En ce mois de rentrée le déficit de la Sécu domine une fois de plus l’actualité ; selon la cour des comptes la crise n’est pas seule en cause et les établissements ont une part de responsabilité. Dans cette ambiance crispée, la révélation de Libération sur les emprunts toxiques des établissements publics accroît l’inquiétude …
CHU : coup de semonce de la cour des comptes
Lors de sa conférence de presse, jeudi 8 septembre, Didier Migaud, président de la Cour des comptes a commenté son rapport annuel sur la Sécurité sociale et alerté le gouvernement sur le triplement en 3 ans du trou de la Sécurité sociale (branches maladie, vieillesse, famille, accidents du travail et Fonds de solidarité vieillesse)qui atteint 29,8 milliards d’euros en 2010 : « la dette sociale est un poison lent et le système de protection sociale a besoin d’être désintoxiqué. […] Il faut infléchir en priorité la dépense avant d’envisager des prélèvements supplémentaires au regard de notre niveau élevé de prélèvements obligatoires » explique le successeur de Philippe Séguin. Ces propos ont été repris dans tous les quotidiens. Olivier Baccuzat du Parisien titre sur l’état d’urgence et France soir sur le grand gâchis selon Yvan Stefanovitch et l’Humanité évoque « Le poison » du déficit de la Sécu sous la plume d’Yves Housson… Les prestations sociales ont fonctionné comme un amortisseur de crise au bénéfice des plus fragiles, 8,2 millions de personnes en dessous du seuil de la pauvreté, mais la dette sociale qui ne cesse de creuser depuis 30 ans représente une menace pour l’ensemble du système de protection sociale : 136 milliards d’euros fin 2010 rappelle Olivier Auguste dans le Figaro. D’autant que la progression des dépenses est « certes entretenue par la crise mais surtout par des rigidités, des abus et des gaspillages. » Et la cour de pointer les maux typiquement français : dépenses de médicaments trop élevées (exemple trop de tranquillisants sur les ordonnances), lobby des laboratoires, faible volume de diffusion de génériques (20%, trois fois moins que les voisins européens, trop de médecins mal répartis sur le territoire et de sages-femmes qui doublonnent avec les la profession de gynécologue-obstétricien. Pointée du doigt la gestion des hôpitaux qualifiée de « très chère, peu rigoureuse, trop lourde ». Et la convergence repoussée en 2018 est synonyme de perte de 7 milliards d’euros pour le service public. Tout particulièrement mis sur la sellette les CHU dont l’organisation « perfectible » et les efforts de maîtrise de masse salariale « insuffisants ». « Si la réforme de la tarification a révélé dans un grand nombre de CHU une situation financière difficile, les autorités de tutelle ne les ont pas suffisamment incités à faire des gains de productivité » cite Vincent Collen sur les Echos.
Olivier Auguste note que les CHU « justifient des tarifs plus élevés par des missions spécifiques (urgences, enseignement, recherche…) tout en remarquant qu’ils reçoivent pour cela des enveloppes forfaitaires « dont les montants ne sont pas justifiés par une analyse précise des coûts. Les actes pratiqués uniquement dans les CHU représentent 5,5% seulement de leur activité MCO ». Un argument sur lequel s’appuie la Fédération des Cliniques privées pour porter plainte contre la France à Bruxelles pour « distorsion de concurrence » rappelle le journaliste.
Et Vincent Collen de reprendre les propos de la Cour des comptes : Malgré « l’amorce récente d’une gestion plus rigoureuse », les CHU doivent «intensifier leurs efforts ».
Les dysfonctionnements du public sont pointés. Ainsi dans le JDD du 18 septembre, Jacques Bichot, professeur émérite à l’université Jean-Moulin (Lyon-III) s’étonne du surcoût de 20% de l’hôpital par rapport aux cliniques "même en faisant abstraction des frais de formation et de recherche". Il dénonce la productivité moins élevée du public et son mode de rémunération "forfaitaire dans le public à l’acte dans le privé", "l’absentéisme dans le public" et les conditions de retraite plus favorables à l’hôpital que dans le secteur privé.
Entre temps l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris et les Hospices Civils de Lyon ont présenté leur état prévisionnel de recettes et de dépenses (EPRD) et leur situation budgétaire à mi-année.
Paris prévoit un déficit global consolidé de 123,6 M € « supérieur à 20101 (102 millions) et à 2009 (75 millions) » note Les Echos du 13 sept dans un article de Laurence Albert. En cause le gel imprévu des crédits d’accompagnement. L’AP-HP rappelle cependant que son activité est en augmentation et qu’elle poursuit les efforts de maîtrise des dépenses engagées : réorganisations médicales, logistiques et administratives engagées avec 984 postes supprimés essentiellement adrministratifs et une rationalisation du patrimoine : A venir, la vente, pour un montant de 40 M€, du site de l’ancien hôpital Broussais.
A Lyon, 2ème CHU de France a pu ramener son déficit global à 54,3 millions en 2010 contre 94,3 en 2008. note Marie-Annick Depagneux dans le même journal. « La situation reste fragile » selon Daniel Moinard, directeur général des Hospices Civils de Lyon qui poursuit les efforts avec le regroupement des activités logistiques, la création d ‘une direction des achats, la cession de biens envisagés pour 40 millions qui devraient ramener le déficit consolidé en 2011 à 5,3 millions d’euros. Côté social 200 emplois sont supprimés jusqu’en 2013 « soit un total d’un millier de postes en 5 ans sur près de 24 000 agents ».
Emprunts toxiques
Mercredi 21 septembre, Libération publie un listing confidentiel de la banque Dexia crédit local (DCL) qui recense les 5 500 collectivités locales et établissements publics -dont des hôpitaux et des CHU- ayant souscrit des prêts toxiques entre 1995 et 2009. Il est précisé que « DCL avait distribué pour 25 milliards d’euros de produits structurés à ces clients » (…) « A la fin 2009, la banque évaluait le surcoût de ces emprunts à 3,9 milliards d’euros.» Une addition sévère pour les contribuables. L’information fait grand bruit dans les médias nationaux et régionaux. Les villes et les établissements sont amenés à s’expliquer. Cité dans l’article, le CHU de Dijon publie un communiqué « pour rétablir les faits » le jour même. Le lendemain, dans une dépêche de l’AFP, Dexia réfute le montant des pénalités et examine « les suites juridiques à donner ». Selon la banque, "l’article assimile de façon abusive les crédits structurés à des crédits toxiques et fait état de chiffres fantaisistes qui ne reflètent aucunement la réalité". Le 22 septembre les Echos présente le site http://www.dtct.fr administré par la municipalité de Saint-Etienne pour que les villes, Epci départements et CHU unissent leurs efforts contre les emprunts toxiques.
Combien gagnent vraiment les médecins ?
Dans le Figaro Magazine du 17 septembre Martine Betti Cusso s’interroge sur le malaise d’une profession disparate qui regroupe 216 145 praticiens « médecins de campagne et professeurs des CHU, salariés des dispensaires, internes, généralistes ou spécialistes de ville (…) à tarifs conventionnés ou libres ». Le Dr André Deseur, du Conseil de l’Ordre dépeint leur blues en ces termes : «une lassitude grandissante face aux lourdeurs administratives. […] Le sentiment profond de perdre sa liberté d’exercice et d’être au service d’un système administratif au détriment de la qualité des soins». Autre raison avancée : le salaire qui n’est plus ce qu’il était. « Le mythe du médecin riche a vécu constate la journaliste pour qui « les rémunérations moyennes (…) ne compensent pas toujours les longues années d’études et les lourdes responsabilités ». Les émoluments varient selon les spécialités, pas moins de 48 répertoriées par le conseil de l’ordre. Avant imposition et après versements des frais professionnels, les généralistes perçoivent 69 825 euros net annuel tandis que la moyenne des spécialistes s’élève à 108 824 euros selon la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF). 1er enseignement « en fonction des disciplines, du mode d’exercice et de l’implantation géographique, les profits doublent voire triplent. » Au rang des spécialités les plus lucratives : la cancérologie, la chirurgie la radiologie, l’anesthésie. Le secteur 2 à tarif libre et naturellement plus rentable sauf pour la médecine générale et la cancérologie. Autre démonstration qui bat en brèche les idées reçues : un spécialiste exerçant dans une grande métropole peut être mieux rétribué que son confrère parisien. Quant à la grille de salaires du public « théoriquement la même pour tous », celle-ci peut varier de 35% du fait des gardes, astreintes, différentes indemnités sans parler de l’activité libérale exercée à l’hôpital. Un praticien hospitalier temps plein percevra en début de carrière 54 828 et en fin de carrière 94 789 tandis professeur des universités – praticien hospitalier sera rémunéra par le CHU et la faculté à hauteur de 78 730 euros en début de carrière et à 122 676 euros en fin de carrière.
Le dossier comprend aussi des tableaux sur la répartition des professions médicales par spécialités avec en tête les généralistes (93 384), les psychiatres (12 238), les anesthésistes réanimateurs (9 956) et chirurgiens (9 855)… Et le nombre des remplaçants frôle désormais les 10 000 praticiens, 9.903 très exactement.
Autre révélation de l’enquête : la prédilection des femmes pour la gynécologie à 90 %, l’endocrinologie et le métabolisme (71%) et la médecine du travail à (70%).
Marie-Georges Fayn
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