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LA CHIRURGIE DE L’ENDOFIBROSE ARTERIELLE DU SPORTIF DE HAUT NIVEAU : UNE PRISE EN CHARGE SPECIFIQUE

Service de Chirurgie VasculairernHôpital Edouard Herriot, Centre Hospitalo-Universitaire de LyonrnrnLe traitement de l’endofibrose artérielle ne peut être que chirurgical si l’on veut en voir disparaitre les symptômes. Peu fréquente, elle est responsable de douleur à l’effort chez des patients jeunes et sportifs de haut niveau.rnTrès spécifique, elle nécessite un bilan diagnostique adapté puis une prise en charge chirurgicale que peu d’équipes chirurgicales pratiquent.rnAvec la plus importante expérience mondiale, le service de Chirurgie Vasculaire des Hospices Civils de Lyon est le centre de référence national pour la prise en charge de cette pathologie atypique, dans son diagnostic et traitement.rnrn1.Anatomie et particularités de l’artère iliaque externernrnL’artère iliaque externe née de la division dans le pelvis de l’artère iliaque commune. Elle a un diamètre moyen de 7mm. Elle mesure environ 8cm de longueur. Après avoir croisé l’uretère, elle longe le bord médial du muscle psoas en arrière de péritoine. Elle donnera au niveau de la région du pli de l’aine l’artère fémorale et ses branches. La veine iliaque externe chemine sur son bord médial.rnElle ne donne que de petites branches collatérales participant à la vascularisation du muscle psoas.rnL’artère iliaque externe a la particularité de franchir une zone mobile correspondant au pli de flexion inguinal. En effet, c’est au niveau de cette artère que l’on va observer la plicature lors du mouvement de flexion de la cuisse sur le bassin.rnrn2. Mécanismes et origine de la lésion artériellernPlusieurs mécanismes complémentaires expliquent l’apparition puis le développement de cette lésion qui réduit progressivement la lumière de l’artère.rnLes mouvements de pédalage induisent des plicatures itératives sur ce segment iliaque mobile. Par leurs importantes amplitudes, ils participent à la déformation et l’étirement répétés de la portion intermédiaire de l’artère. On note alors l’apparition d’un excès de longueur au niveau de l’artère iliaque externe qui se manifeste par des flexuosités artérielles. Elles contribuent à l’aggravation du mécanisme d’agression artérielle.rnEn effet, le jeune patient atteint de cette lésion, pratique le plus souvent de manière intensive un sport d’endurance, notamment le cyclisme. Cette activité sportive génère lors d’efforts parfois très intenses et pendant plusieurs minutes, des fréquences cardiaques et des débits artériels considérables. rnC’est la conjonction de la déformation répétée de l’artère et d’une situation hémodynamique supra-normale, qui va générer une lésion de stress artérielle, aux caractéristiques spécifiques.rnrn3. Conséquences cliniquesrnLa lésion d’endofibrose réduit le calibre de la lumière artérielle sur une longueur variable. Le plus souvent, cette réduction ou sténose est peu importante (20 à 40%). Cependant, elle peut être plus sévère, conduisant même dans 3% des cas à la thrombose de l’artère (cf image 1).rnDans les cas de sténose, le jeune sportif présente de façon caractéristique et constante, une douleur musculaire à type de crampe au niveau de la cuisse. Il décrit cette symptomatologie uniquement à l’effort intense, lors de ses sorties cyclistes, comme une impression « de cuissard trop serré », alors qu’il est sans douleur au repos ou à la marche. Il est oblige de réduire son allure voire d’arrêter son effort. Sa symptomatologie est le plus souvent unilatérale. Mais les lésions peuvent être bilatérales.rnDans les cas de thrombose artérielle iliaque, le patient devient symptomatique à la marche. Une claudication surale chez un jeune sportif de haut niveau doit faire évoquer cette complication. rnrn4. Profil sportif du patientrnLa moyenne d’âge des patients est de 27 ans. Ils pratiquent tous de manière intensive et régulièrement soit en tant que professionnels, soit en tant qu’amateurs de haut niveau, un sport d’endurance. L’endofibrose apparait préférentiellement chez les cyclistes, mais d’autres sports ont été décrits (course ou marche de fond, avirons…).rnLa majorité des patients opérés sont des hommes dans notre expérience (93%). Cette incidence est très certainement biaisée par la forte proportion d\'hommes pratiquant le cyclisme. En effet, le sexe ratio est proche de 50% pour les autres sports.rnrn5. Les procédures chirurgicalesrn- Prise en charge opératoirernLa place des soins infirmiers dans la gestion d’un patient venant dans le service de Chirurgie Vasculaire pour une suspicion d’endofibrose artérielle, puis pour sa prise en charge chirurgicale est importante tout au long de son parcours médical.rn- Bilan pré-opératoirernTrès souvent les patients jeunes découvrent pour la 1ère fois l’hôpital. Ils habitent souvent loin de la région lyonnaise. Ils sont parfois étrangers et ne parlent pas le français couramment. Nous sommes alors obligés de communiquer en anglais. Toute l’équipe paramédicale s’attache à les rassurer en leur donnant des explications sur le déroulement de leur hospitalisation, ainsi qu’en répondant à leurs questions diverses sur la pathologie. rnSi leur bilan n’est pas suffisant pour établir un diagnostic précis, ils pourront bénéficier d’une artériographie dynamique aorto-iliaque, qui nécessite 24h d’hospitalisation. Le plus souvent, un test d’effort sur vélo ergonomique ou sur tapis roulant couplé à un examen écho-doppler, puis un angio-scanner permettent de visualiser la lésion, d’en déterminer sa classification et son indication opératoire.rnPar ailleurs, une prise de sang mesurant les valeurs classiques d’hémostase, des éléments figurés du sang, du métabolisme et permettant de déterminer le groupe sanguin est organisé. rn- Préparation pré-opératoirernLe patient est hospitalisé la veille de l’intervention afin de préparer avec lui son intervention chirurgicale :rn- Il bénéficie d’un écho-marquage de sa veine grande saphène la plus adaptée en diamètre et en qualité si un prélèvement est envisagérn- Il restera à jeun à partir de minuit. Aucune préparation digestive n’est requise, malgré l’abord chirurgical rétro-péritonéal.rn- On demande au patient de prendre une douche corps entier avec une solution antiseptique hypoallergique la veille du bloc, renouvelée le jour du bloc. En même temps, la zone opératoire est tondue (pas de rasage afin d’éviter les coupures). Compte tenu de la zone opératoire et de la nécessite d’avoir toute la jambe dans le champ, la zone de rasage doit être large. Elle comprend la région pubienne entièrement ainsi que le membre inferieur (tonte en « short » avec membre inférieur). L’utilisation d’une crème dépilatoire est conseillée.rn- il est vérifié l’absence de port de bijou, de piercing. Les prothèses ou lunettes sont laissées dans la chambre dans un endroit approprié.rn- Une prémédication est administrée par voie orale. Elle a pour objectif de détendre le patient sans l’endormir.rnrnLe patient est alors pris en charge par l’aide-soignant du bloc opératoire. Il l’amènera au bloc opératoire après avoir vérifié son identité, le type d’intervention ainsi que le coté à traiter. Une ultime vérification du dossier ainsi que des bilans pré-opératoire sera réalisée en salle d’induction par l’infirmière.rn- Les techniques opératoiresrnHormis l’angioplastie endoluminale iliaque, l’ensemble des interventions proposées dans le cadre du traitement d’une endofibrose artérielle exige une anesthésie générale.rnDans le cadre du traitement d’une endofibrose iliaque, le patient est installé en décubitus dorsal. Le flanc est légèrement surélevé par un billot. Le membre inférieur est positionné dans le champ opératoire. La voie d’abord traditionnelle se fait par une incision iliaque d’environ 10cm. Elle sera complétée si besoin d’une incision transverse fémorale pour la gestion des examens complémentaires peropératoires (angioscopie, IVUS).rnLe 1er temps opératoire est l’abord puis le contrôle de la bifurcation iliaque et de l’artère iliaque externe jusqu’à sa terminaison. Aucune section musculaire n’est pratiquée garantissant la solidité pariétale à la reprise des efforts sportifs. Lorsqu’il est nécessaire de repérer précisément la lésion d’endofibrose, une angioscopie de l’axe iliaque est réalisée à partir d’une introduction fémorale. A l’aide d’une échographie intra-artérielle couplée, la lésion est confirmée, parfaitement localisée et caractérisée. En évaluant l’excès de longueur très souvent associé, le geste de réparation artérielle est poursuivi.rnLorsqu’une conservation de l’artère est retenue, l’artère iliaque externe est ouverte longitudinalement en regard de la plaque. Une endofibrosectomie est réalisée en même temps que la résection artérielle (cf images 2 et 3). Puis l’artère iliaque externe est fermée sur un patch d’élargissement qui peut être saphénien (prélèvement saphène à la cheville) ou artériel. L’ensemble de ces temps opératoires sont réalisés sous grossissement optique permettant de minimiser tout traumatisme artériel.rnDans les cas de lésion trop sévère, l’artère iliaque externe est remplacée. Un segment de veine saphène crurale écho-marquée est prélevé par voie cœlioscopie. Un greffon calibré au diamètre souhaité est confectionné puis anastomosé (cf image 4).rnAucune transfusion sanguine n’est réalisée habituellement.rnLes différentes plaies opératoires sont fermées avec du matériel de suture résorbable rendant plus facile dans les suites la gestion des pansements.rn- Prise en charge post-opératoirern*SurveillancernLa surveillance post-opératoire est assurée dans notre unité d’hospitalisation. Outre les constantes vitales, une surveillance biologique sanguine est demandée une fois par jour pendant 3 jours.rnLes paramètres hémodynamiques sont ici importants. Les pressions artérielles systoliques doivent se situer entre 100 et 140mmHg. En deca, le risque de thrombose aigue post-opératoire est possible. Au-delà, il existe un risque d’hémorragie au niveau des sutures.rn*DouleurrnL’infirmière a un rôle fondamental sur l’évaluation et la prise en charge de la douleur post-opératoire.rnUn cathéter multiperforé permettant de diffuser un anesthésique local est systématiquement implanté au niveau de la voie iliaque retro-péritonéale. Un protocole d’antalgie est appliqué selon l’évaluation plusieurs fois par jour, de la douleur à partir d’une échelle EVA.rn*Drains et cicatricesrnLe drainage est conserve pendant 24 à 48h. On y analysera sa nature ainsi que son volume.rnLe cathéter de drainage silicone est retiré sans douleur lors du 1er pansement. Puis ceux-ci sont réalisés toutes les 48h selon un protocole antisepsie établi en 4 temps. L’infirmière pourra ainsi avoir un suivi visuel de l’évolutivité de la cicatrisation.rnAucune agrafe ou fil ne devra être retiré.rn*Réalimentation, reprise du transitrnLa réalimentation est proposée dès le soir de l’intervention.rnMême s’il n’y a pas eu d’ouverture de la cavité péritonéale et de préparation digestive la veille de l’intervention, la reprise du transit pourra se faire avec un peu de retard compte tenu de la voie d’abord iliaque et de l’utilisation de morphiniques.rnElle sera facilitée par une bonne hydratation ainsi qu’un lever précoce.rn*Reprise de la marche : 1er leverrnLe patient est levé précocement aidé par un kinésithérapeute. La mise au fauteuil est importante. Elle est favorisée dès que les constantes cliniques sont normalisées.rn*KinésithérapiernLa prise en charge kinésithérapeutique est importante pour la récupération physique d’un sportif de haut niveau. Dans le cadre de l’hospitalisation, l’aide apportée aura pour objectifs de reprendre une activité de marche, de travailler les amplitudes articulaires ainsi que la tonicité abdominale.rnDes conseils de protection cicatricielle sont réitérés : port d’une ceinture de contention pendant 1mois, contre-indication de porter des charges lourdes…rnElle aide également fortement à la reprise du transit digestif.rn*Contrôles post-opératoiresrnLa vérification post-opératoire de la reconstruction artérielle est intéressante. Elle permet une imagerie de référence.rnL’évaluation artérielle se fait à partir d’une exploration écho-doppler iliaque et du membre inférieur et d’un angio-scanner.rnPar ailleurs, un dosage des acides aminés soufrés selon un protocole de stimulation digestive est proposé. Il permet de dépister l’existence d’une anomalie au niveau de la voie de l’homocystéïne. rn(dosage sanguin et urinaire à H+6)rn*Les médicamentsrnOutre les antalgiques classiques, il est nécessaire de protéger les sutures artérielles de toute anomalie de cicatrisation. Un traitement associant un antiagrégant plaquettaire (aspirine ou clopidogrel) et une statine (rosuvastatine) est débuté dès le lendemain de l’intervention. Il est maintenu pour une durée allant de 3 à 6 mois.rnUne prophylaxie anti-thrombotique veineuse est également prescrite pour une durée de 10j afin de prévenir le risque de thrombophlébite post-opératoire.rn- Planification de la sortiernLa durée d’hospitalisation varie entre 4 et 7 jours.rnUn programme de reprise de l’entrainement adapté à chaque niveau sportif, est planifié. Toute activité sportive est contre-indiquée pendant une période de 6 semaines après l’intervention. Ensuite, des paliers d’activité permettent la récupération du niveau physique antérieur dans un délai moyen de 3 mois.rnUn examen écho-doppler au repos permettra de valider la réparation artérielle au 2ème mois post-opératoire.rnLa surveillance artérielle sera ensuite planifiée annuellement. Elle se fera par l’intermédiaire d’examens écho-doppler au repos mais également à l’effort. rnrn6. ConclusionrnDu fait que cette pathologie touche de jeunes sportifs de haut niveau, par la nature de cette lésion non-athéromateuse, la prise en charge de l’endofibrose artérielle est spécifique. Elle nécessite une prise en charge multidisciplinaire dans des centres chirurgicaux référents pour la pathologie. rnLes procédures vasculaires proposées actuellement permettent d’obtenir des taux de perméabilité excellents à long terme tout en autorisant la reprise puis la poursuite du sport à haut niveau à long terme. rnrn7. Référencesrn1. Feugier P, Chevalier JM. Endofibrosis of the iliac arteries: an underestimated problem. Acta Chir Belg. 2004;104(6):635-40.rn2. Takach TJ, Kane PN, Madjarov JM, Holleman JH, Nussbaum T, Robicsek F, et al. Arteriopathy in the high-performance athlete. Tex Heart Inst J. 2006;33(4):482-6.rn3. Feugier P. Pathologie vasculaire du sportif. In: Monod H, Rochcongar P, editors. Manuel du Sport. 4ème ed. Paris: Elsevier Masson SAS; 2009. p. p. 347-61.rn4. Willson TD, Revesz E, Podbielski FJ, Blecha MJ. External iliac artery dissection secondary to endofibrosis in a cyclist. J Vasc Surg. 2010 Jul;52(1):219-21.rnrnrnrn

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