Ostéoporose, l’expertise poitevine

Face à la progression alarmante de l’ostéoporose, véritable épidémie silencieuse, le CHU de Poitiers propose une filière spécifique aux personnes soignées pour une fracture : bilan avec examen clinique et biologique, radiologique, et ostéodensitométrie, recommandations hygiénodiététiques , traitement médicamenteux ou par biothérapie, chirurgie orthopédique, kyphoplastie ou radiologie interventionnelle… Explications

Face à la progression alarmante de l’ostéoporose, véritable épidémie silencieuse, le CHU de Poitiers propose une filière spécifique aux personnes soignées pour une fracture : bilan avec examen clinique et biologique, radiologique, et ostéodensitométrie, recommandations hygiénodiététiques , traitement médicamenteux ou par biothérapie, chirurgie orthopédique, kyphoplastie ou radiologie interventionnelle… Explications

« La plus répandue des pathologies osseuses, l’ostéoporose est une maladie diffuse du squelette caractérisée par une diminution de la résistance osseuse qui conduit à une augmentation du risque de fracture », énonce le professeur Françoise Debiais, chef du service de rhumatologie du CHU. Cette maladie associe une diminution de la densité des os et des perturbations de la micro-architecture osseuse entraînant une fragilité osseuse, d’où la fréquence des fractures au cours de traumatismes minimes ou de simples chutes de la hauteur. Les fractures les plus fréquentes touchent les poignets, les vertèbres et le col fémoral. Cependant, tous les os peuvent être sujets à une fracture ostéoporotique hormis le crâne, les doigts, les orteils et le rachis cervical et dorsal haut.

Une ostéoporose survient quand le capital osseux est trop bas ou en cas de perte osseuse rapide après la ménopause ou chez le sujet âgé. Mais aussi à tout âge quand des facteurs de risque augmentent la résorption osseuse ou diminuent la formation osseuse, accélérant la perte osseuse. Il peut alors s’agir : d’une ménopause précoce, d’une maigreur, d’un hypogonadisme, de la consommation d’alcool et d’intoxication tabagique, d’une immobilisation prolongée, de carence en calcium et vitamine D, d’une hyperthroïdie non traitée, de médicaments tels que corticoïdes ou de traitements prescrits chez des patients ayant un cancer du sein et de la prostate.

Une progression alarmante
En France, avec le vieillissement de la population, une femme sur trois est concernée après la ménopause. En Europe, en 2000, l’ostéoporose a été responsable de 3,1 millions de nouvelles fractures (fractures de la hanche ou autres) qui à leur tour impactent la morbidité et de la mortalité. « Par exemple, après une fracture de hanche, 80 % des personnes sont incapables de faire seules une activité de la vie quotidienne, 30 % sont dans l’impossibilité de marcher seules et 20 % meurent dans l’année. » D’autres fractures ostéoporotiques dites sévères sont aussi responsables d’une augmentation de la mortalité (telles que fractures vertébrales, fractures humérales, fractures du bassin…).

Les fractures vertébrales ostéoporotiques sont souvent responsables de douleurs rachidiennes importantes mais peuvent aussi passer inaperçues. Elles devront être alors suspectées dans les cas d’une diminution de la taille ou d’une cyphose dorsale amenant à effectuer des radiographies.
Une filière ostéoporose pour pallier le manque de diagnostic
Maladie silencieuse avant la survenue de fractures, l’ostéoporose peut être dépistée en amont en fonction de certains facteurs de risques (indice de masse corporelle bas, ménopause avant 40 ans, prise de corticoïdes, parents ayant déjà eu une fracture du col fémoral…) et en réalisant un examen ostéodensitométrique. Elle doit aussi être recherchée après une première fracture survenant pour un traumatisme minime.
Or dans les faits, si les malades sont très bien soignés pour leur fracture, il n’y a pas forcément de recherche d’ostéoporose ni de prise en charge de cette maladie pour éviter la survenue de nouvelles fractures. C’est pourquoi, depuis plus d’un an, une filière « ostéoporose » a été créée au CHU de Poitiers. Désormais, les chirurgiens orthopédistes proposent aux patients revenant en consultation après une fracture récente suite à une chute de la hauteur, un bilan et, le cas échéant, une prise en charge de cette affection. Ce bilan comporte un examen clinique et biologique, si besoin radiologique, et une ostéodensitométrie exécutée dans le service de rhumatologie. 

Le tout est complété par un bilan des apports calciques effectué par une diététicienne et un bilan de chutes réalisé à cette occasion par un gériatre ou un médecin rééducateur. « L’objectif de cette prise en charge est que la première fracture soit la dernière. En effet après une première fracture par fragilité osseuse, en l’absence de prise en charge, le risque de récidive est multiplié par 2, et ce risque est maximal, multiplié par 5,3, dans l’année qui suit. »

L’ostéodensitométrie ou absorptiométrie biphotonique à rayons X est l’examen qui permet de mesurer de façon précise la densité osseuse et donc de connaître le degré de solidité des os. Il s’agit d’une technique peu irradiante, basée sur l’absorption différentielle par les tissus mous et l’os de 2 rayonnements X d’énergie différente. Cet examen permet de préciser si la densité minérale osseuse est normale ou basse atteignant une valeur compatible avec une ostéoporose.
Toutefois, toute déminéralisation osseuse n’est pas une ostéoporose. « D’autres maladies, bénignes (ostéomalacie, hyperparathyroidie primitive…) ou malignes (myélome multiple…) peuvent s’accompagner d’une masse osseuse basse. Elles doivent être éliminées, au moins avec un examen clinique et biologique, avant de porter le diagnostic d’ostéoporose. »

Bisphosphonates, biothérapie, chirurgie… une prise en charge multiple
La prise en charge de l’ostéoporose est multiple. Elle porte tout d’abord sur des mesures hygiénodiététiques. « Il faut vérifier que le patient n’a pas de carences en vitamine D, des apports calciques suffisants, lui conseiller de faire de l’exercice physique, si possible, et également prévenir le risque de chutes. »
Ensuite, en fonction du résultat de l’ostéodensitométrie, de l’existence ou non de fractures et de la présence de facteurs de risques, des traitements médicamenteux, qui ont montré leur efficacité sur la réduction des fractures ultérieures, peuvent être prescrits.
 «En matière de traitement médicamenteux, il y a ceux qui augmentent préférentiellement la formation osseuse (tériparatide en injections sous-cutanées journalières, traitement remboursé s’il existe au moins deux fractures vertébrales) et ceux qui diminuent la résorption osseuse (Raloxifène, bisphosphonates). Les médicaments de la classe des bisphophonates sont souvent administrés par voie orale (risédronate, alendronate) ou intraveineuse (acide zolédronique). Ce sont des agents anti-ostéoclastiques, dont l’action est de diminuer le remodelage osseux et par là même d’entraîner une diminution de la perte osseuse et de préserver la qualité osseuse.»

Depuis 2011, grâce à une meilleure connaissance du métabolisme osseux, les médecins ont également recours à la première biothérapie dans le domaine de l’os, le dénosumab, anticorps anti-RANK Ligand, qui est aussi un traitement diminuant la résorption osseuse. « Il s’agit d’une thérapie ciblée, utilisée en injection sous-cuta- née deux fois par an. » Ce traitement a pour effet de neutraliser une protéine, dénommée Rank-Ligand, qui empêche la liaison avec son récepteur RANK situé sur les cellules ostéoclastiques. Il déjoue ainsi la formation et la fonction de ces cellules destructrices de l’os, les ostéoclastes. Ce traitement est remboursé chez la femme ménopausée en seconde intention après un traitement par bisphophonate.

Bien entendu tous ces traitements ont des contre-indications, des effets secondaires qu’il faut surveiller et il est nécessaire de contrôler également l’efficacité et l’observance. D’autres produits sont à l’étude, ciblant différents mécanismes du dysfonctionnement.
Comme les anticorps anti-sclérostine qui ciblent une voie de la formation osseuse ou encore les inhibiteurs de la cathepsine K (la cathepsine K étant une enzyme sécrétée par l’ostéoclaste pour résorber la matrice osseuse).
A côté de cet éventail médicamenteux, la chirurgie orthopédique ou la radiologie interventionnelle peuvent également apporter une réponse thérapeutique. Notamment lorsque le patient est sujet à une fracture quand la résorption osseuse menace la solidité de l’os ou encore afin de réduire la douleur liée à des fractures vertébrales pour lesquelles le repos et les antalgiques ne suffisent pas.

« En ce qui concerne la chirurgie, nous intervenons sur le renforcement de l’os par des dispositifs de stabilisation appelés d’ostéosynthèse: pose de vis, de tiges, de plaques vissées, explique le professeur Pierre Pries, chef du service de chirurgie orthopédique. Puis, en complément, nous pouvons être amenés pour les lésions fragilisantes douloureuses du corps vertébral à injecter du ciment dans les vertèbres, il s’agit d’une technique appelée vertébroplastie. »
Peu invasive, cette technique, réalisée par l’unité du rachis, dont le professeur Pries est co-responsable avec le professeur Philippe Rigoard, neurochirurgien (unité unique en France, d’astreinte 24h/24h, qui réunit des chirurgiens orthopédistes et des neurochirurgiens), consiste à introduire, sous contrôle radioscopique, des aiguilles de chaque côté de la vertèbre pour injecter dans le corps vertébral un ciment liquide dans un but à la fois antalgique et de consolidation. « L’intérêt est d’éviter le maintien couché durant plusieurs mois et de réduire rapidement la douleur. » Ce procédé est également réalisé par le service de radiologie interventionnelle lorsqu’il n’y a pas de risque de fuite de ciment, menaçant le système nerveux.

Dans le cas d’effondrement menaçant de la vertèbre lors de fractures, ce qui entraîne une perte de hauteur vertébrale et donc des troubles de la statique pour le malade, les chirurgiens de l’unité rachis exécutent une autre technique : la kyphoplastie. « Le procédé consiste à créer une cavité dans le corps vertébral fracturé à l’aide d’un ballonnet gonflable avant d’injecter du ciment. L’objectif est ainsi de rétablir la forme normale de la vertèbre fracturée en lui redonnant sa hauteur initiale mais aussi de permettre une sédation rapide de la douleur. »

Si la vertèbre est trop abîmée, ne permettant pas la mise en œuvre de ces techniques, l’unité rachis réalise un «pontage» de vertèbres par le biais d’un dispositif d’ostéosynthèse.
Toujours dans les stabilisations de la vertèbre, l’unité peut intervenir pour corriger un trouble de l’équilibre, lié à une déformation rachidienne, par une démarche d’instrumentation rachidienne plus lourde. « Et, il arrive parfois que ces lésions osseuses occasionnent malheureusement des déficits neurologiques, note le professeur Philippe Rigoard. Par le biais de la consultation pluridisciplinaire du handicap, les patients confrontés à ce type de problème sont pris en charge avec l’aide de nos collègues rééducateurs. »

D’autres spécialités médicales interviennent également, toujours dans cette logique de filière. « Une diététicienne assure des consultations afin de vérifier avec les patients souffrant d’ostéoporose leurs apports alimentaires en calcium de façon à mieux adapter leur alimentation », poursuit le Pr Françoise Debiais.

En complément, le service rhumatologie propose des séances d’éducation thérapeutique. 

En projet, avec le service de gériatrie, l’organisation d’une filière pour toute personne ayant subi une fracture du col du fémur. « L’objectif serait de faire systématiquement un bilan des chutes de façon à évaluer si les patients ont des troubles musculaires qui pourraient être pris en charge en gériatrie ou en rééducation afin d’éviter toute nouvelle chute. »  préconise le Pr Debiais.

Commentaires

Il n’y a pas encore de commentaire pour cet article.

Sur le même sujet

Pour les CHU, le spectre de l’impasse financière

Dans un communiqué rendu public ce lundi 2 octobre, la Conférence des Directeurs Généraux de CHU s’alarme de la mauvaise situation financière des CHU français, imputable selon elle aux surcoûts en termes de ressources humaines et aux effets de l’inflation. Et redoute une dégradation rapide si l’Etat ne fait rien.

A Lyon, l’IA prédit désormais des résultats d’essais cliniques

Le 11 septembre dernier, le groupe pharmaceutique AstraZeneca a publié les résultats d’un essai clinique sur un traitement pour soigner le cancer du poumon. Jusqu’ici, tout paraît à peu près normal. Ce qui l’est moins : trois jours avant cette publication, une intelligence artificielle a permis de prédire avec justesse les résultats de ce même essai. Une grande première au niveau mondial.

Dossier : l’Accident Vasculaire Cérébral (AVC)

L’Accident Vasculaire Cérébral touche 150 000 personnes par an. Responsable de 110 000 hospitalisations selon le ministère de la santé, cet arrêt soudain de la circulation sanguin à l’intérieur du cerveau représente la troisième cause de décès chez l’homme et deuxième chez la femme, soit au total 30 000 décès par an. En France, plus de 500 000 Français vivent avec des séquelles suite à un AVC.

AVC : la promesse d’une prise en charge en moins de dix minutes

Les conséquences d’un Accident Cardiovasculaire (AVC) peuvent être lourdes, voire fatales. Première cause de dépendance et troisième cause de mortalité en France, cette pathologie due à une mauvaise irrigation du cerveau fait de plus en plus de victimes. Face à cette réalité alarmante, le CHU de Montpellier a annoncé fin août la mise en place d’un nouveau plateau technique offrant aux patients un parcours de soins optimisé. Et de promettre désormais une “prise en charge en neuf minutes”.

Coup d’oeil sur le métier d’infirmière formatrice

Isabelle Teurlay-Nicot est infirmière formatrice auprès des aides-soignants à l’IMS (Institut des Métiers de la Santé) du CHU de Bordeaux. Un métier qui ne se limite pas seulement à la notion d’apprentissage. En juillet dernier, elle a accepté de revenir sur cette profession ou se mêlent expertise médicale et pédagogie.