En 2000, les indicateurs d’activité du service de pneumologie du CH de Dieppe sont au rouge. 6 ans après la mise en place d’une saine coopération avec le CHU de Rouen, les mêmes paramètres sont quasiment inversés ! Retour d’une expérience amenée à être étendue à d’autres secteurs…
Dans les années 2000, le département de pneumologie du CH de Dieppe connaît une baisse d’attractivité due à un taux de fuite importante des dieppois vers le CHU de Rouen distant de seulement 50 km de la cité maritime. Des symptômes inquiétants menaçent l’avenir du service : augmentation de la durée d’hospitalisation, départ progressif des praticiens hospitaliers jusqu’à l’effectif minima d’un 1,5 pneumologue temps plein.
De son côté, le CHU de Rouen déplore la saturation de ses deux services de pneumologie avec l’arrivée de patients du secteur Caux-Maritime qui normalement relèvent du territoire de santé de Dieppe. De plus ces malades affichent des séjours plus longs que la moyenne, engorgeant des lits dédiés à des pathologies plus lourdes. Pas question de laisser la situation se dégrader au risque de voir disparaître l’unité de pneumologie de Dieppe alors que les dieppois souffrent davantage d’affections pulmonaires que la moyenne.
Comment inverser la tendance ?
Au vu de ce constat alarmant, les directions administratives et médicales décidèrent qu’un médecin du CHU partagerait son temps médical avec le CH Dieppe. Ainsi, l’équipe de pneumologue dieppoise vit son effectif augmenter en même temps que son crédit grâce au label de qualité du CHU. Et Rouen misait sur une meilleure canalisation des patients. Quant au médecin, il vivait une expérience enrichissante en amont mais toujours relié au service universitaire.
Un bilan plus que positif
Très vite, le service de pneumologie du CH de Dieppe enregistra des résultats encourageants : son activité, après être passée sous la barre des 1000 séjours repartait en 2002 avec plus de 1 500 séjours et plus de 2 000 en 2004 ! En résumé : 50% de patients en plus, 50% de séjours en plus et à la clé une optimisation de la prise en charge : une durée moyenne des séjours réduite de près de la moitié -de 10,8 en 2002 à 5,9 jours en 2004- Et dans la mesure du possible, les réhospitalisations, évitées . Durant cette période le nombre moyen de séjours par patient a diminué de 1,9 en 2002 à 1,5 en 2005. Grâce à cette coopération, la confiance est donc revenue et le département de pneumologie du CH de Dieppe peut désormais se féliciter d’attirer à nouveau les patients de sa région.
Rouen se réjouit de voir les durées moyennes des séjours des patients de Caux-Maritime devenir inférieure à celle des autres patients. Autre avantage toujours d’actualité, le bon usage du CHU ! Les actes pratiqués dans ses unités relèvent vraiment de disciplines ou d’équipements hospitalo-universitaires. Et si l’occupation de la pneumologie du CHU de Rouen demeure maximale, ces services affichent cependant un meilleur taux de rotation
Un plus également pour les patients : grâce à cette coopération, ils sont sûrs de bénéficier du meilleur adressage possible en fonction de la gravité de leur pathologie et de la proximité de leur domicile.
Des gains financiers
Les experts concluent en précisant que « l’accord passé entre le CHU de Rouen et le CH de Dieppe a permis d’améliorer de près 30% la situation financière liée aux séjours de patients de Caux-Maritime dans les services de pneumologie de ces deux établissements ». Par ailleurs moins de 2% des patients en hospitalisation conventionnelle ont fait l’objet de transfert entre Dieppe et Rouen.
La logique de coopération et de complémentarité joue à plein avec une répartition coordonnée des compétences. Ainsi pour déterminer qui effectuera les actes situés à la frontière des savoir-faire respectifs, une analyse intégrant le coût d’acquisition du matériel, son amortissement, le niveau d’expertise requis et la masse critique de patients garantissant la continuité de l’expertise.
Quelles perspectives ?
Pour développer ce lien privilégié, les équipes souhaitent un partage plus généralisé de l’information médicale via le dossier personnalisé du patient, la télémédecine, la téléconférence. D’autres axes sont à l’étude avec notamment avec la participation des praticiens de Dieppe aux recherches rouennaises.
Enfin, les médecins du CHU prévoient de poursuivre le transfert de compétence avec par exemple l’accès direct au matériel de pointe aux praticiens du CH de Dieppe.
D’après un article co-signé par Pr Jean-François Muir, Pr Luc Thiberville, chefs de service, pneumologie et clinique pneumologique du CHU de Rouen, Dr Luc Durand, chef de service pneumologie, CH de Dieppe, Pol Nolet, Directeur du département consulting, cabinet Mazars, Duparc et associés publié dans Gestion Hospitalières, déc 2006, p725-729