut affirmer si sa mutation intervient à cause d’un agent infectieux ou si la protéine constitue elle-même cet agent.
Ce qui est certain c’est que si l’on injecte directement cette forme de prion dans le cerveau d’un sujet, celui-ci développera la maladie. C’est d’ailleurs la seule forme de transmission interhumaine connue.
Actuellement les 10 cas de transmission interhumaine recensés dans le monde sont attribués à la réutilisation de matériel de neurochirurgie ou d’aiguilles de biopsie ; ces matériels avaient tous été normalement stérilisés, mais le prion s’avère une protéine très résistante. Sont également en cause des greffes de cornée, l’oeil constituant une émergence directe du système nerveux. Aucun cas de transmission interfamiliale n’a été détecté ce qui tendrait à prouver que la maladie de Creutzfeld-Jakob ne peut se transmettre par contact avec une personne atteinte.

Le rapport avec la vache folle

Une forme de variante de la maladie de Creutzfeld-Jakob pourrait avoir un lien avec l’encéphalite spongiforme bovine. Cette variante touche des sujets plus jeunes (28 ans), la durée d’évolution de la maladie est plus longue et elle se manifeste par des signes cliniques différents, plus psychiatriques que neurologiques, avec des troubles du comportement et un encéphalogramme normal.
Les premiers cas ont été dépistés en Grande-Bretagne en 1996, peu de temps après la première vague de la maladie de la vache folle. Les derniers chiffres font état de 87 patients atteints. La maladie de Creutzfeld-Jakob aurait donc été exportée en France avec l’encéphalite spongiforme bovine (ESB).
Il n’existe cependant aucune certitude quant à la contamination elle-même et à son processus. La voie alimentaire ne constitue qu’une hypothèse. Si elle s’avère fondée alors les parties de l’animal les plus proches du système nerveux : viscères, système lymphatique, seraient, en théorie, plus porteuses de risque potentiel. Certains chercheurs évoquent également des vaccins fabriqués en Grande-Bretagne à partir du sérum de veau.

La situation en France

En février 2001 seuls trois cas de cette variant auraient été authentifiés et nul ne peut prévoir à l’avance la progression de cette épidémie. Si la vigilance est de rigueur, rien cependant ne justifie la psychose qui s’est développée autour de la viande de boeuf. Selon le Pr. Serge Bakchine :  » Il est grand temps d’arrêter cette panique et de recommencer à déguster, en toute sécurité, des steaks et des entrecôtes « .

Les risques pour le personnel hospitalier

Aucun risque de contamination n’est à craindre mais le caractère mystérieux de cette maladie conduit, au nom du principe de précaution, à appliquer une procédure rigoureuse en cas de suspicion d’un cas : signalement des cas douteux, isolement du patient, protocoles spécifiques pour les biopsies cérébrales, les endoscopies ou la manipulation du sang. Ces mesures sont accompagnées d’une sensibilisation des psychiatres et des neurologues aux différents signes annonciateurs et une attention plus particulière est portée aux actes de chirurgie et d’endoscopie potentiellement plus risqués.

Les pistes de recherche

Les chercheurs travaillent actuellement sur un agent capable de redonner sa forme normale à la protéine mutée. Tous les cas observés en Grande-Bretagne montrent que le prion présentait une forme particulière homozygote, codée 129, avec des échantillons maternel et paternel identiques. Ce qui laisserait supposer une forme de prédisposition génétique à cette maladie… Il ne s’agit là que d’une piste, mais elle ouvre des perspectives plutôt rassurantes.

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