Apportant sa créativité et sa sensibilité à l’immense opération de relooking « Marseille 2013 » qui, durant un an, va métamorphoser la métropole phocéenne en un phare illuminant le monde culturel européen et méditerranéen, l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) vient d’éditer une programmation artistique unique dans le paysage hospitalier : plus de vingt créations, spectacles, musique et arts vivants, artistes en résidence, expositions, concerts, rencontres, projections, ateliers artistiques, créations architecturales et aménagements paysagers… Le guide édité à cette occasion vante une AP-HM « Plus que jamais créative, euro méditerranéenne et radieuse, au cœur de la Capitale ». Retour sur un engagement à la croisée de la santé et des cultures commenté par Carine Delanoë–Vieux, chef de projet affaires culturelles à l’AP-HM.
Pourquoi « Marseille-Provence 2013 capitale européenne de la culture » a-t-elle tant de résonnance au sein de l’AP-HM ?
Carine Delanoë–Vieux : Le choix de Marseille a été guidé notamment par l’importance donnée à la participation du tissu des acteurs sociaux considérant que les enjeux culturels étaient aussi des enjeux de transformation de la société locale. Compte-tenu de la puissance symbolique et réelle de la santé, la participation du CHU apportait toute sa valeur à cette option participative. En contrepartie, l’AP-HM a tiré de ce partenariat les ressources pour apporter une puissance et un relai inédits à son projet culturel. Car l’ensemble des établissements sanitaires, et particulièrement les CHU, sont invités par les ministères de la Culture et de la Santé depuis 1999 à développer un volet culturel de leur projet d’établissement. Cette incitation s’est confirmée et consolidée en 2010 sur la base d’un bilan décennal très positif des initiatives menées dans de nombreux hôpitaux dans le cadre de ce programme national « Culture à l’hôpital ». Elle s’est notamment traduite par une nouvelle convention interministérielle plus globale et plus ambitieuse et une mention dans le texte de la Loi HPST. L’AP-HM a donc répondu à cette politique publique nationale tout en bénéficiant de la Capitale européenne de la culture pour expérimenter des actions diversifiées dans leur nature et dans leur échelle. Dès 2009, l’AP-HM s’est engagée dans une convention de partenariat qui s’est révélée très active avec l’association organisatrice Marseille-Provence 2013 et Aix-Marseille Université.
A travers ces multiples contributions et réflexions culturelles quels messages l’AP-HM veut-elle faire passer en interne, auprès des patients, de la population locale, de l’Europe et de la Méditerranée ?
CDV Les messages que l’AP-HM veut transmettre résident dans les valeurs portées par son volet culturel « Santé e(s)t culture(s) ». Il s’organise autour de trois axes :
– Un hôpital créatif : pour contribuer à l’effort de l’hôpital pour préserver la dignité et l’intégrité des personnes hospitalisées. Alors qu’il existe dans les grandes organisations un risque de considérer les personnes comme des objets (de soin, de gestion…,), nous mettons en oeuvre des opérations visant à renforcer la dimension créative de l’hôpital, c’est-à-dire permettre et stimuler la créativité tant des personnels, toutes catégories confondues, que des usagers. La présence de l’art aux côté de la médecine met en jeu la subjectivité de tous les acteurs du soin. Pour ce faire, nous invitons des artistes à partager des projets de création avec les patients et les soignants jusqu’à la réalisation d’une production concrète pouvant être présentée à un public plus large.
– Un hôpital radieux : nous initions des commandes d’aménagement des espaces de l’hôpital à partir des besoins exprimés par les équipes ou en réponse à une problématique institutionnelle. Pour ce faire, nous adoptons une méthode participative avec les usagers pour la phase d’élaboration du cahier des charges et de suivi des propositions paysagères, architecturales et artistiques. Favoriser la qualité du cadre de vie des malades et des personnels c’est manifester une considération et améliorer le bien-être de chacun. C’est également préserver des lieux de sociabilité et de convivialité dans un contexte où le mètre carré est à valoriser sur le plan économique et fonctionnel.
– Un hôpital euro-méditerranéen : Eu égard à la diversité culturelle de la population marseillaise qui fréquente les hôpitaux et à la position géopolitique de Marseille, cette démarche de promotion d’une culture de la santé ouverte sur la Méditerranée est une contribution à un mouvement d’ensemble des institutions et des politiques marseillaises. Nous accompagnons la politique stratégique de l’établissement d’ouverture vers les hôpitaux du bassin méditerranéen en favorisant les échanges interculturels comme composantes incontournables de la coopération hospitalière. En effet, comprendre la culture de l’autre, c’est se donner les moyens de comprendre son rapport au corps, à la santé et aux rituels liés à la naissance et à la mort.
En conclusion, l’hôpital n’est pas seulement un producteur de soins, il est également une organisation sociale et un lieu où se vivent des moments existentiels majeurs. De ce fait, il est déjà un lieu de culture et l’action culturelle que nous conduisons renforce cette dimension et redonne ses lettres de noblesse à la sphère symbolique.
Quels sont les temps forts de la programmation ?
CDV Chaque mois, une manifestation présentant un travail souvent de longue haleine sera organisée. Nous avons eu un premier temps fort le 11 janvier avec la présentation des œuvres de l’artiste Ymane Fakhir, dans un ensemble intitulé Taking Care, à l’hôpital de la Timone. Ce travail est issu d’une immersion de 8 mois au sein du service de neurochirurgie fonctionnelle/pôle neurosciences cliniques dans le cadre du programme de Marseille-Provence 2013 « Les ateliers de l’EuroMéditerranée ». Il donnera lieu à partir du mois de mars à une exposition au FRAC PACA. Cette production artistique donne à voir autrement les gestes et les rituels des soignants.
Au mois de mai, une journée portes ouvertes sera organisée dans le parc de l’hôpital Salvator en lien avec l’Espace Méditerranéen de l’adolescence pour faire découvrir la première étape de réalisation du « Jardin d’hospitalité » par le paysagiste Gilles Clément, assisté de Guillaume Morlans. Cette réhabilitation d’un parc du XIXème siècle de 8 hectares aux hôpitaux Sud est l’un des projets les plus importants de l’AP-HM dans le cadre de la Capitale européenne de la culture.
A l’autre bout de la ville, l’hôpital Nord bénéficie également d’une commande artistique importante « L’écume des jours » dans le cadre du programme de la Fondation de France « les Nouveaux Commanditaires ». Cette installation de l’artiste Didier Faustino sur la façade monumentale de l’hôpital Nord sera inaugurée dans la première quinzaine de juillet.
Enfin, un 4ème moment fort est d’ores et déjà à noter dans l’agenda, il s’agit de la rencontre internationale Santé e(s)t culture(s) du 10 au 12 octobre 2013, dernière édition du cycle des Conversations de Salerne. Six rencontres se sont déjà déroulées depuis 2010 dans les différents CHU partenaires de l’AP-HM (Alger, Alexandrie, Beyrouth, Gênes, Tunis, Rabat) sur des thématiques portant sur les dimensions culturelles et sociales de la santé dans les différents contextes.
En adhérant à ce grand élan, l’institution hospitalo-universitaire se positionne aussi comme un acteur culturel à part entière. L’art devient-il une mission nouvelle du CHU ?
CDV L’ensemble des actions conduites à l’hôpital sont inscrites au cœur des problématiques hospitalières et s’appuient sur la participation et l’implication de ses protagonistes. Il n’a jamais été question de transformer l’hôpital en centre d’art mais bien de s’appuyer sur des démarches créatives pour transformer l’hôpital et améliorer ses capacités qualitatives de prise en charge des malades. Ce n’est pas l’art qui devient une mission du CHU mais en intégrant les démarches de pilotage de création au management stratégique, les CHU deviennent des lieux de réflexion sur la fonction de l’hôpital et se redonnent des marges pour innover.
Enfin, l’hôpital est un thème de prédilection de la société et ne peut pas prétendre résoudre seul, dans un entre-soi professionnel, la crise qu’il traverse liée aux évolutions sociologiques et économiques de son environnement. L’action culturelle et créative se fait à l’interface du monde hospitalier et de la cité. Elle facilite donc, par la médiation de la culture, l’émergence d’espaces publics indispensables au débat démocratique sur sa vocation et son devenir.
A Lyon, l’IA prédit désormais des résultats d’essais cliniques
Le 11 septembre dernier, le groupe pharmaceutique AstraZeneca a publié les résultats d’un essai clinique sur un traitement pour soigner le cancer du poumon. Jusqu’ici, tout paraît à peu près normal. Ce qui l’est moins : trois jours avant cette publication, une intelligence artificielle a permis de prédire avec justesse les résultats de ce même essai. Une grande première au niveau mondial.