Soigner sa relation avec les usagers : la stratégie gagnante du marketing à l’hôpital

Booster ses scores de satisfaction, gagner des parts de marché, réduire ses taux de fuite… autant de raisons qui doivent inciter les hospitaliers à adopter les techniques du marketing. Incongru pour les gestionnaires des établissements publics de santé ? Pas sûr, à l’heure où la pression économique se fait de plus en plus contraignante, où les budgets se calent sur l’activité, où les hôpitaux se retrouvent en concurrence sur le marché tendu des diplômés, où les Français aspirent à être mieux informés et à participer pleinement au rétablissement de leur santé.

Booster ses scores de satisfaction, gagner des parts de marché, réduire ses taux de fuite… autant de raisons qui doivent inciter les hospitaliers à adopter les techniques du marketing. Incongru pour les gestionnaires des établissements publics de santé ? Pas sûr, à l’heure où la pression économique se fait de plus en plus contraignante, où les budgets se calent sur l’activité, où les hôpitaux se retrouvent en concurrence sur le marché tendu des diplômés, où les Français aspirent à être mieux informés et à participer pleinement  au rétablissement de leur santé.
Les hôpitaux ont donc intérêt à « marketer ». D’autant plus que sans la nommer, ils pratiquent depuis longtemps une « approche client ». Ses origines remontent à près de 40 ans, époque où furent créés les premiers services de communication. Viennent ensuite la démarche qualité et la reconnaissance des droits des usagers (2002). Evolutions soutenues par le recrutement de professionnels des relations publiques et presse, de master web, par la création de directions en charge des droits des patients, de Commissions des Relations avec les Usagers et de la Qualité de la Prise en Charge (CRUQPC)  et dernièrement par les Commissions des Relations avec les Usagers et les Associations (CRUA). Ces fonctions procèdent de la même exigence de rapprochement entre l’hôpital et sa patientèle. Avec en plus un souci d’égalité et de permanence des soins, une éthique de l’hospitalité qui caractérisent le service public de santé ; une des institutions auxquelles les français sont le plus attachés. Ainsi, au cours des dernières décennies, l’hôpital a apporté sa touche «NON-PROFIT ORGANISATION» à cette science du marché née aux USA dans les années 60 et au départ centrée sur les biens et produits.

Le marketing à l’hôpital : un marketing des services

Hubert Joseph-Antoine, directeur du Service aux Patients et à la Communication (DSPC) de l’AP-HP explique l’enjeu de son poste inauguré en 2011 « notre objectif est de nous centrer sur les patients et la qualité du service qui leur est rendu.  Une écoute plus approfondie des patients et de leurs proches,  nous aide à mieux connaître leur vécu, leur expérience, leur perception de la qualité. Il est aussi essentiel d’être attentif aux points de vue des professionnels. Puis, nous élaborons de manière collective les pistes d’amélioration, avant de les mettre en œuvre »
“Proches de vous”, le programme récemment lancé par l’AP HP recense les leviers d’amélioration des  relations entre le patient et l’institution de la première prise de rendez-vous au retour à domicile. Conçu à partir des attentes des patients et médecins, il vise à apporter des réponses concrètes et généralisables à des questions telles que la réduction des délais, la rénovation des salles d’attente, l’information, le respect de l’intimité et de la dignité ….
Le marketing apporte une connaissance fine des attentes des clients, usagers…. de toute personne en relation avec l’établissement. Par essence entreprise de service, l’hôpital gagnera à décliner les techniques d’étude de marché, de mix communication, de positionnement concurrentiel… En effet, la qualité de la prise en charge des patients ne se limite pas aux actes techniques médicaux ou para médicaux ; elle inclut aussi l’environnement du soin ; c’est à dire l’accompagnement du patient tout au long de son parcours, en amont et en aval de l’hôpital et , au sein de l’établissement, entre les différents unités.

De la satisfaction du patient à la qualité attendue

Démarche qualité et obligation légale de disposer d’instances de dialogue avec les usagers sont souvent à l’origine d’enquêtes de satisfaction – dont l’apport réside surtout dans sa fonction baromètre des indices- ou de procédures de traitement des réclamations.  Mais ces outils indispensables interviennent a posteriori et ne donnent pas la possibilité de détecter les attentes, ni de se réinterroger sur ses pratiques.
L’observatoire des attentes des patients, créé par Unicancer fin 2011, s’inscrit dans une optique prescriptive qui permet de dépasser le concept de satisfaction et d’évaluer la qualité attendue. L’objectif est clairement d’identifier les axes  de  progression afin de  mieux orienter l’offre des Centres de Lutte contre le Cancer. Selon le Pr Josy Reiffers, président d’Unicancer « les enquêtes de satisfaction de patients analysent l’existant, tandis que l’observatoire des attentes des patients relève de la prospective». La méthodologie utilisée repose sur la capitalisation des données existantes issues de plusieurs enquêtes, et la mise en place de consultations participatives auprès de patients et du grand public. Elles font appel à des techniques couramment utilisées en sciences sociales comme le focus groupe et le sondage délibératif d’opinion.
Technique d’entretien collectif, le focus groupe fait remonter des informations sur un sujet ciblé, en l’occurrence les différentes étapes et aspects de la prise en charge hospitalière du cancer. La dynamique de groupe facilite l’exploration et la stimulation des différents points de vue par la discussion. Une méthode d’enquête purement qualitative que vient compléter le sondage d’opinion délibératif. Il consiste à soumettre un panel à un processus riche d’information et de discussion, puis de mesurer l’évolution de l’opinion des participants. Un processus interactif dans lequel les participants délibèrent et peuvent poser des questions. Cette approche s’est faite via une plate-forme de débat en ligne.
A partir de ces consultations, Unicancer a pu proposer 18 solutions d’optimisation à mettre en oeuvre pour améliorer la qualité du service rendu.
La SPASM (Société Parisienne d’Aide à la Santé Mentale) a profité en 2009 de la révision de son projet d’établissement pour se réinterroger sur ses pratiques. Dans le cadre de la démarche qualité elle s’est appuyée sur la CRUQPC pour mener une large consultation afin de vérifier comment la structure répond aux attentes des usagers. 1 200 questionnaires envoyés aux partenaires, une enquête auprès des associations d’usagers, et des entretiens de groupe de patients (100 personnes) sur le thème : « que pensez-vous que la SPASM devrait développer ? ».  Un matériau très riche, qui a contribué à l’élaboration d’un projet d’établissement concerté.  Marie-Françoise Valois, responsable qualité de la SPASM, souligne « la CRUQPC est aujourd’hui pour nous un outil vivant, véritable porte d’entrée d’une culture qualité au sein de nos établissements, et pas simplement une obligation réglementaire ».
Pour les établissements de santé, la prise en considération des attentes des usagers constitue un changement culturel important qu’il est nécessaire d’accompagner. Pourtant on entend encore des réflexions du genre « Ce n’est pas eux qui vont nous dire ce que l’on a à faire ! » ; réticences symptomatiques et révélatrices des craintes de se voir déposséder d’une partie de ses prérogatives. Marie-Françoise Valois (SPASM) se souvient de l’appréhension des soignants inquiets de voir la  CRUQPC se transformer en censeur et porter des jugements sur leur pratique.  L’encadrement doit alors rassurer sur le cap tenu et sur le respect du rôle de chacun. Du top manager au manager de proximité, tous ont une responsabilité dans la mobilisation et le soutien des équipes dans cette démarche institutionnelle qui se décline par pôle ou service. En effet, favoriser l’appropriation en interne des attentes des usagers est un préalable à l’élaboration collective des pistes d’amélioration. La plus-value sur le service doit être visible de tous, des usagers comme des équipes.
La coconstruction en interservices facilite la mise en place de solutions pragmatiques souligne Philippe Pucheu, directeur du GH Diaconesses Croix Saint Simon. Et l’établissement fait travailler des groupes pluridisciplinaires afin de fluidifier le parcours des patients, et notamment la sortie d’hospitalisation. Ainsi, pour accompagner le patient lors de son retour à domicile après un court séjour, l’établissement organise un suivi téléphonique par des infirmières, comme pour l’ambulatoire. L’objet de cet appel est de rassurer la personne si besoin, répondre à ses questions, lui apporter des conseils, vérifier l’observance et la bonne compréhension du traitement. Un suivi personnalisé qui participe à la qualité des soins et dans lequel les soignants ont toute légitimité.
Formation, management, sont des leviers indispensables pour instiller cette culture de service.

Vers une offre “sur mesure”

Au CHRU de Lille, Hop’line, numéro gratuit réservé aux médecins généralistes, de la région Nord-Pas-de-Calais met les praticiens de ville directement en contact avec un spécialiste pour un avis médical, au moment où ils en ont le plus besoin, c’est-à-dire lorsque leur patient se trouve en face d’eux.  17 spécialités sont ainsi accessibles aux médecins généralistes, comme par exemple la cardiologie, neurologie, néphrologie, gynécologie-obstétrique, l’hématologie… L’évaluation du service est en cours et alimentera la réflexion plus globale sur la fluidification des relations hôpital / ville.
L’hôpital Nord Ouest de Villefranche sur Saône joue la carte de la personnalisation et de l’innovation. Depuis quelques années maintenant l’établissement envoie des SMS aux patients pour limiter les rendez-vous non honorés en chirurgie ambulatoire. Le principe est simple. Un premier SMS est envoyé la veille pour rappeler le rendez-vous. Le lendemain de l’examen un autre SMS vient accompagner la sortie du patient, en lui donnant un contact à utiliser en cas de besoin. Un service très bien perçu de la part des patients qui se sentent considérés et entourés. Le travail du secrétariat médical est facilité par l’utilisation d’une solution automatisée qui,  en plus, assure un retour sur investissement intéressant. A titre d’exemple,  50 rendez-vous en IRM non honorés entrainent une perte de 11 800 € par mois.  Le dispositif mis en place permet de récupérer 9 500 € par mois pour un investissement mensuel de 400 €.
L’hôpital Nord Ouest fait aussi rimer innovation technologique avec qualité des soins et service aux familles. La néonatologie a bâti un concept de prise en charge plus sûre et plus humaine en s’appuyant sur les TIC. Les chambres équipées d’une caméra reliée directement au PC de l’infirmière, permettent une surveillance accrue et en temps réel des bébés prématurés. Branché en continu et servi par un monitoring sophistiqué, ce système est un complément précieux pour l’équipe soignante.  Quant aux familles, elles bénéficient d’un lien direct avec le nouveau-né grâce à la transmission des images via une connexion sécurisée sur internet.
Ces «nouveaux avantages »  s’inscrivent dans une stratégie marketing plus globale et donnent corps à un discours de marque autour des valeurs d’innovation, d’humanité et  d’expertise au service du  patient. Ce souci du  « sur mesure », de l’attention portée à l’autre doit s’étendre à l’ensemble du parcours du patient. L’enjeu : tendre vers l’excellence à tous les étapes du process de soin.  Grâce aux techniques d’analyse des attentes, des comportements et des feed back de la patientèle, le marketing adapté à l’hôpital, s’impose comme la stratégie de service gagnant, focalisée sur le patient, le prescripteur et le positionnement concurrentiel.
Le directeur d’hôpital emportera ce nouveau défi en s’appuyant sur un management des ressources humaines qui stimule les équipes, leur donne envie d’anticiper les besoins des patients et de résoudre leurs difficultés de manière empathique et performante.
Bérengère Guerrini, en responsabilité de communication interne et externe depuis une 10 aine d’années, principalement dans la domaine de la protection sociale (MSA) – 06 23 57 76 45 – comguerrini@yahoo.fr
Marie-Georges Fayn

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