Transplantation hépatique après hépatite B fulminante : l’APHM alerte

Suite à la transplantation hépatique d'une patiente souffrant d'hépatite B fulminante, l'AP-HM alerte sur le risque de transmission du virus de l'hépatite B dans un contexte de faible couverture vaccinale en France.

Suite à la transplantation hépatique d’une patiente souffrant d’hépatite B fulminante, l’AP-HM alerte sur le risque de transmission du virus de l’hépatite B dans un contexte de faible couverture vaccinale en France.

Une patiente de 61 ans a été hospitalisée samedi 9 février à l’hôpital Conception à l’AP-HM dans un tableau d’hépatite fulminante. Les analyses virologiques ont retrouvé que l’hépatite B était la cause de ce tableau clinique gravissime qui a justifié une greffe de foie en urgence. L’investigation des facteurs de risque est en cours mais il existe une notion de contacts avec une personne elle-même ictérique dans le mois précédent.

Ce cas souligne le risque non négligeable de transmission du virus de l’hépatite B en France compte tenu d’une prévalence élevée des porteurs chroniques du virus dans un contexte de faible couverture vaccinale.

L’hépatite B est une maladie infectieuse extrêmement contagieuse (le virus de l’hépatite B (VHB) est environ 100 fois plus infectieux que celui du SIDA) qui se transmet par voies sanguine et sexuelle. Elle peut être prévenue par la vaccination.Dans 0,1 à 1% des cas, l’hépatite B aiguë se présente sous la forme d’une hépatite fulminante. Chez <5% des personnes contaminées par le VHB à l'âge adulte, une infection chronique se développe qui va conduire dans 15 à 25% des cas au décès de la personne infectée, suite à la survenue d'une cirrhose ou d'un cancer du foie. Le vaccin anti-VHB est d'ailleurs le 1er vaccin ayant démontré une efficacité dans la réduction de l'incidence d'un cancer. En cas de « guérison » sans passage à la chronicité, le génome du virus peut rester présent dans le foie plusieurs années, ce qui peut conduire à des « réactivations » de l’hépatite B, parfois sévères, en cas d’immunodépression.
L’hépatite B est fréquente en France

Il existe en France un réservoir non négligeable pour la transmission du VHB. En effet, il a été estimé en 2004 que 280 000 personnes (âgées de 18-80 ans) étaient chroniquement infectées. Seulement 45% d’entre elles se savent infectées. Il faut souligner que cette prévalence (0,65%) est environ 2 fois plus élevée que celle estimée au début des années 1990 (0,2-0,4%). Une autre étude récente a estimé la mortalité liée au VHB en France à 1 500 décès par an. De plus, il a été estimé en 2004 que 3,1 millions de Français (7,3%) ont été infectées par le VHB.

La déclaration obligatoire des hépatites B aiguës en France a identifié 469 cas depuis 2003 (147 en 2005), mais le nombre annuel d’hépatites B aiguës symptomatiques a été estimé à 628 cas en 2005. 13 hépatites fulminantes, ayant conduit à 5 décès et 6 transplantations hépatiques, ont été notifiées. Chez l’adulte, un risque sexuel a été retrouvé dans 1/3 des cas.

A l’AP-HM, environ 140 infections chroniques par le VHB sont nouvellement diagnostiquées chaque année, et près de 2% des 20 000 personnes testées annuellement sont chroniquement infectées. Plusieurs réactivations d’une hépatite B ancienne « guérie » sont diagnostiquées chaque année suite à l’introduction d’un traitement immuno-suppresseur. En 2004-2005, 3 de ces réactivations ont conduit au décès du patient.

La couverture vaccinale contre le VHB est faible en France

Malgré les recommandations de l’OMS de vaccination universelle contre l’hépatite B incluant les pays de faible endémie, la couverture vaccinale reste faible en France : elle a été récemment estimée à 41%. A titre de comparaison, elle était comprise en 1999 entre 77 et 99% dans les autres pays européens ayant des programmes de vaccination universelle ; par exemple, elle était >95% en Italie. L’efficacité de cette stratégie sur la réduction des cas d’hépatite aiguë a ainsi été démontrée aux USA.

Cette faible couverture vaccinale peut s’expliquer en partie au moins par la polémique concernant le vaccin VHB en France. Celle-ci est liée à la survenue de cas de sclérose en plaque (SEP) ou pathologies démyélinisantes après vaccination contre le VHB. Cela a conduit certains auteurs à formuler l’hypothèse, en l’absence de toute preuve statistique ou scientifique, que ces affections neurologiques pourraient être liées au vaccin. En fait, l’incidence spontanée de la SEP en France est d’environ 2000 cas par an. La vaccination contre le VHB de près de 30 millions de personnes au cours des années 1990 (notamment de plusieurs millions de personnes âgées de 20 à 40 ans) ne pouvait donc que conduire à des associations temporelles entre SEP et vaccination.

En revanche, il n’a pu être démontré dans des études nationales ou internationales que la vaccination anti-VHB augmentait de façon statistiquement significative l’incidence des SEP. De même, il n’existe aucune preuve scientifique concernant un lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et la survenue de pathologies démyélinisantes, notamment la SEP.

Néanmoins, la médiatisation forte et récurrente de la polémique par les médias ainsi que certaines mesures comme l’interruption en 1998 de la vaccination dans le cadre scolaire (condamnée par l’OMS) ou l’indemnisation de certains patients entretiennent la méfiance vis à vis du vaccin anti-VHB en France, pays où a pourtant été mis au point le vaccin.

Le principe de précaution l’a emporté en France sur le principe de prévention vis à vis de cette maladie grave et très contagieuse.

Le cas de cette patiente souligne que s’il n’existe aucune preuve d’un lien entre la vaccination anti-VHB et la survenue de pathologies démyélinisantes, le risque d’hépatite B mortelle est lui bien réel.

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