Le consortium C4C annonce la création de la première plateforme française d’industrialisation des thérapies cellulaires innovantes et de la première entité modulaire européenne en mesure de produire 3 à 5 000 lots thérapeutiques par an. A l’occasion de ce lancement, C4C présente 5 médicaments en cours de développement. Retenu par OSEO dans le cadre du programme des Investissements d’Avenir, le C4C est doté d’un budget de 80 millions d’euros dont près de 30 millions d’aides publiques. Grâce à ce nouvel outil la France se positionne sur le marché mondial de la thérapie cellulaire évalué à 20 milliards de dollars en 2020.
C4C relie la recherche amont à la production industrielle de lots cliniques de phase 3 et de lots commerciaux. Accessible aux acteurs académiques, publics et privés, cet outil industriel polyvalent accompagnera jusqu’à la production industrielle, les projets de recherche et développement innovants de thérapies cellulaires autologues et allogéniques, issus de la recherche publique comme des PME.
Filiale du Laboratoire français du Fractionnement et des Biotechnologies (LFB), C4C aura le statut d’établissement pharmaceutique et à ce titre répondra aux critères des agences de sécurité sanitaire européenne et américaine. Situé sur le site de LFB aux Ulis (Essonne), C4C réunit 3 sociétés de biotechnologie, Cell for Cure, Celogos et CleanCells, et 7 établissements publics et hospitaliers dont 4 CHU : l’Etablissement Français du Sang (EFS) via ses établissements d’Aquitaine-Limousin et Pyrénées-Méditerranée, le CHU de Bordeaux, le CHRU de Lille/Université de Lille 2, le CHU de Nantes, le CHU de Toulouse, et la Banque de Tissus et de Cellules (BTC) des Hospices Civils de Lyon (HCL).
Cinq premiers produits sont en cours de développement pour valider le plateau technique dédié à la production de lots cliniques et thérapeutiques en routine, situé sur le site de LFB aux Ulis (Essonne). Ces produits, sont des types cellulaires différents (cellules souches provenant de sang de cordon ou de tissu placentaire, lymphocytes infiltrant les tumeurs (TILs), cellules souches hématopoïétiques provenant de la moelle osseuse, cellules immunologiquement compétentes, cellules somatiques pro-génitrices ou adultes). Outre ces premiers lots la nouvelle structure aura la possibilité de produire pour d’autres clients privés et publics à compter de fin 2013.
Les 5 médicaments en cours de développement et les pathologies ciblées :
1. Le programme GRAPA (Phase I/II): Cellules souches hématopoïétiques du sang placentaire
amplifiées ex-vivo (CHU de Bordeaux en partenariat avec l’Etablissement Français du Sang) pour traiter des maladies pour lesquelles il existe une indication de greffe de cellules souches hématopoïétiques : maladies cancéreuses de la moelle osseuse ou des ganglions (Leucémies, Lymphomes, Myélomes, Aplasies médullaires, déficit immunitaires congénitaux, déficits enzymatiques congénitaux).
Depuis 2008, on compte chaque année 250 greffes en France (50% avec 2 unités de sang placentaire) , 900 en Europe (source EBMT) et 900 aux USA (source CIBMTR).
Pour effectuer une greffe de cellules souches hématopoïétiques, il faut un donneur compatible. En l’absence d’un tel donneur, il reste la possibilité de trouver un greffon de sang placentaire. Prélevé après la naissance, dans les vaisseaux sanguins placentaires, ce sang contient de nombreuses cellules capables de donner naissance aux différents globules. Mais, bien que nombreuses, les cellules utiles à la greffe ne sont pas toujours suffisantes pour permettre une reconstitution rapide des globules chez le receveur. S’en suit une période prolongée de risques importants pour le receveur de complications infectieuses graves. Celui-ci doit être hospitalisé longuement dans une chambre protégée. Pour contourner cette difficulté, GRAPA va permettre de proposer à des patients sélectionnés sur des critères précis, une greffe à partir d’un sang placentaire qui a subi un traitement au laboratoire. Le premier produit de thérapie cellulaire autorisé en Europe est ChondroCelect® développé par le belge Tigenix pour la réparation des lésions des cartilages du genou.
2. Le médicament de thérapie cellulaire « CEL-02 » (Phase II) pour traiter l’incontinence anale (Celogos)
L’incontinence anale (IA) est une pathologie multifactorielle, dont les causes sont diverses (traumatismes, maladies neurologiques voire plus rarement, génétiques). Les IA par déficit sphinctérien peuvent être traitées grâce à la thérapie cellulaire avec des cellules musculaires autologues (ie. du patient lui-même). L’IA, très invalidante pour le patient, pose de véritables problèmes sociétaux et médico-économiques et représente un réel enjeu de Santé Publique. Elle toucherait 2% de la population française soit environ 1,2 millions de personnes, dont plus du tiers sont atteints de lésions sphinctériennes. La population européenne atteinte d’IA par insuffisance sphinctérienne représenterait environ 2,1 millions de personnes, dont 10% de formes sévères.
Les traitements actuels de l’IA (médicaments, rééducation ou traitements interventionnels) sont peu satisfaisants, et ne permettent pas d’apporter une solution durable aux patient(e)s. Le médicament de thérapie cellulaire « CEL-02 » développé par Celogos conditionne des cellules musculaires autologues, qui seront injectées directement dans le muscle lésé afin de traiter l’IA par déficit sphinctérien. Il sera positionné comme traitement de seconde intention, préconisé avant toute chirurgie invasive.
Une étude clinique de Phase II est actuellement en cours à l’hôpital de Rouen (recrutement en cours), et le programme clinique de phase III, incluant des investigateurs européens devrait débuter courant 2014. Il sera effectué dans le cadre du projet « C4C » en partenariat avec CELLforCURE, qui assurera la fabrication des cellules médicaments selon la réglementation en vigueur et ultérieurement leur commercialisation.
3. Autogreffe d’îlots de Langerhans en Phase I/II pour traiter les patients atteints de diabète «pancréatoprive » (Lille)
Les patients qui subissent une chirurgie pancréatique étendue, totale ou subtotale pour des maladies pancréatiques bénignes (cystadénome, tumeur neuroendocrine bénigne) sont sujets à des complications métaboliques importantes. Ils développeront, dans une grande proportion de cas, un diabète « pancréatoprive» particulièrement difficile à équilibrer et dont les complications obèrent le pronostic vital à moyen et long terme. Le procédé mis en place par l’équipe du Pr François Pattou, sous la co-tutelle du CHRU et de l’Université de Lille 2 est fondé sur une autogreffe intra-musculaire d’îlots de Langerhans. Il permet d’obtenir une insulino-indépendance à long terme chez la majorité des patients. L’absence de maladie auto-immune et de rejet allogénique permet en outre de s’affranchir des contraintes de l’immunosuppression au long cours.
4. Produit d’immunothérapie cellulaire anticancéreuse (Phase III) pour traiter le mélanome au stade d’envahissement loco-régional (Nantes)
Le produit en développement à l’UTCG du CHU de Nantes est un produit d’immunothérapie cellulaire anticancéreuse. Il s’agit de lymphocytes T spécifiques des cellules tumorales qui sont présents à l’état naturel dans certains cancers mais en quantité insuffisante et dont l’action est bloquée par la tolérance locale induite par les cellules cancéreuses. Ces lymphocytes sont appelés TILs pour Tumor infiltrating Lymphocytes ou Lymphocytes Infiltrant les Tumeurs. L’administration des TILs est conjointe à celle d’interleukine 2 (IL-2), un facteur qui augmente la fonction cytotoxique de ces lymphocytes et qui est administré en faible dose.
La pathologie traitée est le mélanome au stade d’envahissement loco-régional (stade III AJCC ou stade ganglionnaire) dont la survie moyenne à 5 ans varie entre 15 et 45% en fonction du nombre de ganglions envahis. Le traitement par TILs est un traitement adjuvant des mélanomes avec un seul ganglion envahi après curage ganglionnaire.
Chaque année, dans le monde, environ 130 000 mélanomes sont diagnostiqués ; approximativement 37 000 personnes en décèdent. Avec environ 9 780 nouveaux cas estimés en France en 2011, le mélanome se situe au 9ème rang des cancers. Les données de mortalité de 2011 montrent 1 620 cas de décès dus au mélanome. 30% des mélanomes primitifs avec un breslow supérieur à 1,5 mm développent une atteinte ganglionnaire.
Il n’existe aucun traitement validé au stade ganglionnaire en Europe à ce jour et un traitement par TILs associé à de l’interleukine 2 aura un effet préventif sur l’apparition d’une récidive métastatique et sur la survie globale dans les mélanomes de stade III après un curage ganglionnaire avec un seul ganglion envahi.
5. Le programme MESAMI (MESemchymal And Myocardial Ischemia) (Phase II) pour démontrer l’intérêt des cellules souches mésenchymateuses (CSM) de la moelle osseuse pour lutter contre l’ischémie myocardique du ventricule gauche (Toulouse).
Ce produit est un Médicament de Thérapie Innovante (MTI) développé par le CHU de Toulouse en partenariat avec l’EFS pour les applications cardiovasculaires. Il s’agit de cellules de la moelle osseuse autologues mises en culture selon un procédé bien défini permettant de produire les cellules souches mésenchymateuses du patient lui-même.
Les cardiopathies ischémiques avec dysfonction ventriculaire gauche sont un défi majeur des années à venir, en raison de leur incidence croissante. Cette augmentation d’incidence est due à la fois à l’amélioration du pronostic vital après infarctus du myocarde et au vieillissement de la population. Il s’agit d’un problème de santé publique majeur avec des conséquences médico-économiques importantes, puisque les dépenses croissent avec le vieillissement de la population.
Associées à un traitement médical optimal, les méthodes de revascularisation, pontages coronaires ou angioplasties, ont montré un intérêt tout particulier dans la diminution de la mortalité. Le développement de la resynchronisation biventriculaire a apporté une amélioration fonctionnelle avec un bénéfice sur la survie dans les stades les plus avancés. Toutefois et bien que les résultats cliniques de la transplantation cardiaque soient bons, le développement de cette technique souffre d’un manque de donneurs et des effets secondaires liés à la thérapie immunosuppressive. Chez les patients atteints de ce type de cardiomyopathie ischémique sévère sans autre possibilité thérapeutique, la thérapie cellulaire cardiaque est apparue comme une alternative prometteuse.
Le rapport épidémiologique annuel de l’American Heart Association souligne l’ampleur des problèmes médico-économiques que pose aujourd’hui l’insuffisance cardiaque dans les pays industrialisés : la prévalence de cette pathologie approche 10 pour 1000 après 65 ans et l’on estime à près de 6 millions le nombre d’Américains insuffisants cardiaques. Les coûts sont naturellement en rapport et s’élèvent, pour 2008, à près de 37 milliards de dollars. On estime que dans les pays industrialisés, l’insuffisance cardiaque consomme environ 2% du budget de la santé. Ainsi, le développement des procédures de thérapie cellulaire cardiaques pourrait à terme intéresser près de 5 000 patients par an en France et plus de 50 000 en Europe.
La thérapie cellulaire au cœur de la médecine de demain
La thérapie cellulaire ouvre la voie à de nouvelles solutions pour la prévention ou le traitement de nombreuses pathologies, souvent dépourvues de solutions thérapeutiques (cancers, maladies neuro-dégénératives, maladies neuro-musculaires, pathologies à l’origine de la destruction ou de la dégénérescence de cellules, voire de tissus, telles que l’infarctus du myocarde, l’insuffisance cardiaque ou encore la polyarthrite rhumatoïde…). Véritable « greffe » de cellules, celle-ci repose sur l’administration de cellules prélevées chez le patient ou chez un donneur, puis sélectionnées et modifiées ou traitées in vitro avant d’être injectées au malade. Elle implique ainsi le recours à des modèles de production souvent inédits et éloignés des schémas de fabrication pharmaceutique ou biotechnologique plus «traditionnels».
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Cellules souches : les premières applications
Fin des années 70 : premières greffes de cellules nucléées à usage thérapeutique ,
Années 80 : le traitement des hémopathies malignes par greffes de moelle allogéniques transforme le pronostic des patients mis en aplasie thérapeutique. Ont rapidement suivi les autogreffes après cytaphérèse, puis les greffes de sang de cordon dont l’impact est devenu majeur dans la dernière décennie.
Les années 90 voient la multiplication des indications et des essais cliniques dans des pathologies dégénératives ou lésionnelles (maladies de Parkinson ou de Huntington, diabète, nécroses osseuses, atteintes cartilagineuses, infarctus du myocarde, etc.). Mais, si relativement peu de solutions thérapeutiques sont pour le moment sur le marché, la croissance exponentielle du nombre d’essais cliniques réalisés à travers le monde laisse présager une véritable « révolution des biothérapies cellulaires » dans les 5 prochaines années.
La thérapie cellulaire à travers le prisme de la greffe de moelle
La greffe de moelle osseuse est sans doute le premier exemple de l’utilisation de cellules dans un but thérapeutique. Initialement, dans les années 1950, le pionnier que fut le Pr Georges Mathé injecte des cellules de moelle osseuse de donneurs pour tenter de corriger les effets d’une irradiation atomique accidentelle. Les cellules sont utilisées là pour remplacer d’autres cellules qui ont été détruites par les radiations. Rapidement, des études chez l’animal suggèrent qu’il est possible de traiter des leucémies par la combinaison d’une destruction de la moelle osseuse malade et l’injection de cellules provenant de la moelle d’un animal sain. Georges Mathé encore, dès le début des années 1960, a l’intuition que la guérison est au moins en partie due à l’action anti-leucémique de cellules immunologiquement compétentes qui sont contenues dans le greffon, introduisant le concept d’immunothérapie adoptive.
Les deux aspects de la thérapie cellulaire co-existent. L’ un consiste à remplacer passivement des cellules malades ou absentes. L’autre à agir activement contre une cible indésirable, ici une cellule reconnue comme anormale parce que malade, là un virus par exemple.
L’histoire de la greffe de moelle est jalonnée d’avancées visant à optimiser, utiliser ces deux aspects : offrir la chance d’une greffe salvatrice à plus de patients en diversifiant les sources de cellules « remplaçantes », cellules prélevées dans le sang après les y avoir mobilisées, cellules prélevées dans le sang placentaire par exemple. Amplifier l’action anti-maladie ou anti-virus en sélectionnant, manipulant des cellules spécifiques, aussi nombreuses qu’il existe de cibles possibles.
Dès lors, on ne fait plus de thérapie cellulaire comme M. Jourdain faisait de la prose, sans s’en rendre compte ! La greffe de moelle a montré toutes les potentialités de la thérapie cellulaire. Le chantier est immense qui consiste à définir et produire les cellules d’intérêts dans tous les champs de la médecine.
La thérapie cellulaire en Médecine Régénératrice
Parmi les étapes clé de la thérapie cellulaire, la greffe d’épiderme, passée en clinique au milieu des années 80, et associée aux progrès de la réanimation médico-chirurgicale, permet aujourd’hui de sauver des grands brûlés atteints sur plus de 90% de la surface corporelle. Ce sont les techniques de culture de kératinocytes grâce à la méthode de Green (1975) qui ont a rendu possible, depuis 1981, le recouvrement des grands brûlés. Grâce à l’implication d’industriels, la préparation de ces greffes a été la première illustration des possibilités ouvertes par l’ingénierie cellulaire et tissulaire qui a permis de sauver des patients brûlés à plus de 90%.
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Première greffe française de larynx : récit d’une performance lyonnaise
Pour la première fois en France, un larynx a été greffé sur une femme les 2 et 3 septembre dernier. Deux mois et demi après cette opération spectaculaire qui a mobilisé douze chirurgiens issus des Hospices Civils de Lyon et autres CHU français durant vingt-sept heures, le CHU lyonnais communique sur le sujet. Quant à la patiente âgée de 49 ans, elle pourrait retrouver durablement l’usage de la parole vingt ans après l’avoir perdue.