Clignements soudains et répétitifs des yeux, sauts, séquences motrices plus ou moins complexes, imitations gestuelles, attouchements, vocalisations, les tics, troubles involontaires convulsifs, handicapent le quotidien de 5 enfants sur 100*. En janvier 2008, le CHU de Bordeaux a souhaité coordonner les expertises afin de mieux traiter cette pathologie : La consultation multidisciplinaire pour la prise en charge des tics de l’enfant et de l’adulte réunit les compétences d’un neurologue, d’un psychiatre et d’un psychologue. L’équipe développe une technique originale associant psychologie cognitive et neurosciences.
Les stratégies retenues nécessitent un apprentissage et un entraînement assidu, impliquant le respect des consultations et le suivi régulier de procédures en dehors des consultations. Ces techniques appliquées précocement sont susceptibles de permettre un meilleur développement de l’enfant, tant d’un point de vue neurophysiologique que socio-affectif avec pour objectif d’améliorer sa qualité de vie ainsi que celle de sa famille. Il est prévu d’évaluer l’efficacité de cette technique en 2010 dans le cadre d’un projet de recherche clinique national.
La consultation multidisciplinaire pour la prise en charge des tics de l’enfant et de l’adulte du CHU de Bordeaux s’inscrit dans le réseau national des centres de compétence-maladie rare du Syndrome Gilles de la Tourette (SGT).
Qu’est-ce qu’un TIC ?
Les tics correspondent à un ensemble de mouvements soudains, répétitifs, parfois stéréotypés, à des sons ou des vocalisations représentant des fragments de comportements normaux qui apparaissent en dehors de leur contexte habituel. Fréquents chez l’enfant, ils ont disparu chez la moitié des sujets vers l’âge de 18 ans. Dans certaines formes, la sévérité de la symptomatologie justifie la catégorisation de ces tics en un syndrome particulier : le SGT. Ce dernier correspond à une pathologie neuropsychiatrique chronique extrêmement invalidante qui touche les sphères comportementales, émotionnelles, cognitives et sociales. Il existe une importante comorbidité entre le SGT et d’autres troubles psychiatriques comme les TOC et le syndrome TDA/H. La gêne fonctionnelle occasionnée par le SGT est souvent majeure et aboutit dans bien des cas à une marginalisation des patients alors même qu’ils ont une intelligence normale, voire supérieure à la normale. L’incidence du SGT dans la population générale se situerait autour de 4 à 5 / 105 habitants mais ce chiffre est sans doute sous-estimé.
La présentation des tics est extrêmement variable, allant de tics moteurs simples (reniflements, clignements des yeux, toux répétitive) jusqu’à des tics qualifiés de complexes se traduisant par des sauts, des attouchements personnels ou extra-personnels, des séquences motrices plus ou moins complexes, des imitations gestuelles (échopraxies) et surtout des vocalisations. Ces dernières vont de vocalisations discrètes à des cris violents, des aboiements, une écholalie (répétition des mots d’autrui), une coprolalie (besoin irrépressible de prononcer des mots orduriers). Il faut rajouter outre les co-morbidités déjà mentionnées, des automutilations (morsures de lèvres, de langue, érosions cutanées mais également lésions oculaires, voire énucléation).
Pourquoi avons-nous des tics ?
Une des caractéristiques des tics est leur suggestibilité et leur suppression possible sous l’effet de la volonté. Le plus souvent, les patients peuvent les contrôler sur des périodes de temps plus ou moins longues. Cependant ce processus de contrôle s’accompagne d’une tension interne qui aboutit à un effet rebond. Le caractère répétitif et stéréotypé des tics, le sentiment de tension qui les précédent, les épisodes de « rage » parfois observés chez certains sujets et leur développement précoce chez l’enfant suggèrent que les tics puissent avoir un point de départ émotionnel qui s’exprimera in fine sous une forme motrice. Ces éléments laissent à penser que les tics pourraient être en rapport avec un dysfonctionnement de certaines régions profondes du cerveau (ganglions de la base) aboutissant à une mauvaise planification des comportements. Au cours du développement normal, le cortex cérébral colonise de façon progressive les ganglions de la base contrôlant par de là même leur fonctionnement. Dans les tics, ce processus semble altéré.
Bien que l’origine du SGT ne soit pas connue, certains facteurs prédisposant prénataux, périnataux, ou génétiques ont été mis en évidence. Cependant, c’est surtout l’hypothèse immunologique post-infectieuse qui a retenu l’attention au cours des dernières années. Le SGT semble en effet plus fréquent chez des enfants ayant présentés des infections streptococciques à répétitions telles que des angines. Néanmoins, les progrès essentiels dans la compréhension de la physiopathologie du SGT ont été faits grâce à l’imagerie fonctionnelle qui a permis de montrer la mise en jeu anormale d’un réseau d’aires corticales préfrontales et prémotrices avant l’émergence du tic et lors de son expression.
Comment traiter les tics ?
L’idée d’une hyperactivité du système dopaminergique (un des neurotransmetteurs du cerveau) dans les tics a depuis longtemps conduit à proposer les neuroleptiques (agents bloquants de la dopamine) pour leur traitement. Les neuroleptiques classiques restent un traitement de référence mais ils présentent de nombreux effets secondaires qui limitent leur utilisation, notamment chez l’enfant. Depuis quelques années sont apparus des neuroleptiques de nouvelle génération qui ont moins d’effets secondaires. Néanmoins, le risque d’altération cognitive, compromettant la scolarité, limite leur utilisation aux formes les plus sévères. Chez des patients présentant un handicap particulièrement lourd, la stimulation cérébrale profonde représente un espoir mais son intérêt sur le long terme reste à être évalué.
Il n’existe donc pas actuellement de traitement médicamenteux totalement satisfaisant à la fois en termes d’efficacité et de tolérance. Parmi les thérapeutiques alternatives, les thérapies cognitives et comportementales (TCC), issues des théories du conditionnement et de l’apprentissage ouvrent des perspectives intéressantes. Leur utilisation dans la prise en charge du SGT n’est pas nouvelle mais jusqu’ici la plupart des données s’appuyaient sur des cas individuels, de petites séries, ou une technique isolée.
Où s’adresser ?
Consultation multidisciplinaire « tics » – service d’Explorations Fonctionnelles du Système Nerveux – Pr P. Burbaud (Pellegrin, 2è étage) – 1er vendredi de chaque mois.
La consultation est assurée conjointement par le Pr P. Burbaud – neurologue, le Dr JP Rénéric – pédopsychiatre et le Dr A. Mc Leod – neuropsychologue.
La prise en charge psychologique est assurée dans le cadre du service, Dr A. Mc Leod. Secrétariat – rendez-vous : Tél. 05 56 79 55 13.
*L’incidence de la maladie est d’au moins 4% pour les garçons et 1% pour les filles âgés de 5 à 16 ans en milieu scolaire. Les formes sévères qui correspondent au syndrome de Gilles de la Tourette représentent globalement 1,5% d’une classe d’âge en population normale mais 8% en milieu d’éducation spécialisée. Ce n’est donc pas une pathologie si rare que cela.
D’après l’entretien de Dominique Selighini avec le Pr Pierre Burbaud publié sur le Passerelles N°54 –octobre 2009 du CHU de Bordeaux